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vendredi 19 octobre 2018

Les nuances de la République des " marcheurs "......

9 octobre 2018

Les nuances de la République des " marcheurs "

Une étude inédite de Terra Nova décrypte les différentes sensibilités au sein de LRM, le parti macroniste

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Surgi en avril  2016, le mouvement En marche !, devenu depuis La République en marche (LRM), a porté au pouvoir Emmanuel Macron en à peine plus d'un an et conquis ensuite une large majorité à l'Assemblée nationale. Cette éclosion spectaculaire et ce succès sans précédent ont chamboulé le paysage politique et suscitent de nombreuses interrogations : qui sont les adhérents de ce nouveau parti, que pensent-ils, quel est leur degré de cohésion ou, au contraire, de diversité, voire de friabilité ?
Autant de questions dont les réponses détermineront pour une bonne part l'évolution et la pérennité du mouvement. C'est donc tout l'intérêt de l'enquête approfondie de sociologie politique, menée en toute indépendance scientifique et financière, que vient de réaliser une équipe du think tank Terra Nova constituée de Thierry Pech (directeur général de Terra Nova), Bruno Cautrès et Thomas Vitiello (chercheurs au Cevipof-Sciences Po) et l'historien Marc Lazar. Avec l'aval de la direction de LRM, ils ont constitué, à partir du fichier informatisé (et anonymisé) des 391 000  adhérents de LRM, en avril, un échantillon de 8 815  personnes qui ont répondu, en ligne, à un questionnaire très fouillé, doublé d'entretiens qualitatifs. L'enseignement le plus intéressant de cette exploration, rendue publique lundi 8  octobre, tient en un paradoxe majeur : les " marcheurs " offrent un profil politique beaucoup plus composite que leur homogénéité démographique et sociale pourrait le laisser penser.
Cela apparaît quand on leur demande de se situer politiquement. Si 74  % se positionnent au centre sur une échelle gauche-droite classique, le constat est beaucoup plus diversifié lorsque l'on utilise une échelle qualitative : ainsi 16,2 % se disent de gauche, 33,3 % du centre et 8,9 % de droite, mais 24,8 % se situent " à la fois à gauche et à  droite ", 9,6 % " ni à gauche ni à droite ", tandis que 6,8  % ne " se retrouvent pas " dans ces catégories. Au total, 59 % des adhérents de LRM continuent à s'inscrire dans les catégories politiques traditionnelles, non sans lien avec leurs comportements électoraux passés, puisque 42 % des " marcheurs " avaient voté pour François Hollande en  2012, 20 % pour François Bayrou et 18,5 % pour Nicolas Sarkozy.
En revanche, 41  % des adhérents expriment un refus ou un rejet du clivage droite-gauche. Or ces deux attitudes – refus ou rejet – sont tout sauf équivalentes. Comme le souligne le rapport de Terra Nova, la première " remet en cause le clivage mais pas les répertoires de la gauche et de la droite, ni le système politique dans son ensemble ". Au contraire, la seconde présente bien des caractéristiques des électeurs qui sont à la marge du système politique (niveau de diplôme moins élevé, plus grande précarité économique, faible fréquence de vote et fort taux d'abstention…).
Plus libéraux que la moyenneCes postures contrastées se doublent d'une variété significative de valeurs. Les " marcheurs " apparaissent plus libéraux que la moyenne des Français. Ils sont 80 % (59 % des Français) à juger que " l'Etat doit faire confiance aux  entreprises et leur donner plus de liberté " et 67 % (contre 45 %) à se dire favorables à la réduction du nombre des fonctionnaires, tandis que 34 % (contre 40 %) estiment qu'" il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres ".
Loin d'être laxistes (86  % estiment qu'" il faut travailler dur pour réussir "), ils sont cependant plus tolérants que la moyenne : 61  % (contre 82  %) soutiennent l'augmentation de la sévérité des peines contre les délinquants, 32  % (contre 56  %) jugent que " l'islam est une menace pour l'Occident ", tandis que 82  % (contre 58  %) assurent que " les enfants d'immigrés nés en France sont des enfants français comme les autres ".
Enfin, et c'est une particularité majeure des " marcheurs ", ils -soutiennent fortement l'intégration européenne. Alors que, en moyenne, 67  % des Français redoutent qu'avec la construction européenne " il y ait davantage de chômage en France " ou " une augmentation du nombre d'immigrés ", 13  % et 17  % seulement des adhérents de LRM expriment les mêmes inquiétudes. A l'inverse, l'idée qu'avec la construction européenne " on perde notre identité nationale et notre culture " est partagée par 57  % des Français, contre 9  % des " marcheurs ". Toutefois, derrière ce portrait collectif qui les singularise fortement par rapport à la moyenne des Français, les " marcheurs " présentent en leur sein des " tempéraments politiques " assez hétérogènes.
Engagement européenEn croisant l'ensemble des réponses, Terra Nova distingue ainsi cinq catégories : les " progressistes-libéraux " (31 %) –  le cœur du macronisme –, qui associent libéralisme économique et tolérance culturelle, les " progressistes-égalitaires " (23 %), qui marient attitudes économiques de gauche et -tolérance culturelle, les " conservateurs-libéraux " (23 %), plus proches de la droite aux plans économique et culturel, les " modérés-conservateurs "(19 %), en situation médiane, enfin une catégorie inattendue (4 %) d'" eurodubitatifs ".
Le parti apparaît donc comme une communauté politique soudée par le soutien à son leader incontesté et par un très fort engagement européen mais, en même temps, traversée par une diversité idéologique qui peut devenir un facteur de fragilité, voire de division. Le défi de LRM est désormais de consolider son organisation sans perdre le caractère novateur qui lui a permis d'agréger une mosaïque de sensibilités.
Gérard Courtois
© Le Monde




