De passage quelques jours à Paris pour la promotion de son essai « Le Temps des pères » (La Découverte), Sarah Blaffer Hrdy, autrice de découvertes fondamentales sur les racines de l’empathie et la parentalité humaine poussait un soupir de soulagement : « La France me semble un havre de civilisation et de raison, au regard de ce qui se produit chez nous… ». Cette chercheuse de grand renom vit et travaille en Californie depuis longtemps, un état progressiste et démocrate, mais les MAGA ne sont jamais loin. Comme nombre d’intellectuels et chercheurs américains, elle est extrêmement pessimiste sur le devenir de son pays et trouve l’atmosphère bien plus respirable en Europe, espérant que, du vieux continent, vienne un sursaut salvateur pour chasser ces ténèbres envahissantes.
Originaire du très traditionaliste Texas, où le patriarcat est tellement infus que dans sa jeunesse il lui semblait une loi de la nature, elle est l’une de celles qui ont révolutionné notre vision des rôles de genre. Grâce à Sarah Blaffer Hrdy, nous avons appris que la mâle domination n’est en rien un paradigme universel, pas plus que le supposé instinct maternel. Par l’étude rigoureuse et sans œillères du mode de vie des animaux, elle apporte la preuve que les deux sexes ont des rôles très variés selon les espèces et qui ne correspondent en rien à nos préjugés.
C’est en voyant son gendre maternant son petit-fils aux premiers jours de sa naissance qu’est né le projet de son dernier livre. « Je savais que les mâles peuvent avoir un tel comportement chez de nombreuses espèces mais j’ai été stupéfaite d’assister à cela. J’ai eu envie de comprendre comment et pourquoi il était possible qu’un homme manifeste les mêmes réactions, les mêmes gestes qu’une femme s’occupant d’un bébé ». Elle a donc mené l’enquête chez les espèces où les mâles sont les plus impliqués auprès des petits et en sont parfois même parfois seuls responsables. C’est le cas chez nombre de poissons, d’oiseaux mais aussi chez des mammifères. Non, l’accouchement, l’allaitement ne constituent pas en soi une prédisposition « naturelle » à s’occuper des nourrissons, surtout pas chez notre espèce humaine. Durant la préhistoire, pour prendre soin de nos bébés si fragiles et vulnérables durant de longues années, les adultes de deux sexes étaient au charbon. Notre espèce assure-t-elle n’aurait pu survivre sans cela.
Mais pour croire, souvent, il nous faut voir. Et pour réaliser que oui, les hommes sont vraiment des mères comme les autres, le documentaire programmé ce samedi 6 décembre en fin de soirée sur Arte « Paternité, une métamorphose décryptée » ne sera pas de trop. S’inspirant du livre de Sarah Blaffer Hrdy, la réalisatrice Jacqueline Farmer est allée filmer des hommes prenant amoureusement soin de nouveau-nés, caressant leur tête fragile. Elle est entrée dans les laboratoires où sont étudiées les sécrétions hormonales et les transformations cérébrales qui surviennent chez toute personne vivant au contact d’un nouveau-né, qu’il soit une femme ou un homme. Ainsi, au CHU de Saint-Étienne, la chercheuse Siloé Corvin a diffusé à des parents les cris de leur nourrisson. Et ô surprise, à égalité, le sexe ne fait aucune différence : hommes et femmes sont 90 % à pouvoir reconnaître ainsi leur bambin. Il suffit pour cela, aux unes comme aux autres, de les avoir entendus à trois ou quatre reprises.
Les tous petits nous transforment. Et Sarah Blaffer Hdry note que Donald Trump, particulièrement indifférent au sort de la planète et de l’humanité a souvent répété combien il avait mis un point d’honneur à ne jamais toucher une couche, considérant cela comme indigne de lui. Elle donne ce conseil aux hommes en mal de reconnaissance : « Ceux qui aujourd’hui se sentent des ratés, parce qu’une femme aurait décroché leur poste ou que les migrants voleraient leurs droits. J’ai envie de leur répondre : si vous avez besoin d’être aimé, d’avoir le sentiment que vous quelque chose, essayez de prendre soin de quelqu’un ! Les bébés nous rendent plus généreux, attentif aux autres. »
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