Saturé.
Je suis de ceux qui ne peuvent plus supporter la violence, les mots de la violence, les images de la violence. La violence en direct et en temps réel. La violence mondialisée et partagée via le Web et les informations en continu. L’Ukraine ces derniers jours. Ces dizaines et ces dizaines de morts.
La vidéo hallucinante de ce photographe français où l’on voit un brancardier prendre une balle, s’écrouler, alors qu’à gauche de l’écran un type ne bouge pas pendant ces minutes interminables.
Et tant de tweets et tant de messages pour attirer nos regards et partager ces images traumatisantes. Sur tous nos écrans, de la haine, du sang et parfois, donc, la mort qui frappe au hasard au bout du clic.
Chaque jour qui passe, comme d’autres, je débranche plus longtemps et je ne me re-connecte plus qu’à reculons. Parce que je suis bien obligé pour mon travail. Mais c’est de plus en plus tard. Avec de plus en plus de mal. Et je vous avoue que l’envie de ne pas rallumer, de ne pas écouter, de ne pas regarder, de ne plus savoir est chaque minute plus prégnante, plus présente.
Crise passagère ?
Non. Je crois que nul ne peut tenir la distance à ce rythme et à cette vitesse. Ces images terribles qui nous amènent à domicile, ou dans notre poche, via les smartphones, les horreurs du monde en direct entament et fracassent.
Alors, je vois déjà venir vos critiques légitimes, pertinentes, acérées. Les "Vous préférez vous cachez les yeux" ; les reproches d’égoïsme ou pire d’indifférence, les remarques virulentes de ceux qui veulent tout voir et tout savoir, dès que cela arrive. Parce qu’ils estiment, et à juste titre, que la médiatisation et la multi-diffusion de la répression et des combats aident à l’essor des peuples qui cherchent à se libérer. La preuve par l’Ukraine. On invoquera aussi le Printemps arabe. Nos yeux braqués des jours et des nuits entières sur l’Iran, l’Égypte, la Tunisie, la Libye, la Syrie. Non, pas la Syrie…
Je connais aussi les discours, forcément anachroniques, mais c’est normal, de ceux qui pensent qu’en d’autres temps, ces images balancées dans le monde entier auraient pu sauver des millions de victimes. J’en accepte l’augure mais on ne peut malheureusement pas revisiter l’Histoire.
Nous ne saurons jamais… Et puis n’y-a-t-il pas en ce moment des pays où des massacres ont lieu tous les jours, loin de nos tweets, de nos sites et de nos télévisions ?
Je ne prétends nullement arbitrer, ni même éclairer ce qui n’est nullement un débat. Ni freiner le progrès et l’information. Je comprends très bien et je respecte cette récente envie permanente d’être "sur le coup", via les réseaux sociaux et les écrans.
Surtout, chaque existence préservée grâce aux journalistes, aux internautes sur le terrain, au péril de leurs propres vies parfois, chaque image qui permet de défendre un opprimé, de signaler sa résistance est naturellement une victoire.
Mais l’accumulation numérique et médiatique de ces violences risque de nous consumer et ce en dépit de la distance que préserve encore nos écrans.
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