« Ça va être drôle » : Mélenchon résolu à retourner la commission anti-LFI contre elle-même
Le fondateur de LFI est auditionné par la commission d’enquête sur les liens supposés entre les partis politiques et des organisations propageant l’idéologie islamiste. Et il y va très sereinement.
• Le fondateur de LFI est auditionné par la commission d’enquête sur les liens supposés entre partis politiques et islamisme.
• Il se présentera en tant que co-président de l’Institut de la Boétie, et non comme chef de LFI, pour répondre aux accusations.
• Fort de l’analyse du directeur de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, il est confiant face aux critiques.
L’audition de Jean-Luc Mélenchon face à la commission d’enquête de l’Assemblée sur les liens supposés entre certains partis politiques et l’islamisme ? « Ça va être drôle à regarder », pronostique un de ses très proches. Le passage du fondateur de la France insoumise devant les parlementaires de l’Assemblée nationale ce samedi 6 décembre n’inquiète nullement en interne. Ce, en dépit de la volonté affichée de Laurent Wauquiez de viser explicitement le mouvement de gauche radicale en révélant « les faisceaux d’indices » qui selon lui « montrent une complicité entre LFI et les réseaux islamistes. »
À quelques jours de la remise du rapport, l’audition du fondateur de LFI sonne comme la consécration pour une commission d’enquête qui a connu son lot de couacs avant de vraiment voir le jour. L’insoumis a accepté de s’y rendre, en dépit des critiques de ses troupes sur la composition du bureau - la gauche en a été exclue, les postes clés de président et de rapporteur revenant respectivement à la droite, avec le LR Xavier Breton et à l’extrême droite avec Matthieu Bloch (UDR).
Une réponse négative aurait été difficile à justifier côté LFI, prompt à critiquer ceux qui se soustraient à l’exercice. En parallèle, un refus n’aurait fait qu’apporter de l’eau au moulin de leurs opposants politiques, à l’image du ministre de l’Intérieur Laurent Nunez qui avait jugé « dommage » un éventuel boycott de l’insoumis en chef.
Un argumentaire tout trouvé
C’est donc avec une pointe d’ironie que les équipes de Jean-Luc Mélenchon ont confirmé sa venue. « Bien qu’il ne soit plus député, ni responsable du mouvement ou président du groupe parlementaire, et bien que cette commission d’enquête ne respecte pas le règlement de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon se déclare prêt à répondre à cette invitation », a indiqué le service de presse de LFI.
Mais ce sera à ses conditions. L’ancien parlementaire a tout d’abord imposé son propre calendrier, sous couvert de contraintes d’agenda incompatibles avec « le délai court » laissé par les députés. Ensuite, il s’y rendra non pas comme chef d’un parti - ce qu’il n’est plus (uniquement) en théorie - mais « en tant que co-président de l’Institut de la Boétie », le laboratoire d’idées de LFI. « Apparemment, c’est ce qu’ils veulent, sinon ils auraient sollicité le chef du mouvement, Manuel Bompard, ou la présidente du groupe parlementaire, Mathilde Panot », persifle-t-on dans son entourage joint par Le HuffPost.
Ces petites piques envoyées, Jean-Luc Mélenchon se veut serein. Et pour cause : avant même qu’il s’en défende lui-même, les accusations visant LFI ont déjà été contredites par une personnalité qui ne peut être accusée de collusion avec le parti, en l’occurrence le directeur du renseignement de la Préfecture de police de Paris. Auditionné le 29 octobre, Hugues Bricq a clairement répondu « non, très peu » au député RN Jérôme Buisson qui lui demandait si « des groupuscules d’extrême gauche ou d’autres, que vous surveillez, (avaient) des liens avec les islamistes ». « L’ultragauche était totalement absente lors des émeutes et des violences urbaines, et on ne la voit pas non plus quand il est question d’islamisme radical », a déclaré ce responsable lors de son audition, dûment relayée par Jean-Luc Mélenchon sur son blog.
Dénuée de « préjugés politiques », « l’analyse du directeur du renseignement fait foi », souligne l’insoumis. Qui ne se prive pas de souligner au passage que le même Hugues Bricq a évoqué « le rapprochement, par antisémitisme pur » entre « une certaine frange de l’ultradroite négationniste (et) certains islamistes ou référents religieux islamistes qui tiennent des propos antisémites, souvent hors nos frontières. » Et toc.
Professeur Mélenchon, « tranquille et amusé d’avance »
C’est donc fort de cette analyse que Jean-Luc Mélenchon se présentera devant les députés. Il en profitera pour « éclairer la commission sur l’histoire de la pensée républicaine en matière de relations entre religion et politique », note encore son entourage. Une occasion en or pour le tribun d’endosser un de ses costumes préférés, celui de professeur spécialiste de la laïcité. De l’aveu de tous ses anciens camarades, du temps du PS comme du Parti radical, Jean-Luc Mélenchon a en effet longtemps incarné le laïcard ultime, citant Victor Hugo à tout va. « L’idée de gauche concernant la relation aux religions est simple : l’Église chez elle, l’État chez lui. L’État n’a pas à se mêler de religion, ni pour dire ce qu’il doit y avoir dans la religion, ni pour laisser la religion occuper une place dans l’État », redisait-il encore en 2022. Auprès du HuffPost, Mathilde Panot anticipe déjà la scène : « Au moins, ils (les députés de la commission, ndlr) apprendront des choses », sourit-elle.
En face cependant, le contradictoire ne manquera pas. À l’image de Marine Tondelier qui n’a pas échappé à des questions parfois hors sujets (comme la venue du rappeur Médine aux universités d’été des Verts en 2023) Jean-Luc Mélenchon sera sans nul doute cuisiné sur ses positions - ou celles d’élus insoumis - les plus polémiques. À commencer par sa réticence à qualifier le Hamas de mouvement « terroriste » lors de l’attaque du 7 octobre 2023.
Le risque de voir le dialogue dégénérer n’est pas exclu, surtout face à des représentants de l’extrême droite ou à des élus particulièrement remontés contre la France insoumise, comme la députée ex-EPR Caroline Yadan. Mais son entourage se montre confiant. Jean-Luc Mélenchon ira « tranquille et amusé d’avance, parce qu’ils vont lui servir gratuitement leur caricature. » En parallèle, d’autres évoquent « l’habitude » des échanges musclés entre insoumis et extrême droite : « On a une triple armure ». Dure comme une carapace.

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