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samedi 24 mars 2018

Une épée de Damoclès sur la tête des Européens


24 mars 2018

Une épée de Damoclès sur la tête des Européens

Washington donne jusqu'au 1er mai à l'Union européenne pour aboutir à un accord

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Les incertitudes, couacs et improvisations du Conseil européen, jeudi 22  mars à Bruxelles, en disent long sur l'état de confusion dans lequel les dirigeants de l'Union européenne (UE) se trouvaient encore ces dernières heures, et surtout, sur l'absence totale de confiance qu'ils ont dans l'administration Trump.
Auditionné jeudi au Sénat américain autour de 16  heures, heure de Bruxelles, le représentant spécial au commerce du président américain, Robert Lighthizer, avait pourtant confirmé que l'UE, tout comme l'Argentine, l'Australie, le Brésil, la Corée du Sud, le Canada et le Mexique, seraient exemptés des taxes à 25  % sur leurs exportations américaines d'acier et de 10  % sur leurs exportations d'aluminium.
Mais les responsables européens ont préféré aller se coucher, vers 2  heures du matin, et ajourner leur débat sur la question commerciale au vendredi 23  mars, plutôt que de prendre le risque d'adopter des conclusions communes trop – ou pas assez – optimistes, au cas où Donald Trump, jugé totalement imprévisible, aurait balayé d'un tweet rageur les dires de M. Lighthizer.
Le président américain a fini jeudi soir, heure de Washington, par confirmer officiellement des exemptions aux Européens sur les barrières douanières dont il les menaçait. Mais cette levée n'est que temporaire : elle ne court que jusqu'au 1er  mai prochain. Une véritable épée de Damoclès au-dessus des Européens, à qui Washington donne un gros mois supplémentaire pour trouver un terrain d'entente.
Les dirigeants européens qui ont pris la parole vendredi matin ont quand même fait bonne figure. " Je suis très satisfait que nous ayons évité une situation qui aurait pu conduire à une grande incertitude pour l'industrie allemande de l'acier et de l'aluminium et ses employés ", a déclaré Peter Altmaier, le ministre de l'économie allemande sur la radio Deutschlandfunk.
" C'est plutôt une bonne nouvelle, les guerres commerciales ne font que des perdants ",estimait pour sa part le commissaire à l'économie Pierre Moscovici, au micro de France Inter. " L'Europe va continuer le dialogue mais simultanément, elle doit continuer à se préparer à toutes les hypothèses. Le climat avec les Etats-Unis reste assez offensif "…
Preuve qu'ils considèrent toujours la situation comme grave, confrontés à un partenaire devenu agressif et qui semble vouloir s'affranchir de toutes les règles du jeu multilatéral, les Européens devaient réclamer une exemption " permanente " vendredi, depuis Bruxelles. Mais ils n'avaient pas l'intention de laisser tomber l'arsenal de mesures de rétorsion préparées ces dernières semaines en cas de guerre commerciale avec les Etats Unis.
" Davantage de discussions "Cecilia Malmström, la commissaire au commerce, grâce à qui les Européens ont échappé momentanément aux taxes américaines, avait prévenu les représentants des 28 pays membres à son retour de Washington jeudi matin : il allait falloir se mettre à table. Donald Trump leur proposait la création d'un " groupe de travail de haut niveau " afin de discuter des " tarifs bilatéraux entre UE et Etats-Unis " et des surplus chinois dans l'acier.
Mais la grande question, à laquelle personne n'avait encore de réponses vendredi, était de savoir ce que le président américain attend réellement en échange des exemptions. Que Bruxelles efface ce surplus commercial européen vis-à-vis des Etats-Unis, que le président américain ne cesse de pointer, alors que les Européens répètent que le véritable problème des aciéristes américains, ce sont les énormes surcapacités chinoises ?
Faut-il par ailleurs prendre Trump à la lettre, qui multiplie les attaques visant l'Allemagne et son industrie automobile ? " Si les Européens ne baissent pas leurs horribles barrières douanières, on taxera leurs voitures ! "" on va taxer Mercedes-Benz, on va taxer BMW ", avait-il dit début mars.
" Nous pensons que des droits de douane ne sont pas justifiés et nous cherchons à avoir davantage de discussions ", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, jeudi dans la nuit. " S'ils augmentent les droits de douane, nous répondrons par des contre-mesures. C'est notre opinion commune. "
" Nous ne négocierons jamais sous la menace, ce serait légitimer des mesures unilatérales non conformes à l'OMC ", l'Organisation mondiale du commerceavait insisté Jean-Luc Demarty, le patron de la direction générale du commerce de la Commission, mercredi 21  mars, depuis le Parlement européen. " Appartient-il au reste du monde de résoudre les problèmes d'équilibre commercial américain ? ", insistait le premier ministre belge Charles Michel jeudi soir.
Jusqu'à présent, les Vingt-Huit ont serré les rangs et réagi très fermement aux menaces de M. Trump. Ils ont réitéré cette démonstration d'unité vendredi. Mais elle risque d'être mise à rude épreuve si la Maison Blanche pose des conditions inacceptables. D'autant que c'est surtout l'Allemagne, avec son énorme surplus commercial vis-à-vis des Etats-Unis, qui a besoin de la solidarité des autres, alors que pendant la crise financière, elle s'est montrée plutôt avare de la sienne.
Cécile Ducourtieux
© Le Monde

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