L'actualité du vendredi 31/01/2014
La UNE
Pédagogie
«La
théorie du genre, je la refuse.» Le propos est, pour le moins,
maladroit. A fortiori dans la bouche d’un ministre de l’Education
nationale, philosophe de surcroît. Sa formation comme sa fonction
auraient dû le conduire à clarifier les termes, avant de s’empresser
de rassurer quelques citoyens pris de terreur face à un spectre imaginaire
agité par une poignée de rouges-bruns de l’ère numérique. Plutôt que
tomber dans le panneau «attention école» brandi par des illuminés qui
instrumentalisent leurs enfants au point de les déscolariser, il aurait pu,
face à ces tirs croisés d’intégristes bigarrés, commencer par affirmer qu’il
n’existe pas de «théorie du genre». Sauf dans l’esprit marketing de l’entourage
de Benoît XVI, qui lança l’expression. Notre ministre aurait ensuite gagné
à expliquer combien le concept de «genre», forgé par nombre de chercheurs
en sciences humaines et sociales depuis plus d’un demi-siècle, est
précieux pour penser nos sociétés, combien il est utile politiquement et même
nécessaire pour lutter contre les inégalités. Ceux qui, à gauche (ce n’est
heureusement pas le cas de Vincent Peillon !), considèrent, depuis le débat sur
la loi Taubira, que le gouvernement en fait trop sur les questions de société
et risque de «perdre» les catégories populaires, font preuve d’un pathétique
cynisme électoraliste, mais surtout de mépris condescendant, voire de racisme
de classe, en supputant que ces milieux sociaux seraient davantage homophobes,
qu’ils se ficheraient du mariage pour tous, de l’IVG, du droit de vote des
étrangers, de la fin de vie et autres avancées dans le genre. Voilà pourtant
une belle théorie de progrès.
Sylvain
BOURMEAU
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