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samedi 3 novembre 2018

Les nouveaux équilibres du gouvernement le 17.10.2018


17 octobre 2018

Les nouveaux équilibres du gouvernement

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 Deux semaines après la démission de Gérard Collomb, l'Elysée a rendu publique la composition d'un nouveau gouvernement, tout en dosage politique
 Macroniste de la première heure, Christophe Castaner récupère le ministère sensible de l'intérieur
 Laurent Nuñez, qui dirigeait depuis un an la DGSI, le service chargé de la lutte antiterroriste, le secondera à un secrétariat d'Etat
Fidèle de François Bayrou, Jacqueline Gourault prend en charge un grand ministère des territoires pour tenter de réduire la fracture avec les élus locaux
 Figure des " constructifs " de droite, Franck Riester remplace Françoise Nyssen, fragilisée par les polémiques au ministère de la culture
 Didier Guillaume, sénateur de la Drôme, ancien socialiste proche de Manuel Valls, succède à Stéphane Travert à l'agriculture
 Membre de la jeune garde macronienne, Gabriel Attal est récompensé par un secrétariat d'Etat auprès du ministre de l'éducation
 Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l'Assemblée, est chargé des relations avec le Parlement
PageS 8-11 et chronique page 24
© Le Monde


17 octobre 2018

Un remaniement sans éclat pour garder le cap

L'exécutif a dévoilé une équipe qui conserve les équilibres consubstantiels à la Macronie

