https://www.huffingtonpost.fr
POLITIQUE
La loi anticasseurs tourne à l'examen de conscience sur les violences policières
Par Geoffroy Clavel
Christophe Castaner a annoncé un changement de "doctrine" dans le maintien de l'ordre et promis des évolutions sur l'usage du LBD.
POLITIQUE - Adoubée par Edouard Philippe au lendemain d'un nouveau week-end de violences en marge du mouvement des gilets jaunes, la proposition de loi anticasseurs est examinée ce mercredi 23 janvier par les députés de la commission des Lois de l'Assemblée. Censé sanctionner plus sévèrement les fauteurs de troubles et les manifestations non déclarées, le texte voté en octobre dernier par la droite sénatoriale, a finalement obtenu le soutien du gouvernement début janvier, soucieux d'apporter une réponse législative aux dégradations à répétition constatées lors des "actes" hebdomadaires de la contestation en veste fluo.
Mais depuis cette annonce, la question des violences policières et des blessures parfois très graves infligées aux manifestants, notamment par les lanceurs de balle de défense (LBD), a pris le pas de manière brûlante dans le débat public. Au point de s'inviter dans les débats au Parlement autour de la proposition de loi anticasseurs.
L'audition ce mardi du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner par les députés membres de la commission des Lois a ainsi été l'occasion pour l'opposition, mais aussi la majorité, d'interpeller l'exécutif sur la pertinence de sa "doctrine" en matière de maintien de l'ordre.
Castaner promet de premières inflexions
"J'ai encore en tête la vidéo de Marie-Laure, cette maman d'un jeune mutilé, qui offre un témoignage poignant sur cet individu mutilé pour la vie. Et ce n'est pas le seul, ils sont nombreux", a rappelé le député France Insoumise Ugo Bernalicis en estimant que "le consentement à l'ordre ne peut pas se faire qu'à coups de matraques et de lois sécuritaires". "Il y a un mot que vous n'avez pas en bouche, c'est la désescalade", a-t-il accusé. Sur un ton plus conciliant, la députée LREM de l'Essonne Marie Guévenoux s'est inquiétée auprès du ministre de l'Intérieur du bon usage des méthodes de "sommation" des forces de l'ordre dans les manifestations.
Anticipant ou répondant à ces critiques, Christophe Castaner a admis pour la première fois que les modalités de maintien de l'ordre méritaient d'être revues, promettant une "nouvelle doctrine" notamment dans l'usage du LBD. "Je suis prêt à tout examiner, y compris dans l'abaissement du niveau des armes", a-t-il déclaré, évoquant également un "vrai benchmark dans ce qu'il se fait" à l'étranger pour équiper les forces de l'ordre.
Alors que de nombreuses personnalités, dont le Défenseur des droits Jacques Toubon, réclament l'interdiction de l'usage du LBD et de certains types de grenades, scénario exclu par le gouvernement, Christophe Castaner a réalisé une première concession en promettant "qu'à partir de samedi prochain, l'ensemble de nos forces de sécurité qui utilisent des LBD soient équipées de système de caméras-piétons".
Pour la première fois, Christophe Castaner a également admis des cas de violences émanant des forces de l'ordre. "Je condamne les violences d'où qu'elles viennent. Je serai toujours intraitable si des fautes étaient commises dans les rangs de la police ou de la gendarmerie. Chacune des 81 plaintes ont immédiatement fait l'objet d'une enquête judiciaire", a-t-il concédé, offrant au passage des chiffres officiels sur certaines blessures graves recensées par des associations et la presse.
"Il y a eu quatre personnes qui ont eu des atteintes graves à la vision. Certains pouvant effectivement perdre un oeil", a ainsi admis le ministre de l'Intérieur. Un chiffre toutefois très inférieur à celui du collectif militant "Désarmons-les" et du journaliste indépendant David Dufresne qui eux en recensent 17.
Interdiction des LBD dans l'hémicycle?
Si le gouvernement se montre prêt à donner des gages de transparence sur sa gestion des manifestations, celui-ci n'entend toutefois pas reculer sur son soutien à la proposition de loi anticasseurs. "Contrairement à ce que j'ai pu entendre ces derniers jours, le niveau de violence au sein des manifestations ne baisse pas", a mis en garde Christophe Castaner, citant le cas de villes de province comme Bordeaux, Nantes ou Toulouse toujours exposées à de fortes dégradations.
Et il a maintenu son soutien aux forces de l'ordre, dont il estime qu'elles n'ont jamais été à l'initiative lors des affrontements avec des casseurs lors des manifestations des gilets jaunes.
Ce week-end, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux avait déjà estimé que la loi anticasseurs pourrait permettre de limiter les risques de violences réciproques. Le fichier voulu par l'exécutif pour "identifier les meneurs, les casseurs" en amont devrait ainsi permettre "d'avoir le minimum de personnes présentes avec une volonté de tuer, de violenter, de piller".
La question des violences policières devrait à nouveau s'inviter dans les débats parlementaires ce jeudi, lors de l'examen du texte en commission, et la semaine prochaine dans l'hémicycle. La France insoumise, qui soutient ardemment le mouvement des gilets jaunes, a déposé un amendement visant à interdire le recours par les forces de l'ordre aux lanceurs de balles de défenses "ou à toute arme de dangerosité supérieure ou égale dans le cadre de manifestations sur la voie publique ou d'attroupements".
À voir également sur Le HuffPost:
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire