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jeudi 29 mars 2018

Radiographie du terrorisme en France La République rend hommage à Arnaud Beltrame 2013-2018


29 mars 2018

Radiographie du terrorisme en France La République rend hommage à Arnaud Beltrame 2013-2018

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 Renseignement Depuis le début du conflit syrien, les services de lutte antiterroriste ont recensé 78 projets d'attaques sur le sol français. Un décompte exhaustif que " Le Monde " s'est procuré  Hommage national Les députés ont procédé à une minute de silence, mardi 27 mars, en l'honneur des quatre victimes des attaques survenues dans l'Aude. M. Macron devait rendre un hommage national au gendarme Arnaud Beltrame, mercredi  Politique Au Palais-Bourbon, mardi, Edouard Philippe a répété qu'il n'envisageait pas de retour à l'état d'urgence ni d'expulser ou d'enfermer les " fichés S ". La gauche et la majorité se sont levées pour l'applaudir, la droite et le FN sont restés assis
Pages 8-9 et 16 à 19
© Le Monde


29 mars 2018

A l'Assemblée, un hommage et des critiques

Alors que la droite et l'extrême droite multiplient les polémiques, des divergences apparaissent au sein de LRM

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ATTENTAT : UNE PREMIÈRE MISE EN EXAMEN
La compagne de Radouane Lakdim, le djihadiste qui a tué quatre personnes dans des attaques à Carcassonne et à Trèbes, a été mise en examen, mardi 27 mars, pour " association de malfaiteurs terroriste en vue de préparer des crimes d'atteinte aux personnes ". Marine P., qui s'est convertie à l'islam à 16 ans, a été incarcérée dans l'attente d'un débat différé sur son placement en détention qu'elle a sollicité. La jeune femme, âgée aujourd'hui de 18 ans, était " fichée S " en raison de sa " fréquentation des milieux islamistes radicaux ", selon une source proche de l'enquête citée par l'AFP. Les enquêteurs ont, en revanche, levé la garde à vue du jeune homme de 17 ans présenté comme un ami du tueur, " en l'absence d'élément l'incriminant à ce stade ", selon le parquet.
L'Assemblée nationale s'est figée dans un silence de cathédrale, mardi 27  mars, en souvenir des victimes des attaques terroristes survenues en fin de semaine dernière dans l'Aude. A la veille de l'hommage national, rendu mercredi, par Emmanuel Macron, aux Invalides, les députés ont salué la mémoire du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame et son acte de bravoure. Le gendarme, mort après s'être substitué à une otage de Radouane Ladkim dans un supermarché de Trèbes, sera enterré jeudi 29  mars dans l'Aude.
" L'image - du terroriste - s'efface derrière celle d'un héros ", a déclaré Edouard Philippe, dans l'Hémicycle, au cours d'une longue prise de parole lors des questions au gouvernement. " Il incarne la République, il est son image, son corps ", a poursuivi le premier ministre, disant son " sentiment mêlé d'immense fierté et de très grande humilité " face au " courage " du gendarme.
Dans un hommage appuyé, presque une oraison funèbre, Jean-Luc Mélenchon avait évoqué quelques instants plus tôt un homme qui " a assumé la primauté d'un altruisme absolu, celui qui prend pour soi la mort possible de l'autre ". Des mots puissants acclamés par l'ensemble des députés, Marine Le Pen inclue. Elle les a salués discrètement, tapant du plat de la main sur son pupitre. Inédit pour M. Mélenchon, qui suscite bien plus souvent l'agacement de ses collègues que leurs applaudissements. Au final, c'est bien l'intervention du chef de file de La France insoumise, saluant en Arnaud Beltrame," un héros de la condition humaine ", qui a été la plus remarquée de l'après-midi. Même si le premier ministre, Edouard Philippe, n'a pas répondu à son appel au deuil national.
Mises en gardeL'heure n'était cependant pas à la grande union sur les bancs du Palais-Bourbon. Là même où les députés avaient à l'unisson chanté La Marseillaise le 13  janvier 2015 après les attaques contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, la tension entre groupes politiques restait vive. Dans l'Hémicycle, deux camps se distinguaient clairement mardi après-midi. D'un côté figuraient les groupes de gauche (socialiste, communiste, La France insoumise) et de la majorité (La République en marche et MoDem), qui se sont levés pour applaudir le discours d'Edouard Philippe. De l'autre, ses anciens camarades du groupe Les Républicains (LR), et les quelques députés du Front national présents, dont Marine Le Pen, restés assis.
