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vendredi 23 mars 2018

Le quotient familial enflamme les débats


22 mars 2018

Le quotient familial enflamme les débats

Un député LRM propose, dans un rapport, de fusionner quotient et allocations familiales

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Il n'a fallu que quelques heures pour que le débat s'envenime. Mardi 20  mars, la proposition d'un député La République en marche (LRM) sur la politique familiale a provoqué une vaste polémique avec ses collègues du parti Les Républicains (LR). Dans un rapport parlementaire, qui devait être rendu public mercredi, Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres, propose de fusionner le quotient familial avec les allocations familiales. L'objectif est la création d'une nouvelle allocation unique, versée à tous les couples dès le premier enfant. Cette prestation serait alors soit modulée selon les revenus, à la manière des allocations familiales, soit sujette à fiscalisation.
Une idée qui a aussitôt braqué les élus LR, très attentifs à ce sujet sensible. Le député d'Ille-et-Vilaine Gilles Lurton, corapporteur, a annoncé son retrait de la mission parlementaire à l'origine de ce document. Selon lui, cette évolution aboutirait à " la suppression du quotient familial ", qui permet de déterminer le niveau de l'impôt d'un foyer en fonction du nombre d'enfants. " C'est une ligne rouge, un fondement de notre politique familiale auquel nous tenons absolument ", a expliqué, mardi, ce parlementaire. Sa décision de quitter la mission a eu pour conséquence d'enterrer la publication du rapport. " Transformer le quotient familial en une aide sous condition de ressources, c'est supprimer toute la politique familiale ", a asséné le président du groupe LR, Christian Jacob, à l'appui de M.  Lurton.
Pour ses détracteurs, la mesure contrevient aux fondements d'une politique qui repose non pas sur les moyens financiers des familles mais sur le nombre d'enfants. " On ne sait pas qui seront les perdants, mais je subodore que ce seront les classes moyennes ",explique Gilles Lurton. " Les grands gagnants seront les classes moyennes ", répond Guillaume Chiche, qui parle d'une politique redistributive " plus efficace ". Selon lui, l'attitude des députés LR tiendrait du " petit calcul politicien " d'une droite voulant " faire obstruction au travail parlementaire ".
Terrain minéL'exécutif a tenu à temporiser dans la journée. " Il n'est pas question de remettre en cause le quotient familial ", a assuré à l'AFP l'entourage du premier ministre, Edouard Philippe, ex-député LR. " Je suis heureux de voir que nous avons démenti cette fausse nouvelle ", a pour sa part réagi auprès du Monde Bruno Le Maire. Depuis l'Argentine, le ministre de l'économie et des finances, aussi venu de la droite, a  jugé " important de couper court aux spéculations sur ce qui constitue un des éléments-clés de notre politique familiale ".
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron n'avait pas esquissé cette piste, plaidant au contraire pour une hausse du plafond du quotient familial que son prédécesseur à l'Elysée, François Hollande, avait baissé. Les députés LRM marchaient, eux, sur des œufs, mardi, à l'Assemblée. " La politique familiale, ce n'est pas neutre, il faut être prudent. On touche à des totems et à des tabous ", notait un parlementaire de la -majorité, sous couvert d'anonymat. En ouvrant ce débat, LRM s'avance en terrain miné. La politique familiale concerne des millions de foyers et la défense de la famille est un des leviers de mobilisation de la droite. François Hollande en avait fait le constat. Lors de sa campagne présidentielle de 2012, il avait annoncé vouloir mettre fin au quotient familial, puis avait abandonné cette promesse. En  2014, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus avait provoqué une levée de boucliers de la droite.
Ce sujet est aussi potentiellement inflammable au sein de la majorité. Mardi, dans un communiqué, le MoDem, partenaire de LRM, a dit clairement son opposition à la proposition de M.  Chiche. " Il ne faut pas confondre politique familiale et politique sociale ", y explique Marc Fesneau, le président du groupe MoDem à l'Assemblée. Des mots prononcés plus tôt dans la journée par ses collègues du parti LR.
A  l'automne 2017, déjà, MoDem et LRM s'étaient divisés sur la -politique familiale. Comme le groupe LR, les centristes avaient voté -contre la diminution de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Ils s'étaient également opposés sur la remise en cause de l'universalité des allocations familiales survenue au cours des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Le rapporteur général LRM du budget de la Sécu, Olivier Véran, avait plaidé pour que les ménages les plus aisés ne bénéficient plus de telles prestations. Un combat porté -depuis longtemps par la gauche, mais qui n'avait pas fait l'unanimité au sein du groupe LRM. A l'époque, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait, elle, défendu le lancement d'une réflexion plus générale sur la politique familiale.
" Le gouvernement s'était engagé à mener une concertation sur ce sujet, aujourd'hui on se  retrouve avec un rapport, ce n'est pas ce qu'on attendait ", regrette la députée (MoDem) du Val-d'Oise Nathalie Elimas, chefde file des centristes sur cette question. L'enterrement du rapport Chiche-Lurton n'a pas clos le débat. La mission d'information parlementaire peut encore vivre, M.  Lurton pouvant être remplacé par un autre député, et un nouveau rapport publié ultérieurement. " Le gouvernement a quelques mois pour trouver des points de convergence ", estime Nathalie Elimas, qui prévient : " Cela risque d'être dur à l'automne lors de l'examen du budget de la Sécu. "
Manon Rescan (avec Audrey Tonnelier)
© Le Monde

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