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samedi 24 mars 2018


24 mars 2018

Au procès de Tarnac, les policiers face aux bizarreries du " PV 104 "

Les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste ont donné jeudi leur version de la filature de Julien Coupat et Yildune Lévy

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La 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris continue de passer ses journées en pleine nuit, en l'occurrence celle du 7 au 8  novembre 2008, dont il semble de plus en plus clair que son déroulement ne le sera -jamais vraiment. Vingt-quatre heures après leurs collègues 4 et 5, les témoins nos  1, 2 et  3, tous anciens policiers de la sous-direction antiterroriste, étaient amenés, jeudi 22  mars, à donner leur version de la filature qu'ils sont censés avoir effectuée cette nuit-là du côté de Dhuisy, en Seine-et-Marne.
Julien Coupat et Yildune Lévy ont ainsi passé la septième journée du procès Tarnac à écouter – sans les voir, puisqu'ils témoignaient anonymement, dissimulés derrière des stores et s'exprimant avec des voix de robots– ceux qui disent les avoir repérés il y a dix ans à proximité d'une ligne de TGV qu'on allait retrouver sabotée le lendemain matin.
L'audience a viré à l'opération " sauvetage du PV 104 ", le fameux procès-verbal de la filature en question, dont l'accusation a fait sa pièce maîtresse, et que la défense essaie d'abattre depuis dix ans en affirmant qu'il s'agit d'un faux. Au bout de près de deux semaines de procès, le PV 104 est loin d'être en miettes, mais les policiers ont été à la peine pour justifier les erreurs procédurales et les bizarreries factuelles qui le caractérisent, et que la juge Corinne Gœtzmann n'a pas manqué de souligner.
" Confusions "La présidente du tribunal se demande par exemple pourquoi le procès-verbal n'est signé que par un policier, alors qu'ils sont -dix-sept – dont douze des services secrets, qui ne viendront donc pas témoigner – à avoir participé à la filature.
"  C'est l'usage, répond le témoin no 2. Le PV est une synthèse de l'ensemble des constatations des membres du dispositif.
– Mais quelle valeur probante peut-on accorder à la constatation d'un officier qui note ce que lui a dit un fonctionnaire dont on ne pourra savoir ni l'identité ni où il se trouvait au moment des faits, parce qu'il est couvert par le secret-défense ? "
Au sujet des anomalies – le PV fait par exemple passer le véhicule " sous l'autoroute "alors que son trajet le fait forcément passer par-dessus –, le témoin no 3, auteur dudit document, s'explique : " J'ai confronté les notes prises au cours de la surveillance à des outils cartographiques pour compléter les noms de voies ou de communes. Au moment où vous rédigez le PV, il est délicat de se souvenir si le véhicule passe sur ou sous l'autoroute. Evidemment il a pu y avoir des confusions, et j'en suis le premier désolé. "
" On était derrière un objectif qui avait un comportement atypique, dans une zone atypique, poursuit-il, quand on lui fait remarquer qu'une halte du couple dans un hôtel ne figure pas sur le PV.On n'est pas dans une surveillance visuelle permanente. " Le no  2 complète : " Il faut que le tribunal prenne en compte la réalité de ce qu'est une surveillance physique. Ce PV est examiné comme si on regardait une scène de crime figée, alors qu'il s'agit d'une filature pendant dix-neuf heures et sur plus de deux cents kilomètres. "
Reste ce point noir de la filature : personne n'a vu Julien Coupat et Yildune Lévy sortir de la voiture près de la ligne TGV, en extraire deux tubes en PVC de 2 mètres, les emboîter pour en faire une perche, escalader par-dessus la grille pour se rendre sur la voie, hisser le crochet sur la caténaire, revenir vers leur voiture, et démonter les deux tubes pour les y faire entrer. Comment est-ce possible avec tant de policiers sur place ?" Nous étions répartis dans une zone assez large et le seul qui aurait pu le constater, c'est moi ", bredouille le no  2, qui ne songeait alors pas à un sabotage : " Pour moi, il s'agissait d'un énième arrêt du véhicule. On peut considérer que j'ai manqué de pertinence. Si j'avais poursuivi mon observation, l'affaire serait sans doute un peu plus simple. "
Les différents témoignages laissent, au moins, l'impression d'un manque de rigueur dans la filature et dans la rédaction du PV. Pour la défense, ils traduisent un manque de filature tout court. Selon les avocats des prévenus, c'est bien simple : il n'y avait personne après 2  heures du matin en Seine-et-Marne cette nuit-là. Ni le couple Coupat-Lévy ni les policiers.
Henri Seckel
© Le Monde

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