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15 mars 2019
Communiqués
A-t-on encore le droit de se réunir en France pour discuter de ce que l'on veut ?
Lettre ouverte de la Fédération départementale des sociétés de Libre Pensée de l’Ain à Monsieur le Préfet de l’Ain pour qu’il diligente une enquête sur les graves événements qui se sont produits le 8 mars 2019 à Châtillon-sur-Chalaronne
Monsieur le Préfet de l’Ain,
Nous nous adressons à vous pour vous demander expressément de diligenter une enquête sur les graves événements qui se sont produits le 8 mars 2019 à Châtillon-sur-Chalaronne qui ont conduit les responsables de notre association à annuler la conférence que nous avions prévue de tenir le 8 mars 2019 à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Vous trouverez ci-dessous le déroulé des faits établi par Mme Desboeuf, Secrétaire du groupe Calandras de la Libre Pensée de Châtillon-sur-Chalaronne et le conférencier M. Raphaël Lebrujah :
« Le groupe Calandras organise une conférence intitulé : « Kurdistan syrien, le Rojava aujourd'hui... » le vendredi 8 Mars 2019 à Châtillon-sur-Chalaronne dans la salle municipale Montpensier, 83 Avenue Clément Desormes. Cette salle a été prêtée par la municipalité à une association de la commune, le contenu de la conférence a toujours été annoncé. Pour faire connaître cette conférence, publique, des affiches ont été placées en ville, des invitations ont été envoyées soit par courrier, soit par mail, la presse locale, le Progrès et Info-express, fait passer l'information.
Le jour dit de la conférence, nous sommes allés chercher les clés de la salle à l'accueil de la mairie. La personne de l'accueil de la mairie nous indique que l'affiche accrochée à l'entrée a disparu entre le jeudi après-midi et le vendredi matin. Nous sommes allés vérifier la salle, tout était normal vers 11h.
Vers 17h45, le groupement de gendarmerie de Bourg-en-Bresse téléphone à Mme Desboeuf directement sur son portable pour lui dire qu'il a été informé de la tenue de notre conférence par la préfecture à la demande du Consulat turc et que nous risquions de choquer la communauté turque locale. Il a demandé quelle était l’objet de cette conférence et que, selon le Consulat turc, nous voulions faire l'apologie du « PKK ». Mme Desboeuf lui a répondu que ce n'était pas le but de la conférence, que nous étions là pour nous informer sur le conflit syrien et explorer l'Histoire de la région et son actualité. Il a demandé qui était l'organisateur de cette conférence, combien de personnes nous attendions, qui était le conférencier, combien de membres comptait notre association, par quels moyens nous avions informé de cette conférence, s’il y a eu information par voie de presse et si nous avions mis des affiches aussi dans d'autres communes que Châtillon.
Nous avons demandé à notre tour comment le Consulat turc a été au courant de la conférence. Le gendarme nous a répondu : « ils ont un service qui épluche toute la presse ». Mme Desboeuf a répondu à pratiquement à toutes ces questions, sauf celle qui concerne le nombre d'adhérents, Mme Desboeuf lui a dit qu'elle n'avait pas à lui donner ce genre renseignement. Le gendarme a demandé si les statuts de l'association étaient bien déposés à la préfecture. La réponse étant positive, il a alors fait remarquer qu'il aurait les renseignements de cette façon-là.
Vers 18h30, la gendarmerie de Châtillon appelle Madame Desboeuf pour demander des renseignements sur la conférence. Le gendarme dit ne pas être au courant qu'un appel du groupement de gendarmerie de Bourg a déjà eu lieu. Il veut savoir qui organise, combien de personnes sont attendues, si le conférencier est lui aussi de Châtillon et surtout, si elle sera seule à tenir cette conférence.
A 18h45, le conférencier et Mme Desboeuf se rendent à la salle pour mettre en place les chaises, … Devant la salle, 2 hommes interpellent le conférencier :
- « C'est vous Mr Lebrujah », sur un ton mi-affirmatif, mi-interrogatif.
- Madame Desboeuf demande alors si ces personnes connaissent le conférencier.
- « Non, mais je me suis renseigné sur vous, vous faites l'apologie des YPG, une organisation terroriste. J'ai appelé le consulat. »
- M Lebrujah répond alors que l'Etat français armait cette organisation, mais que chacun avait le droit de penser ce qu'il voulait.
