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jeudi 1 mars 2018

Une étude mesure l'impact de la concurrence chinoise sur l'emploi

1er mars 2018

Une étude mesure l'impact de la concurrence chinoise sur l'emploi

La montée en puissance de la Chine serait responsable d'environ 13 % du déclin de l'emploi manufacturier français entre 2001 et 2007

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L'USINE FORD DE BLANQUEFORT MENACÉE
L'usine Ford de Blanquefort, près de Bordeaux, et son millier de salariés sont menacés après l'annonce mardi par le constructeur automobile qu'il cessait d'y investir. L'usine n'accueillera finalement pas la fabrication d'une nouvelle boîte de vitesses, un projet pourtant essentiel pour assurer le maintien de l'activité. Après cette annonce, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a pressé dans un communiqué le constructeur américain de " garantir la pérennité " du site. Chez Ford, on souligne déjà qu'une " solution viable et pérenne " pourrait passer par " la recherche de tout repreneur ". En  2013, Ford s'était engagé à maintenir 1 000 emplois, en échange de 27  millions d'euros d'aides. L'accord arrive à échéance fin mai  2018. Depuis des années, les syndicats accusent le groupe de repousser des décisions pour gagner du temps.
La France fait-elle partie des gagnants ou des perdants de la mondialisation ? Cette question fut l'un des thèmes structurants de la dernière campagne présidentielle. Elle revient sur le tapis chaque fois qu'une usine menace de baisser le rideau dans l'Hexagone – comme celle de Ford à Blanquefort, où le groupe a annoncé, mardi 27  février, qu'il n'investira plus. Elle nourrit les craintes des Français à l'égard des accords commerciaux négociés par l'Union européenne. Surtout, il est difficile d'y répondre précisément. Car bien souvent, les pertes liées à la libéralisation des échanges, concentrées dans les régions fragilisées, sont plus visibles que les gains, notamment en matière de pouvoir d'achat.
Une note publiée lundi 26  février par Clément Malgouyres, chargé d'études à la Banque de France, apporte un nouvel éclairage sur le sujet. Elle confirme que la concurrence exercée par la Chine juste après son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en  2001, a contribué à détruire des emplois industriels tricolores. " Les résultats suggèrent qu'environ 13  % du déclin de l'emploi manufacturier observé en France de 2001 à 2007 serait imputable à la concurrence chinoise ", explique l'étude, qui résume les travaux publiés par l'auteur sur le sujet en  2016 et 2017.
La période étudiée correspond au décollage économique de la Chine. Entre 1998 et 2008, sa part dans les exportations mondiales est passée de 3,3  % à 9,5  %. Elle atteint un peu plus de 13  %, selon les derniers chiffres de l'OMC. En  2017, la Chine a exporté pour 49,1  milliards d'euros de biens et services vers la France, et en a importé 18,8  milliards d'euros, d'après les douanes. Cela signifie que Paris affiche un déficit commercial de 30,3  milliards d'euros envers Pékin. C'est presque deux fois plus que celui enregistré envers l'Allemagne (17,2  milliards d'euros).
Pas étonnant, dès lors, que certains pans de l'industrie française aient souffert de la concurrence chinoise. Mais pas tous, et pas dans les mêmes proportions. " La croissance des exportations chinoises a ainsi été très forte dans le textile, l'habillement et les jouets, et plutôt limitée dans les industries chimique, pharmaceutique ou agroalimentaire ", précise l'auteur. En outre, les départements français ont été affectés de façon très variable selon leur spécialisation et les caractéristiques du tissu économique local. Ceux des Pays de la Loire ont ainsi été beaucoup plus exposés que ceux de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Reste que, en moyenne, " chaque emploi détruit dans le secteur manufacturier a induit la disparition d'environ 1,5 emploi supplémentaire au niveau local ", explique l'économiste. Entre 2001 et 2007, aux 90 000 emplois manufacturiers détruits à cause de la concurrence chinoise, s'ajoutent 190 000 emplois supprimés dans les autres secteurs. C'est plus qu'en Allemagne, dont l'industrie, spécialisée sur un créneau haut de gamme, est mieux protégée.
C'est en revanche beaucoup moins qu'aux Etats-Unis. Dans une étude publiée en  2013 dans l'American Economic Review, une prestigieuse revue académique, les économistes David Autor (MIT), David Dorn (université de Zurich) et Gordon Hanson (université de Californie) ont en effet démontré que l'intensification de la concurrence de l'empire du -Milieu est responsable du quart de la baisse des emplois industriels observés aux Etats-Unis entre 1990 et 2007. Elle s'est également traduite par une hausse des transferts sociaux dans les régions les plus affectées, notamment en matière de maladie, invalidité et retraite.
De ce côté-ci de l'Atlantique, les importations chinoises ont pesé sur l'ensemble des salaires du secteur manufacturier, où les destructions d'emplois de compétences intermédiaires ont été plus fortes que celle de postes peu ou très qualifiés, explique Clément Malgouyres. Dans les autres secteurs, en revanche, seuls les salaires au milieu de la distribution, correspondant aux jobs intermédiaires, ont été tirés vers le bas.
Le consommateur gagnantEst-ce à dire que la France n'a rien gagné aux échanges avec l'empire du Milieu ? Pas exactement. " L'impact négatif direct sur l'emploi et les salaires locaux n'implique pas que le commerce avec la Chine n'ait pas été globalement positif ", explique l'auteur. Une évaluation d'ensemble exige en effet de prendre en compte les gains pour le porte-monnaie des ménages : les biens chinois moins chers ont profité à leur pouvoir d'achat. Les entreprises important des biens asiatiques pour leurs consommations intermédiaires sont également gagnantes.
Selon l'étude publiée par le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) en  2013, remplacer des produits fabriqués en France par des biens conçus dans les pays à bas coût (électroménager, habillement…) entraînerait un surcoût de 1 270 à 3 770  euros par ménage et par an. La difficulté tient à ce qu'un consommateur gagnant peut aussi être un travailleur perdant.
Marie Charrel
© Le Monde

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