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Rien de spectaculaire. Juste de l'efficace. Près de quinze jours après la démission de Gérard Collomb, Emmanuel Macron a fait connaître par voie de communiqué, mardi 16 octobre au matin, la composition du nouveau gouvernement. En n'envoyant pas Alexis Kohler, le secrétaire général de la présidence de la République, lire sur le perron de l'Elysée les noms des membres de la nouvelle équipe, le chef de l'Etat a banalisé l'annonce. Comme s'il réaffirmait de façon implicite qu'il n'avait jamais été question de changer de cap et de politique. Mais juste de remanier son équipe.
La composition du nouveau gouvernement, qui sort rajeuni de ce remaniement, envoie cependant des signaux clairs. Au MoDem, l'allié politique qui ne cachait plus ses doutes ces dernières semaines, qui se voit confier les relations avec le parlement. Et aux collectivités locales, avec lesquelles les tensions se sont multipliées depuis un an, qui obtiennent la création d'un grand ministère. La majorité en sort aussi renforcée, avec l'entrée de plusieurs députés parmi les fidèles du chef de l'Etat.
Au total, le nouveau gouvernement comprend 35 membres, avec le premier ministre. C'est trois de plus que le précédent… et loin des engagements de M. Macron, qui avait plaidé durant la campagne pour un exécutif " resserré ". Une dérive assumée par l'Elysée. " Les renforts correspondent à des sujets annoncés et portés par le président de la République, comme le service national universel ou la lutte contre la pauvreté. Ces nouveaux secrétaires d'Etat seront en mission ", explique un conseiller du chef de l'Etat, n'excluant pas que ces portefeuilles disparaissent une fois le travail achevé.
La principale nouveauté de ce gouvernement, qui conservera le nom de Philippe II puisqu'il n'y a pas eu de démission collective, est l'arrivée de Christophe Castaner à Beauvau. Une promotion importante pour ce fidèle du chef de l'Etat, qui rêvait du poste depuis longtemps et a su créer une relation de confiance avec Edouard Philippe. Mais Emmanuel Macron a décidé de le flanquer d'un professionnel de la sécurité, avec l'arrivée de Laurent Nuñez, l'actuel patron de la DGSI, comme secrétaire d'Etat. " Nuñez, c'est le flic de Macron, comme Péchenard l'était celui de Sarkozy. Les deux vont allier compétence technique et fidélité politique, c'est un bel attelage ", apprécie un soutien du chef de l'Etat.
Pour le reste, M. Macron s'est attaché à respecter, comme le dit Philippe Grangeon, conseiller du président, " scrupuleusement le “en même temps” " sur lequel il a bâti sa victoire en 2017. Son nouveau gouvernement est presque paritaire (il compte 17 femmes et 18 hommes) et ne penche ni plus à droite ni plus à gauche qu'avant. A l'entrée de l'ex-membre du parti Les Républicains Franck Riester, qui remplace Françoise Nyssen à la culture, répond celle de l'ancien socialiste Didier Guillaume, à la place de Stéphane Travert à l'agriculture.
Le MoDem renforcé" Mais ce ne sont pas des débauchages, ils avaient tous les deux soutenu Emmanuel Macron à la présidentielle. On n'est pas dans Sarkoland ", affirme un proche du président. " Le respect de cet équilibre gauche droite est l'une des raisons qui expliquent que ce remaniement a pris du temps ", analyse un conseiller, " en choisissant Riester à la culture, on s'empêchait de mettre un homme de droite aux territoires ". En l'occurrence Dominique Bussereau.
Seul le MoDem se voit renforcé, avec l'arrivée d'un troisième de ses membres, Marc Fesneau, à la place de Christophe Castaner aux relations avec le parlement. La promotion de Jacqueline Gourault à la tête d'un grand ministère de la cohésion des territoires et aux relations avec les collectivités territoriales est aussi une concession accordée par le chef de l'Etat à ses alliés centristes, après les sévères mises en garde de François Bayrou à la rentrée. " Ces mouvements correspondent à la volonté du président de renforcer le pilier de la majorité qu'est le MoDem ", reconnaît-on à l'Elysée. " L'entrée de Riester préfigure l'accord de dynamique majoritaire auquel la République en marche veut parvenir pour les européennes et peut être les municipales ", ajoute également un conseiller du président.
La promotion de Gabriel Attal, l'un des députés LRM les plus en vue, qui sera chargé de mettre en place le service national universel auprès de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'éducation, marque également la volonté de l'exécutif de disposer de membres du gouvernement capables de défendre son action dans les médias, alors que de nombreux ministres issus de la société civile sont accusés depuis le début du quinquennat d'être trop effacés. " Il a un profil généraliste qui va renforcer notre capacité d'expression. Ce sera une sorte de porte-parole supplémentaire ", assume-t-on à l'Elysée. De même, si Franck Riester est légitime à s'occuper de sujets culturels, il est aussi " capable de sortir ", approuve un conseiller de l'exécutif. Même constat pour Didier Guillaume.
Repartir sur de nouvelles basesAvec deux ministres à ses côtés, Sébastien Lecornu aux collectivités locales et Julien Denormandie à la ville et au logement, Jacqueline Gourault aura la lourde tâche de renouer les liens entre le chef de l'Etat et les élus de terrain. " En créant un grand ministère des territoires, Emmanuel Macron montre sa volonté de repartir sur de nouvelles bases avec les collectivités et de réparer des relations qui se sont un peu abîmées ", explique une proche du président de la République. Signe supplémentaire : Jacqueline Gourault sera la seule à avoir la tutelle sur les collectivités locales, alors que cette responsabilité était jusqu'ici partagée avec le ministère de l'intérieur.
Trois femmes jusqu'ici inconnues du grand public font également leur entrée au sein du gouvernement. La députée LRM Christelle Dubos, une ancienne travailleuse sociale, rejoint Agnès Buzyn comme secrétaire d'Etat, afin de l'épauler sur les questions de solidarité. Toutes deux venues du privé, Agnès Pannier-Runacher, actuelle numéro deux de la Compagnie du Rhône et membre active de la campagne d'En marche ! remplace Delphine Gény-Stephann à Bercy, et Emmanuelle Wargon, ancienne directrice de cabinet de Martin Hirsch et actuelle dirigeante de Danone, prend la place de Stéphane Lecornu au ministère de la transition écologique. " Elle aurait pu faire partie du premier gouvernement, c'est une spécialiste de la transformation, qui a toute sa place chez de Rugy ", confie un observateur.
Concernant les sortants, l'Elysée assure que ceux-ci ont été prévenus en amont. Stéphane Travert et Jacques Mézard ont été reçus le 6 octobre par le chef de l'Etat, qui les a informés de sa décision. Le lendemain, ils ont été invités à un " dîner amical " à l'Elysée. " Ils ont continué à faire leur travail, ce qui montre bien qu'il n'y a pas de fâcherie ", se réjouit-on au sein de l'exécutif. Selon nos informations, Stéphane Travert devrait rejoindre LRM pour " travailler à la structuration territoriale " du mouvement. Jacques Mézard, lui, " va retourner au Sénat pour continuer à y élargir la majorité ", assure un macroniste. Même Françoise Nyssen, qui " avait exprimé de la fatigue " selon l'entourage du président, pourrait continuer à jouer un rôle auprès de la majorité. " Emmanuel Macron a toujours du mal à se séparer de personnalités proches ", commente un proche.
Virginie Malingre et Cédric Pietralunga
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17 octobre 2018

