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mardi 30 octobre 2018

RETRAITES - Un quart de siècle de réformes partielles....







14 octobre 2018
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Un quart de siècle de réformes partielles

Bruno Palier, chercheur à Sciences Po, retrace les points d'inflexion des réformes du système de retraite menées en France depuis 1993

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La France est, avec l'Italie et la Grèce, l'un des pays d'Europe qui consacre le plus de dépenses publiques aux retraites (plus de 14  % de son produit intérieur brut), ce qui garantit un niveau de vie moyen des retraités équivalent à celui des -actifs, voire supérieur si l'on intègre le patrimoine. C'est aussi l'un des pays où l'on dénombre le plus de régimes différents, selon les professions (secteur privé, public, professions indépendantes, agriculteurs…), et d'étages : minimum vieillesse, régimes de base, régimes complémentaires obligatoires et retraites supplémentaires facultatives.
Le système est financé en répartition (les actifs actuels financent les retraités actuels) mais, complexité supplémentaire, il ne fonctionne pas de la même façon pour les régimes de base, où l'on définit à l'avance les règles qui donnent le droit à une retraite à taux plein (50  % des 25 meilleures années après 43 ans de cotisations pour les personnes nées après 1972), et pour les régimes complémentaires, qui fonctionnent par points : les salariés obtiennent des points contre le ver-sement des cotisations au cours de leur carrière, et ils apprennent à leur départ en retraite la -valeur des points accumulés et donc le montant réel de leur pension.
La France rencontre depuis longtemps des difficultés pour financer ses retraites. La caisse d'assurance-vieillesse du régime général a été -presque constamment déficitaire entre 1973 et 1998. Le déficit est réapparu en  2005, s'est aggravé avec la crise -économique de 2008, jusqu'à une amélioration des comptes, redevenus positifs depuis 2016.
Pendant vingt ans, entre 1973 et 1993, les gouvernements ont procrastiné -devant les déséquilibres démogra-phiques et budgétaires. Plutôt que de lancer une réforme qui aurait fait -tomber plus d'un gouvernement, d'après les mots de Michel Rocard en  1988, ils ont préféré augmenter les cotisations retraite.
Sous la pression européenneAinsi, les cotisations vieillesse sous plafond (39 732  euros par an en  2018) payées par les salariés sont passées de 3  % du salaire brut en  1960 à 6,5  % en  1980 et 9,5  % en  1999. Les coti-sations patronales sous plafond, nulles en  1960, sont passées à 10,8  % en  1980 et 14,3  % en  1999. Il faut dire que les retraites et les préretraites ont longtemps servi d'arme contre le chômage avec la mise en place de la -retraite à 60 ans et la multiplication des mesures de préretraite à l'heure des plans de restructuration industrielle qui ont marqué les années 1980. Il y avait 84 000 préretraités en  1975 et 705 000 en  1983. La tendance était alors aux -départs de plus en plus précoce et à l'amélioration constante du niveau des retraites.
