C'est une brèche qui ne demande qu'à s'élargir. Ces dernières semaines, une série de constructeurs ont annoncé qu'ils allaient cesser la commercialisation de modèles diesel. En 2017, Volvo avait déjà officiellement renoncé à mettre en chantier une nouvelle génération de moteurs de ce type. Début mars, Toyota a sonné la fin du diesel dans sa gamme de voitures particulières dès 2018 et Mitsubishi fait de même. Chez Porsche (13 % des ventes mondiales en diesel), seul le tout nouveau Cayenne continuera de proposer une telle motorisation. Quant au groupe FCA (Fiat-Chrysler), il pourrait lui aussi jeter l'éponge début juin. Ces désengagements n'émanent pas seulement de firmes qui ont largement anticipé la montée en régime de technologies hybrides. Même si le bannissement n'est pas intégral (chez Toyota, certains gros 4 × 4 et le pick-up Hilux continueront de rouler au gazole), la rupture s'inscrit bien au-delà du symbolique.
Le durcissement programmé des normes antipollution en Europe, les sanctions promises aux contrevenants et le coût de plus en plus élevé engendré par la mise en conformité technique incitent nombre de constructeurs à sauter le pas. D'autant que leur image de marque ne peut que bénéficier d'une telle prise de position. Pour beaucoup, les ravages du " dieselgate " sont irréversibles.
" Lorsque l'on voit la chute brutale des immatriculations, la dégringolade des valeurs de revente et les velléités des grandes agglomérations, y compris en Allemagne, d'imposer des interdictions de circuler, on se dit que le diesel a perdu la partie vis-à-vis de l'opinion et des politiques. Et que l'on a pas d'autre choix que d'en prendre acte ", résume, sous couvert d'anonymat, le représentant d'un grand constructeur.
Couper les ponts impose de passer par une phase transitoire un peu délicate.
" Dans un premier temps, il sera compliqué de maintenir les mêmes volumes de vente sur les modèles concernés ", admet Patrick Gourvennec, président de Mitsubishi France.
" Il va falloir mener un gros travail d'information pour expliquer en quoi l'hybride constitue une vraie solution alternative ", assure le responsable de la marque japonaise désormais intégrée au sein de l'alliance Renault-Nissan.
Le sens de l'HistoireL'adieu au diesel n'est cependant pas encore une option majoritaire. Tout en investissant massivement – et tardivement – dans le véhicule électrique, la plupart des firmes allemandes continuent de plaider mordicus la cause du gazole. Matthias Müller, le patron du groupe Volkswagen, après avoir suggéré que les aides fiscales attribuées au diesel soient concentrées sur les motorisations électriques – ce qui lui a valu de se faire traiter de
" Judas du diesel " par Nicola Beer, la secrétaire générale du Parti libéral-démocrate allemand, le FDP
–, entrevoit désormais
" une renaissance " de cette technologie.
Chez BMW, on veut aussi entretenir la flamme.
" La mort du diesel ? Pas si vite. Nos moteurs pourront être mis aux futures normes d'émission sans problème. La vérité n'est ni dans le diesel bashing ni dans le tout-diesel ", fait valoir Jean-Michel Juchet, porte-parole de BMW France. Les marques françaises, quant à elles, n'ont pas renié leur tropisme historique prodiesel. Chez PSA, qui vient de présenter un nouveau moteur alimenté au gazole, on souligne que
" la demande restera forte pour les véhicules utilitaires et ceux qui se destinent aux gros rouleurs ". En parallèle, le groupe français prévoit de proposer une
" solution électrifiée " sur la moitié de sa gamme en 2021, puis sur la totalité en 2025. Selon Peugeot-Citroën
, tous les goûts pourraient donc durablement cohabiter dans la nature automobile.
Les partisans du diesel mettent aussi en exergue un paradoxe : son recul dans les immatriculations se traduit mécaniquement (comme ce fut le cas, en 2017, en France) par une augmentation des émissions moyennes de CO2 par voiture neuve. Ce critère, qui demeure la référence majeure de l'arsenal réglementaire, est défavorable aux moteurs essence, en revanche mieux placés pour ce qui concerne les émissions de Nox (oxydes d'azote) et de particules. Résultat : plus les constructeurs " vertueux " produisent des moteurs essence et plus il leur est difficile de satisfaire aux normes. Ce qui explique la multiplication des projets de modèles électriques ou électrifiés, seule échappatoire permettant de s'inscrire en conformité avec les seuils imposés par les futures normes.
Pourtant, sur le front du diesel, il faut s'attendre à de nouvelles défections plutôt qu'à des retours en arrière. On ignore encore à quel rythme le déclin va se poursuivre, mais il est clair que la mécanique inventée en 1892 par Rudolf Diesel ne s'inscrit plus dans le sens de l'Histoire. Oliver Blume, le patron de Porsche, va plus loin.
" Il n'y a pas de doute, à long terme, la voiture du futur sonnera le glas des moteurs à combustion ", a-t-il lancé mi-mars lors d'une manifestation organisée au musée de la marque.
Jean-Michel Normand
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