La Sociale
Analyses et débats pour le renouveau d'une pensée de l'émancipation
La situation en Palestine.
Clarifier nos idées
Ainsi pour la énième
fois la trêve est rompue et Israël reprend ses bombardements meurtriers sur
Gaza. Près de 1500 morts du côté palestinien et moins de 50 côté israélien. Les
morts palestiniens sont dans leur immense majorité des civils, des femmes, des enfants,
des vieillards. Côté israélien, pratiquement uniquement des militaires. Voilà
bien un exemple de « conflit asymétrique » à livrer à l’étude des
spécialistes de géopolitique…Partons de ce qui est évident : on ne peut
renvoyer les « belligérants » dos-à-dos. L’agresseur est israélien et
l’exigence que cessent immédiatement les bombardements est inconditionnelle. De
ce point de vue la position du gouvernement français, de soutien à peine
déguisé au gouvernement du Likoud, est proprement scandaleuse. Ne parlons pas
de la « diplomatie européenne », ni de l’attitude des USA et du
« prix Nobel de la paix » Obama (sans parler des prix Nobel de la
paix comme Shimon Pérès ou Élie Wiesel).
Histoire, légitimité et légalité
internationale
L’origine du conflit est
connue : c’est le fait colonial israélien. Quand la prétendue
« communauté internationale » (URSS en tête, faut-il le
rappeler ?) a organisé le partage de la Palestine, aboutissant à la
création de l’État d’Israël, a été validé le mensonge de base du sionisme :
la Palestine serait « une terre sans peuple pour un peuple sans
terre ». Un mensonge que pendant très longtemps les Juifs d’Europe
refusèrent jusqu’à ce que l’extermination des Juifs par les nazis semble ne
plus laisser d’autre issue. Les grandes puissances coloniales, racistes,
souvent très antisémites et que le sort des Juifs d’Europe a longtemps laissées
indifférentes, purent ainsi s’acheter une bonne conscience sur le dos des
Palestiniens. Bénéfice non secondaire de l’opération : l’État d’Israël
devenait une sorte de fortin implanté au cœur de ces territoires arabes riches
de pétrole et dont les peuples manifestaient de puissantes aspirations
nationales. L’oubli de cette histoire conduit à ne rien comprendre à la
situation présente. Quand les sionistes et leurs agents répètent qu’Israël est
le seul pays démocratique garant des droits de l’homme dans cette région, ils
manifestent une curieuse conception de la démocratie et des droits de
l’homme ! Leur démocratie est la démocratie de la race des seigneurs et
visiblement les Palestiniens ne sont pas comptés au nombre des hommes
jouissants de droits naturels imprescriptibles. Peut-être sont-ils des
sous-hommes qu’il faudrait exterminer comme le réclament certains partis
israéliens ou leurs émules à l’étranger, telle la LDJ ?
Si on se place du point
de vue non plus de la légitimité historique mais du point de vue de la
« légalité internationale », Israël aurait dû évacuer depuis
longtemps tous les territoires occupés depuis la « guerre des six
jours » de 1967, ce qui inclut la Cisjordanie et Gaza. Au contraire, après
avoir négocié avec l’Égypte l’évacuation du Sinaï et transformé l’État égyptien
en garde-chiourme auxiliaire de l’armée israélienne, le gouvernement israélien
n’a eu de cesse de développer la colonisation des territoires conquis. La
concession d’une autorité autonome palestinienne à Ramallah loin d’être le
point de départ de la reconnaissance d’État palestinien souverain n’a été rien
d’autre que l’adaptation locale de la stratégie du bantoustan, appliquée par le
régime raciste de l’apartheid en Afrique du Sud. Rapprochement non
fortuit : le régime de l’apartheid et le régime Tel-Aviv collaboraient
étroitement notamment dans le domaine militaire et policier…
Tous ceux qui vont
chantant les sirupeuses tromperies de la « communauté
internationale » devraient se contenter d’exiger d’Israël l’application de
la résolution 242 de l’ONU, prise le 22 novembre 1967 :
« Le Conseil de
sécurité,
Exprimant l'inquiétude
que continue de lui causer la grave situation au Proche-Orient,
Soulignant
l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre et la nécessité
d'œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque État de la région
de vivre en sécurité,
Soulignant en outre que
tous les États Membres, en acceptant la Charte des Nations unies, ont contracté
l'engagement d'agir conformément à l'Article 2 de la Charte,
1. Affirme que
l'accomplissement des principes de la Charte exige l'instauration d'une paix
juste et durable au Proche-Orient qui devrait comprendre l'application des deux
principes suivants :
a. Retrait des forces
armées israéliennes des territoires occupés au cours du récent conflit ;
b. Fin de toute
revendication ou de tout état de belligérance, respect et reconnaissance de la
souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de
chaque État de la région et de son droit de vivre en paix à l'intérieur de
frontières sûres et reconnues, à l'abri de menaces ou d'actes de
violence ;
2. Affirme d'autre part
la nécessité
a. De garantir la
liberté de navigation sur les voies d'eau internationales de la région ;
b. De réaliser un juste
règlement du problème des réfugiés ;
c. De garantir
l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque État de la
région, par des mesures comprenant la création de zones démilitarisées ;
3. Prie le Secrétaire
général de désigner un représentant spécial pour se rendre au Proche-Orient
afin d'y établir et d'y maintenir des rapports avec les États concernés en vue
de favoriser un accord et de seconder les efforts tendant à aboutir à un
règlement pacifique et accepté, conformément aux dispositions et aux principes
de la présente résolution ;
4. Prie le Secrétaire
général de présenter aussitôt que possible au Conseil de sécurité un rapport
d'activité sur les efforts du représentant spécial. »
Depuis cette date,
l’OLP, principale organisation représentant politiquement le peuple palestinien
a renoncé à sa revendication d’un seul État palestinien laïque et démocratique
pour admettre la coexistence de deux États. Mais rien n’y a fait : chaque
concession, chaque recul des Palestiniens a été interprété comme une preuve de
faiblesse par les gouvernements israéliens, quelle que soit leur couleur
politique. Leurs puissants soutiens américains ne les ont d’ailleurs jamais
laissé tomber, reconnaissant dans la tactique israélienne la copie conforme de
l’attitude fourbe et cynique des colons américains face aux nations indiennes,
signant un traité de paix pour mieux le violer le lendemain et réduire à
presque rien les natifs américains.
