Intervention en Syrie : François Hollande sous pression
Le chef de l'Etat se retrouve contraint d'attendre le bon vouloir de l'allié américain et est confronté à la multiplication des appels à un vote du Parlement.
François Hollande annonce que la France va "punir" les responsables du massacre chimique du 21 août en Syrie, lors de la conférence des ambassadeurs à l'Elysée, le 27 août 2013. (WITT / SIPA)
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Lorsqu'il a déclaré, le 27 août, vouloir "punir" le régime syrien en représailles à l'attaque chimique perpétrée six jours plus tôt, François Hollande ne pensait probablement pas que les événements pourraient tourner à ce point en sa défaveur. En janvier, lors du lancement de l'opération militaire au Mali, le costume de chef des armées lui avait permis de prendre un peu plus d'épaisseur en tant que président. Il avait surtout bénéficié du soutien de ses alliés, ainsi que de celui de la quasi-totalité de la classe politique française. Mais, cette fois, l'idée d'une intervention armée en Syrie rencontre beaucoup plus d'obstacles. Francetv info dresse la liste de ces épines gênantes pour le chef de l'Etat.
Obama s'en remet au Congrès
Les signaux envoyés par Washington ces dernières semaines avaient pourtant tout pour rassurer François Hollande dans son idée de s'en prendre à Bachar Al-Assad. Avec l'attaque chimique imputée au régime syrien, la "ligne rouge" décrétée par Washington avait été allègrement franchie. Mais quatre jours après le discours offensif de François Hollande, Barack Obama décide de jouer la montre : il demande au Congrès son feu vertpour lancer une opération militaire.
Quelques jours après que le Parlement britannique a refusé de s'engager dans une telle opération, les élus américains pourraient à leur tour refuser de mobiliser leurs forces armées. Un tel choix laisserait la France seule engagée dans une intervention. Un scénario catastrophe pour François Hollande, les forces françaises n'étant pas suffisantes pour peser à elles seules dans le conflit.
Pour esquiver ce risque, Obama a lancé une intense campagne de lobbying pour tenter de convaincre les élus sceptiques du Congrès. Il va multiplier les appels téléphoniques avec son administration. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a de son côté passé son dimanche sur les plateaux télévisés, estimant qu'il était inconcevable que les parlementaires américains ne se montrent pas à la hauteur.
Même en cas de vote favorable du Congrès, les débats ne débuteront que le 9 septembre, ce qui inquiète un proche du dossier à Paris : "Plus la sanction s'éloignera de la date du 21 août [date de l'attaque chimique], plus elle risque d'être affaiblie dans ses effets militaires et politiques."
Le Parlement français veut avoir son mot à dire
Barack Obama avait à peine fini de confier la décision d'une intervention au Congrès que Jean-Louis Borloo, président de l'UDI, a demandé à François Hollande d'imiter son homologue américain. Dans la foulée, la plupart des têtes de pont de l'opposition, accompagnées par le Front de gauche, ont également exigé un vote des parlementaires.
Lundi, le sénateur EELV Jean-Vincent Placé a réclamé à son tour, dans Le Parisien, un vote au Parlement "pour solidifier la position du président", laissant apparaître une nouvelle fissure dans la coalition entre socialistes et écologistes. Pour François Hollande, il reste la crainte de voir députés et sénateurs suivre l'avis d'une population hostile à la guerre (64% des Français sont contre l'intervention, selon un sondage BVA).
Rien n'oblige le président, chef des armées, à soumettre une intervention militaire au Parlement. Mais pour calmer la fronde des parlementaires, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a personnellement appelé leurs responsables, dimanche, pour les inviter à Matignon le lendemain à 17 heures. Objectif : les informer de la situation en Syrie.
Une volonté d'apaisement vite balayée par la polémique lancée par Harlem Désir. Le premier secrétaire du PS a qualifié d'"esprit munichois" les déclarations de l'opposition hostiles à l'intervention, en référence au refus français de déclarer la guerre à l'Allemagne nazie en 1938. Réaction outrée des personnalités visées et vives tensions en perspective, jusqu'au sein du PS. Claude Bartolone a ainsi regretté la formule du responsable socialiste : "Nous ne sommes pas en train de jouer un débat franco-français", a estimé le président PS de l'Assemblée nationale sur RTL.
Les experts de l'ONU prennent leur temps
Samedi 31 août, les experts de l'ONU sont rentrés de Damas avec des échantillons et des témoignages prêts à être analysés. Leur objectif est de déterminer si des armes chimiques ont bien été utilisées le 21 août dans la banlieue de la capitale syrienne.
Si les analyses sont positives, l'interventionnisme français sera renforcé. Mais le porte-parole des Nations unies refuse de donner une estimation du temps nécessaire avant que les experts ne rendent leurs conclusions. "L'équipe a besoin de temps", explique Martin Nesirky. Un autre responsable de l'ONU évoque, lui, plusieurs semaines. Autant de temps à attendre pour écarter les comparaisons avec les fausses armes de destruction massive irakiennes en 2003.
En réponse à ces incertitudes, Washington a affirmé, dimanche, avoir des preuves de l'utilisation de gaz le 21 août. John Kerry a assuré que les Etats-Unis avaient acquis indépendamment de l'ONU des échantillons capillaires et sanguins contenant des traces de gaz sarin.
Paris, de son côté, a annoncé la déclassification de documents dévoilant l'arsenal chimique de Bachar Al-Assad. Un moyen pour François Hollande de tenter de faire basculer l'opinion publique et la classe politique dans le camp des partisans de l'intervention.
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