9 octobre 2018

Jeune, urbain, surdiplômé… Portrait-robot du macroniste type

Soudés autour de la personnalité de Macron, les adhérents de LRM sont en majorité issus des classes moyennes supérieures

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La diversité des cultures et des positions politiques des adhérents de La République en marche est d'autant plus remarquable qu'ils constituent une collectivité extrêmement homogène. Qu'il s'agisse de leur situation démographique et sociale, ou de leur rapport à l'engagement politique, ils présentent un profil très typé.
Jeunes et surdiplômés Comme, auparavant, les adhérents du Parti socialiste en  2011 ou de l'UMP en  2004, ce sont des hommes pour plus des deux tiers d'entre eux (68 %). Là s'arrêtent les similitudes. Car les adhérents de LRM se distinguent sur tous les autres points. Comparés à ceux d'autres formations politiques, ils sont d'abord nettement plus jeunes : 80 % sont d'âge actif et 13 % seulement ont plus de 65  ans (contre 38 % chez les socialistes en  2011). L'âge médian des " marcheurs " (49  ans) est même sensiblement inférieur à celui de la population française de plus de 15  ans (54,5  ans). Ils présentent, d'autre part, un niveau de qualification particulièrement élevé : 81 % d'entre eux ont un diplôme supérieur au baccalauréat (contre 28 % des Français en 2014), dont 66 % un diplôme égal ou supérieur à la licence et même 44 % de niveau grande école, master ou doctorat. Leur capital scolaire et culturel est donc très significatif.
Cadres et urbains Ces surdiplômés sont très majoritairement cadres ou professions libérales (58 %). C'est davantage qu'au PS en  2011 (50 %) et, surtout, que dans la population française (17 %). De même, près des trois quarts (72 %) ont un emploi dans le secteur privé – soit comme salariés dans des entreprises privées (pour 49 %), soit comme travailleurs indépendants (pour 23 %). 40 % déclarent des revenus mensuels net de leur foyer se situant entre 3 000  et 6 000 euros, 17 % entre 6 000  et 10 000 euros. Si ces niveaux de revenus traduisent un pouvoir d'achat réel très variable selon la taille du foyer, ils n'en appartiennent pas moins aux classes moyennes supérieures ou classes supérieures de la société française. D'ailleurs, 8 % seulement ont un revenu mensuel net inférieur à 1 500  euros, à peu de chose près le salaire médian des Français.
Enfin, les adhérents de LRM sont pour l'essentiel des urbains : exception faite des 6 % d'entre eux qui résident à l'étranger, 72,6 % habitent dans les grands pôles urbains en France (dont 14 % à Paris), 17,7 % dans les couronnes de ces grands pôles et à peine 10 % dans les communes moyennes ou petites. Souvent pointée ou brocardée par la droite, cette caractéristique n'est cependant pas si singulière qu'elle paraît : rappelons que 82 % des Français résident dans les grands pôles urbains ou leur couronne.
Novices et motivés Les " marcheurs " sont pour l'essentiel des nouveaux venus à la politique : 76 % d'entre eux ne s'étaient jamais engagés auparavant dans un parti. Parmi les 24 % qui avaient déjà adhéré à un parti, 42 % venaient du PS, 23 % du parti Les Républicains, 13 % du MoDem et 6 % de l'UDI. Cette expérience antérieure fait d'ailleurs d'eux des militants plus actifs, des responsables et, de fait, le noyau structurant de LRM. De même, 27 % seulement des adhérents ont connu une expérience syndicale, notamment à la CFDT. En revanche, plus de la moitié (54 %) étaient engagés dans la vie associative.
Le mouvement macronien est d'autant plus un parti de novices que 12 % seulement de ses membres ont adhéré au moment de la création d'En marche !, au printemps 2016. La plupart se sont engagés à partir de la déclaration de candidature d'Emmanuel Macron en novembre  2016, puis pendant la campagne et, surtout (22 %), au moment de la victoire de leur candidat en mai  2017.
Enfin, les motivations de l'engagement des " marcheurs " correspondent très exactement à la démarche et à la personnalité du candidat Macron. 90  % d'entre eux ont d'abord adhéré aux idées de LRM. Presque autant (85  %) sont convaincus qu'" Emmanuel Macron est seul capable de réformer la France ". En outre, déçus par les partis traditionnels, 81,5  % estiment que leur mouvement est " une formation politique pas comme les autres ", assez atypique pour donner un coup de jeune au pays.
Interrogés sur une palette d'activités politiques dans le cadre de LRM (campagne électorale, terrain hors campagne, débat au sein d'un comité local, formation en ligne…), une majorité d'entre eux se disent impliqués ou très impliqués, seuls 11  % reconnaissant qu'ils n'y participent jamais. Comme le soulignent les auteurs du rapport, " les adhérents actifs de LRM font de la politique à la carte, à partir de ce qu'ils sont. Cette offre s'est révélée très adaptée à l'individualisation croissante des formes d'engagement ".
G. C.


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