Sionisme et antisémitisme
Pour camoufler la
réalité, on assiste depuis trop longtemps à une opération d’enfumage consistant
à assimiler toute critique d’Israël à de l’antisémitisme. Comme on l’a rappelé
plus haut, judaïsme et sionisme ne sont nullement équivalents. Pendant très
longtemps, la grande masse des Juifs d’Europe refusa le projet sioniste. Le
principal parti ouvrier juif, le Bund, était résolument antisioniste. Et c’est
pourtant ce parti qui organisa la résistance héroïque des Juifs polonais qui
culmina avec l’insurrection du ghetto de Varsovie. Ceux qui assimilent judaïsme
et sionisme crachent donc sur la mémoire de ces héros.
Si le projet des
kibboutz et les discours socialisants de l’Israël de Ben Gourion ont pu valoir
à l’État israélien quelques sympathies du côté des groupes révolutionnaires, on
doit aussi rappeler que les partis adversaires du sionisme ont souvent été animés
par des militants d’origine juive – qu’on pense aux groupes trotskistes.
Enfin l’assimilation
judaïsme/sionisme et donc antisionisme/antisémitisme repose sur la confusion
entre le gouvernement israélien, les Israéliens dans leur ensemble – qui ne
partagent pas tous, loin de là, la politique d’expansion coloniale – et les
Juifs en général. Les Juifs de France – s’il existe quelque chose de ce genre
dans une république qui ne reconnaît ni ne salarie aucun culte – ne sont pas
des Israéliens et ne sont pas non plus des sionistes tout simplement parce
qu’ils vivent en France et n’ont pas émigré en Israël. Il faut remarquer que
les défenseurs de Netanyahou partagent au fond les mêmes thèses que les
antisémites traditionnels ou les nouveaux antisémites à la Dieudonné-Soral.
Cette situation montre
que l’antisionisme d’aujourd’hui n’est pas une politique, mais une réaction
ambiguë et incapable de s’opposer réellement à l’entreprise colonialiste.
Le Hamas et le peuple palestinien
Soutenir les droits
imprescriptibles du peuple palestinien ne signifie nullement devenir un
partisan du Hamas. Ce groupe est, comme j’ai eu
l’occasion de l’expliquer il y a pas mal de temps, un parti anti-impérialiste
réactionnaire. Soutenu par les monarchies pétrolières arabes,
valorisé par Israël, ce groupe a profondément divisé le peuple palestinien.
Incapable de s’appuyer sur un mouvement de masse, il pratique une politique
militaire de provocation absurde qui donne au gouvernement israélien les
prétextes dont il a besoin pour se maintenir. On se dit parfois que si le
Hamas n’existait pas, il aurait fallu l’inventer !
En même temps, le Hamas
garde son emprise sur la population de Gaza grâce aux bombardements ;
Telle est l’étreinte mortelle dans laquelle les peuples de la région sont pris.
Ajoutons que le Hamas a
pris de l’ascendant aussi en raison de la profonde corruption de
« l’autorité palestinienne » et de l’incapacité de ce qui fut jadis
l’OLP à définir une stratégie efficace dès lors que la ligne impulsée par les
accords Rabin-Arafat débouchait sur une impasse. Après le refus justifié
d’Arafat de signer avec Barak les accords de Camp David, proposés sous l’égide
Clinton, et après la deuxième « intifada », le mouvement s’est trouvé
dans l’impasse. Une impasse dont il n’est pas sorti.
Pour terminer ce
tableau, on remarquera que les bombardements sur Gaza n’ont pas entrainé de
soulèvement en Cisjordanie et que les États arabes ont une nouvelle fois montré
qu’ils se souciaient du peuple palestinien comme de leur dernière paire de
babouches.
Bref, entre un sionisme
entièrement transformé une pure entreprise colonialiste (ce qu’il n’a pas
toujours été) et un antisionisme impuissant et travaillé par la
réaction cléricale islamiste, le sort du peuple palestinien est proprement
tragique.
Que faire ?
Au-delà de
l’indignation et des réactions passionnelles – pas toujours bien mesurées – que
pouvons-nous faire ?
Manifester son
indignation, évidemment ! Et sur ce point les mesures d’interdictions des
manifestations à Paris après les incidents provoqués par des éléments troubles
(LDJ ou autres) montrent à la fois que ce gouvernement non seulement n’a aucun
rapport avec le socialisme mais même aucun rapport avec ce qui fut la ligne
traditionnelle de la France depuis De Gaulle, mais encore qu’il n’hésite pas à
bafouer les libertés constitutionnelles fondamentales au nom d’un « ordre
public » dont M. Valls s’est fait le grand administrateur.
Manifester mais aussi
et surtout contribuer à clarifier les idées, à lutter contre la désinformation,
à rappeler les faits, ceux d’aujourd’hui mais ceux d’hier encore plus car ils
sont la clé pour comprendre ceux d’aujourd’hui.
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