C'est sous la pression européenne, et notamment de la préparation de la monnaie unique, qui impose de réduire les déficits publics, que les premières réformes apparaissent. La première grande réforme date de 1993. Il s'agit alors de réduire le déficit de la branche retraite et d'inciter les Français à travailler plus longtemps. Le gouvernement Balladur fait passer un ensemble de mesures dites " paramétriques " visant à modifier les règles de calcul des retraites : allongement -progressif de 37,5 à 40 ans de la durée de cotisation nécessaire pour acquérir les droits à retraite à taux plein, modification du calcul du salaire de référence (des 10 aux 25 meilleures années) et -revalorisation des retraites sur l'évo-lution des prix plutôt que sur celle des salaires.
Cette réforme ne concernera que le secteur privé, M.  Balladur souhaitant éviter de toucher aux régimes des -fonctionnaires et aux régimes spéciaux (notamment des entreprises -publiques). C'est à ceux-ci qu'Alain Juppé souhaitait s'attaquer dans son plan de 1995, ce qui a suscité de telles manifestations (notamment des cheminots) qu'il a dû retirer ces mesures. L'enjeu des réformes suivantes sera d'aligner les régimes du public sur les règles qui prévalent dans le privé.
Promesses de campagneEntre 1997 et 2002, le gouvernement Jospin n'a proposé aucune réforme. Il a cependant créé le Conseil d'orientation des retraites (COR), rassemblant par-tenaires sociaux et experts, qui présente régulièrement la situation des -retraités, la situation démographique des différents régimes et les projections des dépenses à venir, permettant ainsi de partager les diagnostics sur la situation des retraites.
En  2003, le gouvernement Raffarin a fait adopter une réforme (dite " Fil-lon ") qui aligne les règles du -secteur public sur celles du privé, sauf en ce qui concerne le salaire de référence, qui reste les six derniers mois pour les fonctionnaires. Très contestée, la réforme a été adoptée grâce au soutien des syndicats dits réformistes, qui ont obtenu des garanties sur des taux de remplacement minimum et les carrières longues. La réforme a aussi promu les retraites facultatives financées en capitalisation (PERP et Perco). En  2007, à peine élu, Nicolas Sarkozy charge -Xavier Bertrand d'une réforme des régimes des entreprises publiques, qui ne seront cependant pas complètement alignés sur le régime général.
Après la crise de 2008, et à la suite des pressions des marchés financiers et de la Commission européenne, une nouvelle réforme est adoptée en  2010, malgré les oppositions syndicales. Il est -décidé de repousser progressivement l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, d'allonger encore la durée de -cotisation pour une retraite à taux plein (jusqu'à 43 ans) et d'empêcher les départs précoces, y compris pour ceux qui avaient une carrière longue.
Malgré ses promesses de campagne, François Hollande, avec la réforme de 2013, n'est pas revenu sur l'âge légal à 62 ans, mais a assoupli les conditions de départ précoce et prévu la mise en place d'un compte pénibilité à -partir de 2015, dont la mise en œuvre laisse à -désirer.
Malgré toutes ces réformes, aucun gouvernement n'a réussi à augmenter significativement le taux d'emploi des seniors, ni à réduire les inégalités entre retraités, notamment entre hommes et femmes (qui touchent deux fois moins de retraite de droit direct que les hommes). Ils auront en revanche tous progressé vers l'alignement des différents régimes de retraite, rendant envisageable une réforme plus systémique visant à fusionner les différents régimes, comme le propose aujour-d'hui le gouvernement.
Bruno Palier
© Le Monde


