Les bonnes nouvelles se faisant rares à Bruxelles, les partisans de la révision de la directive sur le travail détaché ont salué avec effusion, mardi 29 mai, le vote définitif de ce texte au Parlement européen. D'autant qu'il a été validé à une très large majorité : 456 voix pour et 147 contre.
Certes, une dizaine de conservateurs polonais l'ont approuvé par erreur. Un acte manqué ? Cette bévue n'aurait en tout cas pas inversé le cours de l'histoire : il manque encore l'ultime validation des ministres des affaires sociales des Vingt-Huit, fin juin, strictement formelle. La directive révisée entrera en application courant 2020.
Proposée par la Commission en mars 2016 et défendue avec ténacité par le président Emmanuel Macron, qui en a fait son premier combat européen, cette directive révisée (le texte initial date de 1996) entend mieux protéger les travailleurs postés temporairement dans un autre pays membre que le leur, et mieux lutter contre le dumping social des pays de l'Est.
" Le résultat du vote est fantastique, c'est une validation sans appel d'un nouveau chapitre de l'Europe, l'Europe sociale qui vient conforter le marché intérieur ", s'est félicitée la Française Elisabeth Morin-Chartier, eurodéputée conservatrice (ex-LR), qui fut rapporteuse du texte pour le Parlement et a habilement manœuvré afin d'éviter un blocage total par les élus des pays de l'Est, très opposés à un texte considéré comme une tentative protectionniste de l'Ouest.
" Nous envoyons le signal que les travailleurs doivent être traités de la même manière sur le même lieu de travail ", a souligné sa collègue et corapporteuse, la Néerlandaise sociale-démocrate Agnes Jongerius. La directive révisée sécurise en effet la rémunération des travailleurs détachés, précisant qu'ils doivent pouvoir bénéficier, comme les nationaux, des indemnités de pénibilité, de transport, etc. Pas question par ailleurs, comme c'est trop souvent le cas, que ces travailleurs voient leur salaire amputé par leur employeur indélicat de frais liés à leur hébergement dans le pays d'accueil. La durée maximale du détachement sera d'un an,
prolongeable de six mois seulement, sur décision du pays d'accueil. La France avait beaucoup bataillé pour obtenir ces douze mois, alors qu'initialement la Commission partait sur vingt-quatre mois. Elle en a même fait un marqueur politique :
" cette limite renoue avec l'esprit originel du détachement : remplir une mission temporaire dans un autre Etat membre ", s'est félicité Paris mardi.
Le cas du secteur routier
" L'Europe sociale progresse et protège nos concitoyens, elle est capable de se doter de règles communes. C'est une étape importante, et la France veillera à mettre en œuvre au plus vite ces nouvelles règles ", a salué la ministre du travail française, Muriel Pénicaud.
Le vote, mardi au Parlement de Strasbourg, a quand même suscité des aigreurs.
" Souhaitons-nous réellement une Europe protectionniste où la liberté de circulation ne joue que dans un sens ? Je ne peux pas soutenir une telle réforme ", a tweeté l'eurodéputée libérale tchèque Martina Dlabajova.
Baroud d'honneur ? Pas seulement. Cette élue avec d'autres en Pologne, en Espagne ou dans les pays Baltes, comptent prendre leur revanche en évitant au secteur routier de se voir lui aussi appliquer ces nouvelles conditions du détachement. Une partie des capitales de l'Est, avec Madrid ou Lisbonne, avaient exigé (et obtenu) à l'automne 2017, en échange de leur non-opposition à la révision de la directive travail détaché, que les conditions de travail des chauffeurs routiers fassent l'objet d'un texte à part.
Or, ce dernier, pour l'instant, ne va pas dans le sens d'une amélioration de leurs conditions de travail et de rémunération. Au Parlement européen, les élus de la commission transport, qui s'écharpent depuis des mois, devraient voter leur rapport début juin. Si la suggestion de la Commission (et de Paris) d'appliquer les règles du détachement dès le premier jour de cabotage (livraison d'un point à un autre dans un même pays) pourrait être conservée, des élus poussent pour que le transport international soit, lui, exempté.
Côté Conseil européen (les Etats membres), la Bulgarie, chargée de la présidence tournante de l'Union jusqu'à la fin juin, n'a pas fait beaucoup d'efforts pour trouver un compromis. A Paris, on dit compter sur l'Autriche, qui prend la relève de la Bulgarie au 1er juillet, afin d'accélérer les travaux. L'agenda est très serré : aboutir à un accord avant les élections européennes de mai 2019 tient de la gageure.
Cécile Ducourtieux
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