| | Hadrien Mathoux Directeur adjoint de la rédaction La laïcité et la lutte contre l'islamisme, des combats devenus dangereux à gauche
Il est désormais impossible de défendre la laïcité à gauche sans se voir accusé de racisme, et sans recevoir un tombereau d'insultes. Voilà la dure leçon livrée par la polémique autour de la sénatrice communiste Cécile Cukierman, invitée le 28 novembre de l'émission Ça ira ! organisée par L'Humanité. Pendant plus d'une heure, la porte-parole du PCF évoque de nombreux sujets — travail, municipales, nationalisation d'ArcelorMittal —, mais c'est la séquence autour de la laïcité et du port du voile qui a retenu l'attention.
La mécanique des réseaux de gauche radicale anti-laïques est bien huilée. Leur objectif : imposer l'autorisation du port du voile dans les compétitions sportives, une question qui fait l'objet d'un débat entre les partisans d'une ligne accommodante autorisant les sportives à porter le hijab, et ceux qui appellent à ne pas être naïfs face à une offensive islamiste visant à visibiliser le religieux et à infliger une pression insidieuse aux femmes.
Un plan en trois temps, donc. Première étape : les chroniqueuses de L'Huma, acquis à une vision multiculturaliste, mettent la pression sur Cécile Cukierman, à qui l'on reproche son abstention lors d'un vote sur le sujet. Loin d'être sur une ligne « dure », la sénatrice se dit favorable au droit de porter de signes religieux lors des entraînements, mais défend la neutralité lors des compétitions, au nom d'une « laïcité inclusive ». Elle évoque la dimension patriarcale et conservatrice du voile. La voici aussitôt attaquée, sur le mode larmoyant, accusée « d'exclure » les « femmes qui portent le voile et veulent faire du foot le dimanche avec leurs copines ».
Étape numéro deux : l'extrait est relayé sur les réseaux sociaux par des comptes à plusieurs dizaines de milliers de suiveurs, afin de déchaîner la meute des militants et cadres affiliés à la France insoumise qui y vont de leurs commentaires : le « naufrage islamophobe » du Parti communiste, accusé de parler « comme l'extrême droite » — pour avoir défendu la laïcité, donc. On passera sur les nombreux commentaires accusant Cukierman d'avoir « oublié ce qu'était le communisme », de la part d'ignares qui n'ont visiblement pas ouvert un livre de Karl Marx depuis bien longtemps.
Dernière étape : les élus LFI embraient, à commencer par la députée Nadège Abomangoli, qui voit en l'argumentaire de Cécile Cukierman un signe de « fémonationalisme » . La sénatrice communiste n'a pourtant fait que rappeler une évidence : il est tout à fait malhonnête de présenter le port du voile comme un « libre choix », en le vidant de toute signification (le voile islamique reste un symbole religieux, patriarcal et misogyne en toutes circonstances) et en s'aveuglant sur le conditionnement culturel et social qui pousse des femmes à le porter. Comment est-il possible d'adopter une vigilance extrême sur les mécanismes qui entraînent les femmes à se maquiller ou à porter des talons, tout en adoptant des oeillères parfaitement opaques sur la question du voile ? Le consentement à l'obscurantisme, ou la revendication identitaire, n'ont rien d'un « libre choix », et il est inacceptable d'assimiler la laïcité et l'anticléricalisme à du racisme. Voilà deux idées que nul ne peut plus défendre à gauche sans voir pleuvoir les pires injures. Twitter @hadrienmathoux
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