Depuis plusieurs jours, la droite et l'extrême droite multiplient les critiques quant à l'action du gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme. " Nous pensons que le temps est venu de prendre de nouvelles décisions ", a lancé Christian Jacob, président du groupe LR, en reprenant les propositions avancées par Laurent Wauquiez, lundi, tel le retour de l'état d'urgence, l'enfermement des " individus français radicalisés et fichés " et l'expulsion du territoire de ceux de nationalité étrangère. " Il n'y a pas pire mépris à l'égard des victimes que de ne rien vouloir changer ", avait, plus tôt dans la journée, accusé Marine Le Pen.
Dans les autres groupes politiques, l'indignation était de mise. " Personne ne devrait prendre prétexte du malheur qui nous frappe pour enclencher une surenchère démagogique ", a déclaré Olivier Faure, nouveau premier secrétaire du Parti socialiste." Ceux qui croient pouvoir promettre aux Français un risque zéro (…) prennent, dans leur légèreté, une bien lourde responsabilité ", a pour sa part répondu Edouard Philippe.
Si le premier ministre a jugé " légitimes " les " interrogations " de l'opposition, il les a aussi écartées une à une. " Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la loi doit intervenir immédiatement après la survenance d'un attentat ", a-t-il dit. Pas question pour le gouvernement de revenir à l'état d'urgence alors que la loi antiterroriste votée en octobre a fait entrer dans le droit commun certaines de ses prérogatives.
Proposer d'expulser ou d'enfermer les " fichés S " – Radouane Lakdim en faisait partie –, c'est, pour M. Philippe, " méconnaître nos outils de renseignement " et " l'état de droit ". " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses ", a-t-il déclaré en -référence aux déclarations de l'un de ses prédécesseurs, Manuel Valls, qui avait évoqué, dimanche, la possibilité d'interdire le salafisme. " On ne peut pas interdire une idée, on peut sanctionner les comportements qu'elle entraîne ", a précisé M. Philippe.
Si l'ensemble des députés de La République en marche (LRM) ont salué l'intervention du premier ministre lors des questions au gouvernement, les débats avaient été vifs, le matin même dans le huis clos de leur réunion de groupe. Lors de cette rencontre qui s'est tenue en présence d'Edouard Philippe, les interrogations ne sont pas venues, contrairement à ce qui était attendu, de Manuel Valls. Le député de l'Essonne (apparenté LRM) a assisté à la rencontre, sans prendre la parole, alors que la majorité du groupe rejette ses propositions.
C'est de l'ex-patron du RAID, l'unité d'intervention de la police, Jean-Michel Fauvergue, qu'est venue la controverse. " Pourquoi n'expulse-t-on pas ceux qui sont expulsables ? ", a-t-il demandé au sujet des étrangers " fichés S " les plus dangereux. Le député de Seine-et-Marne a également interrogé le premier ministre sur la faiblesse du nombre de " visites domiciliaires " (les perquisitions administratives encadrées par la loi antiterroriste) chez les personnes suspectées de terrorisme. Une -intervention applaudie par une partie du groupe.
Le premier ministre a répondu sur les " fichés S " en disant se " méfier des réponses juridiques rapides ". Quant aux visites domiciliaires, il a rétorqué que ce n'était pas aux responsables politiques de décider d'augmenter leurs fréquences mais " aux forces de l'ordre " de " se saisir " de " l'arsenal juridique " existant.
Autre prise de parole remarquée : celle de l'ex-juppéiste, proche du premier ministre, Marie Guévenoux, qui a souligné la nécessité d'afficher la fermeté du gouvernement lors de l'examen du projet de loi asile-immigration, qui sera débattu en commission à partir du 4  avril. " Comme nous ne sommes pas dans la surenchère, il ne faudrait pas que nous soyons dans la tiédeur ", a déclaré la députée de l'Essonne.
Ces prises de position ont suscité les mises en garde de certains élus. Florent Boudié, responsable du texte asile-immigration, a appelé ses collègues à veiller à ne pas faire d'amalgame entre la lutte contre le terrorisme et l'immigration. " Il faudra qu'on tienne bon lors de l'examen du projet de loi ", a-t-il déclaré, en mettant en garde sur le risque de " tomber dans le piège " des élus LR, qui pourraient être tentés de faire le lien entre les deux sujets. Son collègue du Val-d'Oise, Aurélien Taché, est également intervenu dans ce sens, jugeant " dangereux de glisser du débat sur la lutte contre le terrorisme à celui sur l'immigration ". Loin de l'unité affichée en public, les débats s'annoncent vifs dans une majorité qui cherche encore sa ligne sur les sujets régaliens.
Alexandre Lemarié, et Manon Rescan
© Le Monde