- Un troisième homme arrive alors : « Vous savez comment ils se financent ? Avec le trafic d'organes, le kidnapping de femmes »
- Mme Desboeuf dit alors que nous avions la salle à préparer.
Les trois hommes nous disent alors qu'ils seront présents à la conférence, sur un ton d’intimidation, pour dire ce qu'ils ont à dire. Mme Desboeuf et M Lebrujah rentrent dans la salle.
Ensuite d'autres hommes arrivent, le conférencier, par sécurité, ferme les portes à clé. Les hommes à l'extérieur tentent d'ouvrir les portes. Puis frappent sur les vitres à plusieurs reprises. Ils font sciemment du bruit. M. Lebrujah twitte sur ce qui vient de se passer, il est 19h24.
Madame Desboeuf contacte le président de l'association de Châtillon et le Président départemental pour les informer des événements. Décision est prise de contacter la gendarmerie de Châtillon. La gendarmerie dit alors avoir prévu deux équipes, mais que des gendarmes ne pourront pas être présents sur la durée de la conférence.
Trois membres de l'association arrivent. Madame Desboeuf leur ouvre la porte. Deux gendarmes sont justes derrière eux. Ils commencent par contrôler les pièces d'identité de chacun. Le conférencier dit aux gendarmes que les hommes dehors sont des turcs islamistes pro-Erdogan. Le gendarme répond qu'il n'est pas là pour faire de la politique. Les deux gendarmes sortent et vont discuter avec les hommes qui sont à l'extérieur tandis que Mme Desboeuf ferme la porte derrière eux pour ne pas laisser entrer les Turcs menaçants qui vont régulièrement, à chaque arrivée de personnes invitées par l’association, tenter de pénétrer eux aussi à l’intérieur.
Plus tard, le gendarme revient pour dénoncer comme une provocation les tweets envoyés par le conférencier à 19h24 donc avant l'appel de Madame Desboeuf à la gendarmerie de Châtillon. Il rend, par avance, responsable le conférencier d'éventuels troubles à l'ordre public. Ces tweets le mettent en porte à faux alors qu’il parlemente dehors. Il menace donc de saisir le téléphone et de l’envoyer sur le bureau du Préfet si le conférencier continue à twitter. Le conférencier demande s'il s'agit d'une menace, ce que le gendarme nie. Le conférencier lit à haute voix devant les personnes présentes dans la salle les tweets pour montrer que ceux-ci ne faisaient que signaler la menace qui pesait sur la conférence puis demande au gendarme si la liberté de penser existait toujours en France.
Le gendarme rétorque : « la liberté de penser, c'est bien, mais pas pour ce soir ! ». Une des personnes venues assister à la conférence ayant ri jaune, le gendarme se retourne vers lui en disant de façon très autoritaire que lui cela ne le faisait pas rire. Le gendarme nous a clairement indiqué qu'avec son collègue, ils ne joueraient pas les « portiers» pour la conférence. Il a répété que le conférencier, mais aussi les responsables de l'association seraient tenus pour responsables en cas d'éventuels troubles à l'ordre public si la réunion était maintenue.
Il précise que les hommes dehors étaient venus pour faire en sorte que la conférence dégénère et que lui et son collègue ne les empêcheraient pas d’entrer dans la salle, parce que la conférence était « libre d'entrée ». Face à cette menace, les responsables de l’association, après discussion avec les personnes présentes dans la salle, ont décidé d'annuler la conférence publique. Celle-ci s'est déroulée au domicile d'un adhérent de l'association. A la sortie de la salle, une des personnes extérieures exulte : ‘’Alors, Madame, la conférence, c’est fini ?’’ »
Comme vous pouvez le constater à la lecture de ce déroulé, les faits rapportés sont d’une extrême gravité et sont ressentis ainsi par toutes les personnes qui en ont pris connaissance. Elle justifie pleinement, à nos yeux, que vous diligentiez expressément une enquête.
Pour conclure, nous vous posons, Monsieur le Préfet, une simple question qui résume bien la nécessité impérieuse de cette enquête : « A-t-on encore le droit de se réunir en France pour discuter de ce que l’on veut ? »
Roland Mirguet, Président de la Fédération départementale de la Libre Pensée de l’Ain
Bourg-en-Bresse, le 13 mars 2019
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