14 octobre 2018

Ne rompons pas le contrat social entre les générations

Pour le professeur d'économie Louis de Mesnard, il est essentiel que l'Etat se rappelle que la retraite est un droit des salariés qui repose sur la confiance en l'avenir

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Pour le gouvernement, la retraite est une prestation sociale : le -prochain budget va désindexer les retraites de la hausse des prix. C'est que, pour le président de la République, " la retraite n'est pas un droit auquel on a -cotisé toute sa vie, la retraite est ce que les actifs payent pour les retraités ". Il faut reconnaître que la fin de la proposition est parfaitement vraie : toute retraite est payée sur le revenu national, qu'elle soit par répartition ou par capitalisation.
Toutefois, dire que la retraite n'est pas un droit mais une simple prestation -sociale mérite discussion. Aucun système de retraite ne peut faire l'objet d'un consensus social s'il n'est pas -considéré comme un droit. En effet, considérons deux périodes – " aujourd'hui " et - " demain " –, et trois catégories de per-sonnes – " jeunes ", " actifs " et " retraités ". Avec le temps qui passe, les actifs d'aujourd'hui -deviennent les retraités demain, les -retraités d'aujourd'hui disparaissent -demain, tandis que les -jeunes d'aujourd'hui deviennent eux-mêmes actifs demain.
Alors, pourquoi la catégorie des actifs donnerait-elle aujourd'hui X milliards d'euros à celle des retraités, alors que cette dernière aura disparu demain et ne pourra rien lui rendre ? Pourquoi cette catégorie composée d'Homo economicus ferait-elle preuve d'altruisme aujourd'hui envers celle des retraités, puisque rien ne lui garantirait qu'elle-même bénéficierait d'un tel traitement favorable son tour venu demain ? Cela montre bien qu'il faut un mécanisme permettant à la catégorie des actifs d'être incitée à effectuer le transfert vers la catégorie des retraités. Ce mécanisme peut être de deux ordres.
Soit les actifs placent la somme correspondant au transfert aujourd'hui et la récupèrent demain, avec intérêts. En ce cas, il y a transfert intergénérationnel au sein d'une même catégorie, les actifs d'aujourd'hui étant devenus retraités demain. Mais tout système de retraite est toujours payé, au plan macro-économique, par le revenu national courant (tout comme la dette nationale). Donc, si la conjoncture était mauvaise -demain, les actifs d'aujourd'hui ne pourraient récupérer demain un revenu égal à ce qu'ils espéraient, sans même compter le risque financier des pla-cements opérés. Par conséquent, même si la capitalisation permet d'injecter des capitaux en Bourse, elle est un leurre macroéconomique.
Soit la catégorie des actifs verse aujourd'hui les retraites à la catégorie des retraités. Elle le fait parce que, ce faisant, elle acquiert un droit à recevoir -elle-même demain un versement de la part des jeunes lorsque ceux-ci seront devenus actifs. Il y a un " deal " inter-générationnel entre jeunes, actifs et -retraités. Ce que j'appelle le contrat -social intergénérationnel est donc basé sur cette notion de droit à la retraite. Cela n'a rien à voir avec un droit indu, dont on devrait se débarrasser au nom d'une certaine modernité ou parce qu'il pèse sur les actifs, et donc sur les entreprises qu'il rendrait moins compétitives. Il s'agit au contraire d'un simple mécanisme contractuel, équilibré et moderne : on remplace une cotisation contre un droit par un échange donnant-donnant. Mais contrairement à un contrat classique, il est ici conclu dans le temps.
Or ce droit ne peut fonctionner que si la communauté nationale le garantit, ce qui fonde son caractère social.
Retour au XIXe  siècleMais le contrat social intergénérationnel est fragile, car il est fondé sur la -confiance. En effet, lorsqu'un actif -cotise, il fait un pari sur l'avenir : comme c'est lui qui paie par avance, il anticipe que le contrat social intergénérationnel continuera de jouer à l'avenir.
Et c'est là qu'est le nœud du problème : remettre en cause le " droit " à la -retraite, c'est briser cette confiance, ce qui peut avoir des effets incalculables sur les anticipations longues des Français.
Que se passerait-il si on faisait disparaître ce mécanisme ? Le contrat social intergénérationnel rompu, les actifs ne verraient plus pourquoi ils devraient payer pour les retraités. Ils pousseraient les gouvernements à alléger les cotisations, les entreprises seraient donc plus productives… mais les retraités tomberaient dans la misère. Ou bien cela les pousserait à conserver ou à -retrouver un emploi, peu payé, comme aux Etats-Unis.
L'économie pourrait-elle leur offrir cet emploi ? Ce n'est pas certain dans le cas de la France, parce qu'elle est bien loin du plein-emploi. Ou cela obligerait la solidarité familiale à s'exercer, mais l'évolution de la société française ne le permet plus. Ou, enfin, la solidarité nationale devrait les secourir.
Ce serait un retour au XIXe  siècle, et -signifierait une hausse de la dépense publique : on perdrait d'une main ce qu'on avait voulu gagner de l'autre, et cela reviendrait de fait à fis-caliser la -retraite.
Louis de Mesnard
© Le Monde


14 octobre 2018

Pour un système équitable, lisible et durable

L'économiste Florence Legros dénonce trente années de " bricolage " qui ont conduit à une diminution du pouvoir d'achat des retraités. Une formule par points fondée sur le principe de " neutralité actuarielle " pourrait y mettre fin