29 mars 2018

Hervé Sosna Un homme " discret " Les victimes

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Sa journée avait commencé comme tant d'autres… Hervé Sosna est mort alors qu'il faisait ses courses, comme chaque semaine, au Super U de Trèbes. Discret, cet habitant " ne faisait vraiment pas parler de lui, même si tout le monde le connaissait, ici ", a raconté àL'Indépendant son demi-frère, William Durand. Maçon à la retraite, âgé de 65  ans, Hervé Sosna était " viscéralement attaché " à sa commune, où il avait toujours vécu. Plus jeune, on lui avait proposé de travaillerà Carcassonne, mais " il avait refusé, car même Carcassonne, c'était trop loin de Trèbes ", explique M.  Durand. Une grosse poignée de kilomètres seulement séparent pourtant les deux villes.
Célibataire, Hervé Sosna avait perdu sa mère il y a peu. Un décès qui l'" avait énormément marqué " et " atteint psychologiquement ", selon William Durand. Vendredi 23  mars, de longues heures après l'attaque, les proches de l'ancien maçon sont restés dans un état de stress intense, ne sachant pas ce qu'il lui était arrivé. " On a angoissé, et ce n'est que dans la nuit qu'on est venu nous informer de sa mort ", a confié Rachel, sa nièce, à L'Indépendant. Au quotidien local, William Durand a décrit un homme cultivé, grand lecteur et amateur de poèmes. " Mon frère était discret, très intelligent, et il s'est fait tuer comme ça… "
Très émus et ne souhaitant plus s'exprimer dans les -médias, ses proches ont assisté à la messe en hommage aux victimes de l'attaque, dimanche 25  mars, à l'église Saint-Etienne de Trèbes.
Yann Bouchez
© Le Monde

29 mars 2018

Christian Medves " Un caractère exubérant "

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Le 10  mars 2018, Christian Medves avait célébré ses 50 ans avec ses amis, ses proches, dans une salle de Trèbes, pas loin de l'Aude et du canal du Midi. Une belle fête comme ce boulimique de la vie les aimait, joyeuse et conviviale, allant jusqu'au bout de la nuit. Tué vendredi 23  mars à l'entrée du magasin Super  U de Trèbes, où il dirigeait la boucherie depuis plus de quinze ans, Christian Medves semblait, aux yeux de tous ceux qui le connaissaient, habité d'une énergie sans borne.
Né à Carcassonne, dans le quartier populaire de Grazailles, au printemps 1968, cet Italien d'origine, dont le patronyme remonterait même jusqu'en Hongrie, avait appris ce métier de boucher puis était venu s'installer à Trèbes, d'où on garde encore une vue sur les remparts de la cité médiévale. Avec Nathalie, son épouse depuis vingt-cinq ans, qui tient un salon de coiffure à Carcassonne, Christian Medves avait fait construire une jolie maison, pour élever leurs deux filles, Julie et Florine. " Christian était leur hérosraconte Franck Alberti, avocat et ami depuis l'école primaire, et il serait sûrement devenu celui de sa petite-fille, qu'il adorait déjà. "
" Crier à la vie "Christian Medves s'investissait avec autant d'envie dans tout ce qu'il entreprenait. " Il me disait souvent : “On est de Grazailles !” Pour lui, cela voulait dire : “On y va à fond !”  ", se souvient encore Franck Alberti. Au Super  U, où son service débutait régulièrement à 6  heures du matin, il avait été élu délégué du personnel en octobre  2013. Puis, au sein de la CFDT de l'Aude, dont il était adhérent depuis 2009, membre du bureau du secteur des services. A l'union départementale, rue Armagnac à Carcassonne, on avait pris l'habitude de voir la moto trail de Christian Medves garée devant la porte. " Il avait également souhaité devenir conseiller du salarié et il donnait son temps sans compter pour aller soutenir des personnes en procédure avec leur entreprise ", témoigne Jérôme Gonzalez, ami et collègue, avec qui Christian Medves pilotait la section CFDT au sein du Super  U de Trèbes.
En  2014, le chef boucher, avec qui les clients adoraient faire un brin de causette au-dessus du rayon, s'était offert, avec son ami Franck Alberti, une petite aventure politique. Treizième sur la liste classée divers droite " Ensemble pour Trèbes ", il avait fait la campagne avec son habituel sens du contact et récolté 17  % des voix au premier tour. Au sein de l'association Tres Bes, Christian Medves était aussi le " maître des cérémonies ", celui qui pilotait les grands pique-niques conviviaux dans un grand champ au bord de l'Aude. " Au propre comme au figuré, il passait son temps à crier à la vie. Christian avait un caractère exubérant mais agréable, toujours dans l'action ", complète l'avocat.
Son énergie, Christian Medves la mettait aussi dans sa passion pour la course à pied. " Il y a quelques années, il s'était arrêté de fumer et s'était pris en main ", raconte Jérôme Gonzalez. Plusieurs fois par semaine, aux alentours de Trèbes, on pouvait voir sa grande silhouette de plus d'un 1,80  m, gabarit sec et musclé, filer entre les vignes. En  2016, il avait fini 117e du semi-marathon de Carcassonne. En  2017, il avait bouclé la course au pied des remparts de " sa " cité en 1  heure et 46 minutes. En  2018, Christian Medves ne sera pas au départ. Arrêté dans sa course par la folie terroriste.
Gilles Rof
© Le Monde