Surtout pas une révolution !

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LES CHANGEMENTS
Les entrants
Franck Riester, ministre de la culture
Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Laurent Nuñez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'intérieur
Gabriel Attal, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse
Christelle Dubos, secrétaire d'Etat auprès de la ministre des solidarités et de la santé
Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances
Les sortants
Françoise Nyssen, ministre de la culture
Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation
Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et des finances
Tout ça pour ça ? A force de faire durer l'attente, Emmanuel Macron a fait monter le désir autour du remaniement et pris le risque de décevoir, car il n'y a rien de spectaculaire dans le changement d'équipe annoncé, mardi 16  octobre. Plutôt la -recherche d'un subtil équilibre entre les deux têtes de l'exécutif.
L'intérieur, le ministère phare, reste aux mains d'un proche du président de la République, Christophe Castaner, tandis que la droite modérée, poussée par Edouard Philippe renforce ses positions à la culture et aux relations avec les territoires. S'il faut chercher le vrai changement, il se trouve dans l'évolution des structures ministérielles : la nouvelle ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, une proche de François Bayrou voit son périmètre renforcé et se trouve flanquée de deux ministres, -signe d'un besoin évident de réconciliation avec les élus locaux.
Mais tout cela valait-il treize longs jours d'attente ? Le plus long remaniement de l'histoire de la Ve  République accouche d'une souris et ce n'est pas le moindre paradoxe de cet épisode politique inédit qui a vu tour à tour un ministre d'Etat et un ministre de l'intérieur démissionner contre la volonté du président de la République. Puis, un premier ministre prié de revoir sa copie pendant une longue semaine. Puis, l'Elysée obligé de reporter l'annonce de la composition de la nouvelle équipe pour cause de catastrophe naturelle dans l'Aude. Pour finalement aboutir à un simple communiqué fait pour banaliser à l'extrême ce changement qui n'avait été en rien voulu par Emmanuel Macron.
Surtout pas de révolution ! La posture est étrange pour ce chef de l'Etatqui a brandi l'idée du mouvement comme un talismanmais se trouve empêtré depuis la rentrée dans un inquiétant surplace : rien de ce qu'il avait promis ne marche, l'opinion doute de lui et tout ce qu'il avait réussi à construire sur les ruines de l'ancien système menace de se déliter. Si bien que le plus important pour Emmanuel Macron a été de colmater les brèches sans donner l'impression d'avoir été déstabilisé par les départs successifs de Nicolas Hulot et de Gérard Collomb.
D'où son refus de se laisser déporter sur la droite comme le proposait le premier ministre, Edouard Philippe, avec en point d'orgue cette bataille feutrée autour du poste stratégique de ministre de l'intérieur. L'Elysée a remporté le bras de fer : Beauvau restera entre les mains d'un homme de gauche – Christophe Castaner – qui ne sera pas épaulé par l'ancien sarkozyste Frédéric Péchenard, dont le nom a beaucoup circulé ces derniers jours. Edouard Philippe, et les ministres de droite, avaient eux plaidé pour une personnalité plus emblématique en soulignant que la sécurité restait la préoccupation numéro un des Français et qu'elle serait l'un des thèmes de la campagne des élections européennes de mai  2019. Emmanuel Macron ne l'a pas voulu car cela risquait de le couper définitivement de la gauche et alors adieu son fameux " en même temps " et sa bataille entre " progressistes " et " conservateurs. "
Du coup, l'équation de la rentrée n'a pas fondamentalement changé : le président reste toujours en première ligne et il n'a pas encore trouvé les moyens de renouer le fil avec les Français
par françoise fressoz
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17 octobre 2018