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Après des décennies de réformes -paramétriques, le gouvernement semble sur le point d'engager une réforme structurelle de notre système de retraite. Avec un taux de dépendance (le nombre des 65 ans et plus rapporté à celui des 15-64 ans) qui devrait passer de près de 25  % aujourd'hui à près de 45  % en  2070, les besoins de financement seraient difficilement supportables si le poids des pensions dans le produit intérieur brut (PIB) augmentait dans les mêmes proportions.
Certes, les réformes menées jusqu'ici devraient limiter ce risque, comme le montre l'" Ageing Report " de la Commission européenne, qui en intègre les résultats escomptés.La part des pensions est aujourd'hui de 15,1  % du PIB, mais elle devrait baisser à 11,8  % en  2070, en raison de l'augmentation des taux d'activité aux âges élevés, mais surtout de la baisse des taux de remplacement, c'est-à-dire du rapport entre pensions et salaires d'activité. Car c'est en réalité à une baisse orchestrée du pouvoir d'achat relatif des retraités que l'on assiste depuis trente années !
En  1993, la réforme impose que les -salaires servant au calcul de la première pension (soit les 25 meilleures années, au lieu des 10 préalablement) ne soient plus indexés comme le salaire moyen de l'économie, mais comme l'inflation. Autrement dit, les salaires passés voient leur valeur de calcul d'autant plus baisser qu'ils sont anciens. Les pensions suivantes étant également désindexées, celles-ci " décrochent " chaque année du salaire moyen. Autrement dit, chaque point de croissance économique vient baisser le pouvoir d'achat relatif des retraités.
Risque de paupérisationPar la suite, la sous-indexation des retraites complémentaires à un point de moins que l'inflation, puis la décision, à partir de 2013 et jusqu'en  2019, de retarder leur revalorisation de sept mois chaque année, et enfin la mise en place d'un bonus-malus destiné à inciter à un recul de l'âge de la retraite à compter de 2019 sont autant de mesures mettant les retraités à contribution, même si l'augmentation du prix d'achat du point Agirc et Arrco et l'augmentation du " taux d'appel " (cœfficient multiplicateur du taux de cotisation) font peser une partie de ce fardeau sur les futurs retraités.
L'annonce faite durant l'été d'une nouvelle sous-indexation des salaires portés au compte retraite et des pensions de base en  2019 puis en  2020 vient enfoncer le clou de la baisse du pouvoir d'achat des retraites comparées aux salaires.
Ces trente années de désindexation ont forgé un mécanisme insidieux et opaque qui fait que le taux de remplacement observé à la liquidation (au moment du départ en retraite) ne reflète pas le pouvoir d'achat relatif de la pension tout au long de la durée de la retraite. En réalité, plus celle-ci est longue, plus le pouvoir d'achat des pensions se dégrade, et ce d'autant plus que la croissance économique est forte, alors même que les besoins additionnels en fin de vie sont, eux, indexés sur les salaires et non sur les prix, puisqu'il s'agit notamment d'achat de services d'aide à la personne.
Face à ces bricolages et au risque de paupérisation des retraités qu'ils induisent, la nécessité d'une véritable réforme, équitable, lisible et durable est manifeste.
Le passage à un régime unique par points supprimant les spécificités des quarante-deux régimes actuels (chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits à pension à chaque salarié) et reposant sur le principe de " neutralité actuarielle " (la somme actualisée des pensions versées ne peut excéder la somme actualisée des cotisations versées) répondrait à ces exigences.
Théoriquement, la neutralité actuarielle permet à chacun d'anticiper sa retraite (bien qu'il y ait un âge plancher) en arbitrant entre une retraite longue mais moins " payée " et une retraite courte mais bien " payée " – ce qui incite, sans contrainte, à un report de l'âge de départ à la retraite. Elle permet aussi de gérer les nouvelles trajectoires professionnelles en toute transparence et équité.
Cela dit, la mise en œuvre ne sera pas exempte de difficultés.
Quid du minimum vieillesse et des prestations qui ne sont pas issues des cotisations, comme les bonus par enfant ou les pensions de réversion, qui ne peuvent être prises en compte dans un régime par points " pur " ? Ces prestations, tout comme le montant du minimum vieillesse, constitueront un enjeu important et… une entorse au principe de neutralité actuarielle.
Quid de la durée de transition entre systèmes actuel et futur ? Une transition courte pourrait être mal vécue par les assurés s'ils considèrent qu'ils ne sont pas en mesure de s'adapter à un changement des règles d'acquisition et de calcul de leurs droits.
Quoi qu'il en soit, la réforme fera des -gagnants et des perdants. Elle devrait -concentrer les pensions tout comme la date du départ en retraite autour d'un âge en moyenne plus élevé qu'aujourd'hui. Les enquêtes montrent que, si la population est globalement favorable à une telle réforme, fonctionnaires et salariés des grandes entreprises publiques le sont moins car ils y voient, à juste titre, un risque de dégradation de leur situation.
Florence Legros
© Le Monde