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Jean Mazières " Un personnage important du village "

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" Généreux "," honnête ", " bon vivant ", les qualificatifs sont soigneusement choisis. Puis Marc Rofès, le maire de Villedubert (Aude), résume en une phrase : " Jean, il faisait partie de ce qu'on appelle les gens bien, avec toute la noblesse que portent ces mots. "
A la tête de cette petite commune de 350 habitants à 6 kilomètres au nord-est de Carcassonne, " un village sous le choc ", Marc Rofès connaissait Jean -Mazières " depuis cinquante ans ". Ce retraité de 61  ans, passager de  la voiture volée par Radouane Lakdim, a été la première victime, vendredi 23  mars au matin, de  l'assaillant du Super  U de -Trèbes qui a causé la mort de quatre personnes.
Viticulteur à la retraite " depuis une paire d'années ", Jean Ma-zières avait repris le domaine de son père. Ses amis décrivent un homme de la vigne et du terroir, très attaché à ses origines. " Il -connaissait l'histoire du village par cœur, raconte Marc Rofès, lui aussi natif de Villedubert. C'était la troisième ou quatrième génération de Mazières sur la commune. " Même s'il aimait voyager dans la région, à Toulouse, en -Espagne, le néoretraité ne s'éloignait jamais trop longtemps.
" Il  était un Villedubertois à fond. C'était un personnage important du village, Jean ", témoigne -Guadeloupe Catuffe. Cette habitante de Villedubert le connaissait très bien : son mari, Didier, président du comité des fêtes depuis trois ans, était l'un de ses amis d'enfance.
Au comité des fêtes, Jean Mazières, marié et père d'un fils de 19  ans, était toujours là quand il fallait donner un coup de main, résument ses proches. Pas le dernier à vouloir danser ou entamer une partie de pétanque.
" C'est quelqu'un qui aidait énormément, mais qui était discret, dit Guadeloupe Catuffe.Quand il y avait des gens extérieurs du village, il était un peu plus timide, mais dès qu'on le branchait c'était fini, il partait au quart de tour. " Jean Mazières aimait " rire et raconter des bêtises autour d'une table "" Comme dit mon mari, il avait le coup de fourchette incroyable ", poursuit-elle.
" Beaucoup de douleur "Jean Mazières, qui habitait en bas de Ville-dubert, dans la partie de l'" ancien village ", était connu de tous ceux qui s'impliquaient dans la vie de la commune. " Le  lieutenant-colonel Arnaud - - Beltrame - , le pauvre, il a été magnifique, il n'y aura pas de mots pour qualifier cet homme, il mérite tout ce qu'on fait pour lui, mais j'aimerais un petit peu qu'on se penche sur les autres victimes qui sont mortes, parce qu'il y a beaucoup de douleur, confie Guadeloupe Catuffe. Il n'y a pas trop de tralala pour eux, et c'est un peu dommage. "
Le 14  avril, le comité des fêtes de Villedubert devait or-ganiser une soirée repas, où il était prévu de partager un fréginat, un plat local à base de haricots et de porc. C'est Jean Mazières qui en avait proposé l'idée -quelques jours avant le drame. Les membres du comité des fêtes ont d'abord pensé annuler l'événement. Ce ne sera finalement pas le cas, la femme du viticulteur ayant souhaité que l'événement ait lieu. L'occasion de lui rendre hommage autour  de ces plats qu'il aimait partager avec un bon vin et des amis.
Y. Bo.
© Le Monde

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