Rien de spectaculaire. Juste de l'efficace. Près de quinze jours après la démission de Gérard Collomb, Emmanuel Macron a fait connaître par voie de communiqué, mardi 16 octobre au matin, la composition du nouveau gouvernement. En n'envoyant pas Alexis Kohler, le secrétaire général de la présidence de la République, lire sur le perron de l'Elysée les noms des membres de la nouvelle équipe, le chef de l'Etat a banalisé l'annonce. Comme s'il réaffirmait de façon implicite qu'il n'avait jamais été question de changer de cap et de politique. Mais juste de remanier son équipe.
La composition du nouveau gouvernement, qui sort rajeuni de ce remaniement, envoie cependant des signaux clairs. Au MoDem, l'allié politique qui ne cachait plus ses doutes ces dernières semaines, qui se voit confier les relations avec le parlement. Et aux collectivités locales, avec lesquelles les tensions se sont multipliées depuis un an, qui obtiennent la création d'un grand ministère. La majorité en sort aussi renforcée, avec l'entrée de plusieurs députés parmi les fidèles du chef de l'Etat.
Au total, le nouveau gouvernement comprend 35 membres, avec le premier ministre. C'est trois de plus que le précédent… et loin des engagements de M. Macron, qui avait plaidé durant la campagne pour un exécutif
" resserré ". Une dérive assumée par l'Elysée.
" Les renforts correspondent à des sujets annoncés et portés par le président de la République, comme le service national universel ou la lutte contre la pauvreté. Ces nouveaux secrétaires d'Etat seront en mission ", explique un conseiller du chef de l'Etat, n'excluant pas que ces portefeuilles disparaissent une fois le travail achevé.
La principale nouveauté de ce gouvernement, qui conservera le nom de Philippe II puisqu'il n'y a pas eu de démission collective, est l'arrivée de Christophe Castaner à Beauvau. Une promotion importante pour ce fidèle du chef de l'Etat, qui rêvait du poste depuis longtemps et a su créer une relation de confiance avec Edouard Philippe. Mais Emmanuel Macron a décidé de le flanquer d'un professionnel de la sécurité, avec l'arrivée de Laurent Nuñez, l'actuel patron de la DGSI, comme secrétaire d'Etat.
" Nuñez, c'est le flic de Macron, comme Péchenard l'était celui de Sarkozy. Les deux vont allier compétence technique et fidélité politique, c'est un bel attelage ", apprécie un soutien du chef de l'Etat.
Pour le reste, M. Macron s'est attaché à respecter, comme le dit Philippe Grangeon, conseiller du président,
" scrupuleusement le “en même temps” " sur lequel il a bâti sa victoire en 2017. Son nouveau gouvernement est presque paritaire (il compte 17 femmes et 18 hommes) et ne penche ni plus à droite ni plus à gauche qu'avant. A l'entrée de l'ex-membre du parti Les Républicains Franck Riester, qui remplace Françoise Nyssen à la culture, répond celle de l'ancien socialiste Didier Guillaume, à la place de Stéphane Travert à l'agriculture.
Le MoDem renforcé
" Mais ce ne sont pas des débauchages, ils avaient tous les deux soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle. On n'est pas dans Sarkoland ", affirme un proche du président.
" Le respect de cet équilibre gauche droite est l'une des raisons qui expliquent que ce remaniement a pris du temps ", analyse un conseiller,
" en choisissant Riester à la culture, on s'empêchait de mettre un homme de droite aux territoires ". En l'occurrence Dominique Bussereau.
Seul le MoDem se voit renforcé, avec l'arrivée d'un troisième de ses membres, Marc Fesneau, à la place de Christophe Castaner aux relations avec le parlement. La promotion de Jacqueline Gourault à la tête d'un grand ministère de la cohésion des territoires et aux relations avec les collectivités territoriales est aussi une concession accordée par le chef de l'Etat à ses alliés centristes, après les sévères mises en garde de François Bayrou à la rentrée.
" Ces mouvements correspondent à la volonté du président de renforcer le pilier de la majorité qu'est le MoDem ", reconnaît-on à l'Elysée.
" L'entrée de Riester préfigure l'accord de dynamique majoritaire auquel la République en marche veut parvenir pour les européennes et peut être les municipales ", ajoute également un conseiller du président.
La promotion de Gabriel Attal, l'un des députés LRM les plus en vue, qui sera chargé de mettre en place le service national universel auprès de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'éducation, marque également la volonté de l'exécutif de disposer de membres du gouvernement capables de défendre son action dans les médias, alors que de nombreux ministres issus de la société civile sont accusés depuis le début du quinquennat d'être trop effacés.
" Il a un profil généraliste qui va renforcer notre capacité d'expression. Ce sera une sorte de porte-parole supplémentaire ", assume-t-on à l'Elysée. De même, si Franck Riester est légitime à s'occuper de sujets culturels, il est aussi
" capable de sortir ", approuve un conseiller de l'exécutif. Même constat pour Didier Guillaume.
Repartir sur de nouvelles basesAvec deux ministres à ses côtés, Sébastien Lecornu aux collectivités locales et Julien Denormandie à la ville et au logement, Jacqueline Gourault aura la lourde tâche de renouer les liens entre le chef de l'Etat et les élus de terrain.
" En créant un grand ministère des territoires, Emmanuel Macron montre sa volonté de repartir sur de nouvelles bases avec les collectivités et de réparer des relations qui se sont un peu abîmées ", explique une proche du président de la République. Signe supplémentaire : Jacqueline Gourault sera la seule à avoir la tutelle sur les collectivités locales, alors que cette responsabilité était jusqu'ici partagée avec le ministère de l'intérieur.
Trois femmes jusqu'ici inconnues du grand public font également leur entrée au sein du gouvernement. La députée LRM Christelle Dubos, une ancienne travailleuse sociale, rejoint Agnès Buzyn comme secrétaire d'Etat, afin de l'épauler sur les questions de solidarité. Toutes deux venues du privé, Agnès Pannier-Runacher, actuelle numéro deux de la Compagnie du Rhône et membre active de la campagne d'En marche ! remplace Delphine Gény-Stephann à Bercy, et Emmanuelle Wargon, ancienne directrice de cabinet de Martin Hirsch et actuelle dirigeante de Danone, prend la place de Stéphane Lecornu au ministère de la transition écologique.
" Elle aurait pu faire partie du premier gouvernement, c'est une spécialiste de la transformation, qui a toute sa place chez de Rugy ", confie un observateur.
Concernant les sortants, l'Elysée assure que ceux-ci ont été prévenus en amont. Stéphane Travert et Jacques Mézard ont été reçus le 6 octobre par le chef de l'Etat, qui les a informés de sa décision. Le lendemain, ils ont été invités à un
" dîner amical " à l'Elysée.
" Ils ont continué à faire leur travail, ce qui montre bien qu'il n'y a pas de fâcherie ", se réjouit-on au sein de l'exécutif. Selon nos informations, Stéphane Travert devrait rejoindre LRM pour
" travailler à la structuration territoriale " du mouvement. Jacques Mézard, lui,
" va retourner au Sénat pour continuer à y élargir la majorité ", assure un macroniste. Même Françoise Nyssen, qui
" avait exprimé de la fatigue " selon l'entourage du président, pourrait continuer à jouer un rôle auprès de la majorité.
" Emmanuel Macron a toujours du mal à se séparer de personnalités proches ", commente un proche.
Virginie Malingre et Cédric Pietralunga
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