14 octobre 2018

Une vision purement comptable

L'adoption d'un régime à points traduirait la préférence pour une gouvernance par les nombres qui considère la retraite comme un coût et non comme un " droit au bonheur ", regrette le professeur d'économie Nicolas Cuzacq

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La réforme des retraites qui s'annonce n'est pas dans la lignée des précédentes, car le passage d'une retraite en " annuités ", dispositif actuel dans la majorité des régimes de base, à un régime par points, que la réforme pourrait instaurer, engendre un changement de paradigme car la philosophie des deux dispositifs est différente.
Les régimes en annuités ont un objectif de revenu de remplacement alors qu'un régime à comptes notionnels privilégie la stabilité du montant des prélèvements obligatoires. Dans un régime par points, une hausse de l'espérance de vie engendre automatiquement une baisse de la pension de retraite, sauf si l'actif consent à cotiser plus longtemps. Dans les faits, la réforme aura donc des conséquences sur la durée de cotisation, à l'inverse de ce qui est parfois affirmé. Elle traduit une vision purement comptable du système des retraites.
Il est logique de travailler plus longtemps lorsque l'espérance de vie augmente, mais il semble aussi légitime d'élargir l'assiette des cotisations afin de prendre en considération les évolutions de la société, comme par exemple sa financiarisation. En conséquence, on peut envisager d'augmenter les prélèvements sociaux sur les revenus du capital. En  2017, ils ont déjà financé la branche vieillesse pour 16  milliards d'euros. Leur hausse engendrerait un accroissement du prélèvement forfaitaire de 30  % sur les revenus du capital. On pourrait aussi majorer le taux d'impôt sur les sociétés en cas de distribution de dividendes (et le maintenir en cas d'autofinancement). La majoration de l'imposition abonderait le financement des retraites.
Sujet tabouDe telles solutions ne correspondent pas à la philosophie néolibérale du " TINA " (" there is no alternative ") qui valide l'idée que les grandes fortunes et les multinationales mettent en concurrence les légis-lations des Etats. Le choix d'un régime de retraite par points est cohérent avec une gouvernance par les nombres qui consacre un économisme dans lequel la société est au service de l'économie. La retraite est -conçue comme un coût et plus comme " un droit au bonheur ". Une solution plus équilibrée consiste à répartir équitablement l'effort en mobilisant les quatre points du carré des retraites (niveau des pensions, durée de cotisation, élargissement de l'assiette et montant des cotisations).
Aujourd'hui, les retraités français ont un taux de remplacement supérieur à la moyenne des pays de l'Union européenne et de l'OCDE. Dans le cadre d'une économie mondialisée fondée sur une défense sans nuance du libre-échange et de la libre circulation des capitaux qui néglige la question de la concurrence sociale et environnementale déloyale, les retraites sont conçues comme un coût qui obère la compétitivité de l'économie française.
Trop longtemps, la baisse des pensions de retraite a été un sujet tabou alors que les retraités français ont un niveau de vie, par unité de consommation et en incluant les revenus du capital, supérieur à celui des actifs. Avec la mise en place de retraites par points, on passe à l'excès inverse. A titre d'illustration, dans un tel régime, le montant de la pension dépend des cotisations versées pendant l'ensemble d'une carrière et non plus des revenus des six derniers mois ou des vingt-cinq meilleures années. Beaucoup de retraités y seront perdants.
Par ailleurs, les dirigeants de grandes sociétés ainsi que leurs cadres obtiennent souvent le bénéfice de plans de retraite à prestations définies financés par leur entreprise. Ils ont alors la garantie d'un taux de remplacement, quel que soit le montant de leurs cotisations au régime général. Alors que ces plans représentent un coût non négligeable pour les entreprises, la question de leur impact sur la compétitivité est bizarrement reléguée au second plan…
Nicolas Cuzacq
© Le Monde

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