La France peut-elle nourrir quelque espoir d'éviter un lourd et long conflitferroviaire à partir du 3 avril ? L'épreuve de force entre le gouvernement, qui a lancé son projet de réforme il y a un mois, et les syndicats de la SNCF vient d'entrer dans une parenthèse de calendrier. Cette période d'entre-deux, après la journée de mobilisation nationale du 22 mars et avant le début de trois mois de grève perlée, pourrait être l'occasion d'un miracle. Juste avant Pâques. C'est, en tout cas, la volonté du gouvernement : faire rapidement entrer une partie des syndicats dans sa logique de concertation et ainsi casser le conflit avant sa cristallisation.
La semaine dernière, la ministre des transports, Elisabeth Borne, a écrit un courrier aux quatre organisations syndicales représentatives de la SNCF – CGT Cheminots, UNSA Ferroviaire, SUD Rail et CFDT Cheminots – dans lequel, pour la première fois, le mot
" négociation " est ajouté à celui de -
" concertation ".
C'est une première concession aux griefs des représentants des salariés, qui se plaignent depuis le début de leurs rencontres avec le ministère des transports, dénonçant une accumulation de réunions stériles, syndicat par syndicat, au cours desquelles chacun exprime son avis sans qu'une véritable négociation de fond n'ait vraiment commencé.
Les quatre organisations ont décidé de saisir cette occasion pour réclamer, dans un tract et une lettre adressés à la ministre lundi 26 mars, l'ouverture d'un dialogue avec l'intersyndicale sur de nouvelles bases et à partir de huit revendications précises.
" Les organisations syndicales exigent d'autres mesures, assises sur leurs propositions et leurs revendications ", annonce le communiqué.
" Il est possible d'avancer "Les syndicats formulent plusieurs demandes : une reprise de la dette sans contrepartie, le refus de la filialisation du fret, le maintien de la SNCF comme établissement public, une réorganisation décloisonnée de la production, la fin de la sous-traitance dans l'entreprise, l'annulation de l'ouverture à la concurrence, la confirmation du statut social des cheminots, l'amélioration des droits sociaux des travailleurs de la branche ferroviaire.
A la lecture de ces revendications, diamétralement opposées au projet du gouvernement, la possibilité que des discussions aboutissent en quelques jours relève de l'utopie.
" Il y a les postures médiatiques et il y a la réalité du dialogue, tempère Jean-Baptiste Djebbari, député LRM de la Haute-Vienne et rapporteur du projet de loi d'habilitation sur le nouveau pacte ferroviaire.
Evidemment, avec certains, par principe opposés à la concurrence et à toute réforme, c'est compliqué, mais avec d'autres, il est possible d'avancer. "
Il y aurait donc du grain à moudre. "
Sur la date de mise en œuvre effective de la réforme, sur les exceptions à l'ouverture à la concurrence, sur les modalités de transfert des personnels des lignes à un autre opérateur, sur le droit au retour, sur les possibilités d'une évolution de carrière au sein du secteur… Les marges de manœuvre sont réelles ", assure-t-on au ministère des transports. Un nouveau calendrier très détaillé des réunions de concertation a été transmis aux négociateurs en même temps que la lettre de la ministre. Autant de signes de bonne volonté que l'entourage de Mme Borne considère comme des ouvertures réelles.
" La colère est palpable "Du côté de l'UNSA, principal syndicat dit réformiste de la SNCF, l'enthousiasme semble nettement plus modéré.
" La ministre écoute mais elle n'entend pas ", explique Florent Monteilhet, l'un des secrétaires fédéraux du syndicat. Pourtant, l'organisation, qui est très représentée chez les cadres, reconnaît avoir obtenu gain de cause sur certains détails de la méthode.
" Elisabeth Borne a accepté de faire des points d'étape sur son appréciation de nos propositions, détaille ainsi un négociateur de l'UNSA Ferroviaire.
Jusqu'ici, le cabinet écoutait nos demandes, mais impossible de savoir ce qui avait été retenu ou pas. "
Mais, manifestement, la méfiance demeure.
" Nous avons le sentiment que les concessions faites par le gouvernement, sur le calendrier en particulier, sont davantage liées aux difficultés de mise en œuvre concrète des mesures dont le gouvernement prend peu à peu conscience que sur une prise en compte de nos demandes, observe ce négociateur.
Le délai accordé au passage de la SNCF en société anonyme, par exemple, est d'abord dû à la réticence de l'Etat à reprendre la dette de la SNCF. "
En l'état, il apparaît donc très difficile d'empêcher la grève des 3 et 4 avril.
" D'autant que le gouvernement a traité les arrêts de travail et la manifestation du 22 mars comme un non-événement, souligne ainsi un syndicaliste.
Cela a été très mal pris par les cheminots. "
" Nous avons compté 40 % de grévistes le 22 mars, plus de 50 % chez les non-cadres,renchérit Erik Meyer, secrétaire fédéral de SUD Rail.
La colère est palpable. " Pour ce dernier, pas question d'entrer dans le cadre de concertation proposé par le gouvernement. SUD Rail a d'ailleurs déposé un préavis de grève illimité à partir du 2 avril, 20 heures.
Éric Béziat
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire