TAFTA : la France dit enfin quelque chose
Lundi 28 Septembre 2015 à 12:20
Emmanuel Lévy
Dans un entretien publié ce lundi dans les colonnes de Sud-Ouest, Matthias Fekl, secrétaire d'État au Commerce extérieur, vient de lancer un petit pavé dans la mare. Pour la première fois, le jeune ministre a en effet évoqué la possibilité pour la France de mettre fin aux négociations. En cause, l'"asymétrie", le "manque de réciprocité" et l'absence de "transparence" des négociations.
Sur le traité libre échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis (Tafta), « la France envisage toutes les options, y compris l'arrêt pur et simple des négociations.» Une déclaration gouvernementale, en l’occurrence celle de Matthias Fekl, secrétaire d'État au Commerce extérieur, aussi dure : c’est une première. Il faut dire que le secrétaire d’Etat est lui-même tenu loin des discussions menées dans le plus grand secret entre Bruxelles et Washington, comme il le rappelle dans l’interview qu’il a donné à notre confrère de Sud-Ouest : « ces négociations se déroulent dans un manque total de transparence et dans une grande opacité ». Cependant que, les rares fuites assurent que le texte prévoit de placer les tribunaux d’arbitrage pour multinationales au dessus de la justice de leurs pays. Pourtant rien de nouveau sous le soleil comme le dénonçait déjà Marianne dans son numéro 886 : Comment les américains vont nous bouffer.
Et cela fait quelques temps que à gauche, comme Jean Luc Mélénchon, certains appellent à l’arrêt immédiat des négociations. Itou de Marine le Pen, qui a pourtant brillé par son absence lors d’un vote solennelle à Strasbourg entérinant le cadre de négociation du traité. Depuis le début du processus, en 2013, les gouvernements sont en effet maintenus loin des grands hôtels où se déroulent les discussions. Quant aux parlementaires nationaux, ils sont totalement mis sur le banc de touche. C’est à peine si leurs collègues du parlement européen peuvent avoir accès aux documents pour simple lecture à condition de se déplacer « dans une salle sécurisées de l’ambassade américaine », comme s’en émeut Matthias Fekl. Alors pourquoi cette soudaine saillie du secrétaire d’Etat au commerce extérieur, quand il y à six mois à peine, François Hollande appelait dans une tribune à une accélération du processus et souhaitait une signature « le plus vite possible ». Son enthousiasme n’avait pas même été refroidit lors de l’affaire des écoutes de la NSA sur le gouvernement français, et les institutions européennes. Ce scandale avait pourtant mis à nu un paradoxe : alors que les citoyens européens ne savent rien de la négociation comme des négociateurs qui agissent en leur nom, la NSA, elle, semble connaître jusqu’à la couleur de leur slip. Cruel pour la Commission Européenne qui justifiait cette confidentialité dans un document : « Lorsque vous entrez dans une négociation, personne ne commence en révélant toute sa stratégie à son partenaire».
Pas besoin d’être un fin diplomate, ou un spécialiste de la théorie des jeux : un enfant de huit ans ferait valser à terre les cartes de ce jeu truqué. Au nom de la France, Matthias Fekl vient à peine de bougonner. Espérons qu’il n’en reste pas là.
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