Deux longues semaines de spéculations

Après la démission tonitruante de Collomb, l'exécutif a été contraint de prendre son temps

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Il aura fallu une interminable quinzaine, pour que le tandem Macron-Philippe dévoile son nouvel équilibre gouvernemental après la démission tonitruante de Gérard Collomb. Mardi 16  octobre, à 15  heures, la séance de questions au gouvernement devrait retrouver son cours normal à l'Assemblée, là même où le 2  octobre, Edouard Philippe avait appris en direct le départ de son ministre de l'intérieur, annoncé dans une interview au Figaro. Une éternité qui a alimenté les spéculations et les interrogations. Fallait-il seulement changer de ministre de l'intérieur ? Ou déclencher un mouvement d'une plus grande ampleur en remerciant les maillons faibles du gouvernement avant les élections européennes de mai ?
Mercredi 3  octobre, Edouard Philippe est obligé d'endosser le costume de ministre de l'intérieur et d'assumer une double casquette qu'il allait porter plus longtemps que prévu. Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, annonce, lui, que le changement d'équipe est une " affaire de quelques jours ". Peu à peu, la perspective d'un remaniement large s'impose. Une possible démission du premier ministre est même évoquée, en vue de la nomination d'une nouvelle équipe, toujours conduite par Edouard Philippe. Ce dernier devrait alors en passer par un vote de confiance à l'Assemblée. L'exécutif se donne quelques jours. " Le remaniement sera annoncé en début de semaine " affirme, le 5  octobre, un conseiller de l'Elysée au Monde.
Mais la machine s'enraye. Mardi 9  octobre, une rencontre entre le président de la République et le premier ministre s'éternise. A la sortie, aucune fumée blanche à l'horizon. C'est la même équipe gouvernementale qui se présente à l'Assemblée mardi après-midi et se retrouve en conseil des ministres le lendemain matin à l'Elysée. Le tandem exécutif n'a pas trouvé d'accord. Seule certitude : le premier ministre ne démissionnera pas, annonce l'Elysée.
ReportsUn malaise flotte sur la Macronie. Les absents sur les bancs des ministres à l'Assemblée se font remarquer, comme Jacques Mézard sur le point de perdre son portefeuille à la cohésion des territoires. Il doit malgré tout assurer un déplacement avec le premier ministre à Clermont-Ferrand en fin de semaine. Françoise Nyssen, également partante, défend, elle, le projet de loi " fake news " en nouvelle lecture à l'Assemblée. M. Macron décolle, lui, mercredi pour l'Arménie et repousse la date du remaniement. Le chef de l'Etat souhaite être présent sur le territoire au moment de l'annonce et ne rentrera pas avant vendredi  12 au soir.
Le remaniement est reporté au début de semaine. Il est annoncé pour lundi  15 dans la journée. L'Elysée le confirme le matin même au Monde. Mais des pluies diluviennes se sont abattues sur l'Aude. Le bilan des inondations grimpe à onze morts. Impossible d'annoncer un remaniement dans ce contexte. Nouvelle annonce de l'Elysée : " Le remaniement n'aura pas lieu ce lundi. " Le premier ministre-ministre de l'intérieur se déplace à Trèbes, auprès des sinistrés de l'Aude, annonce qu'une " procédure de catastrophe naturelle accélérée " va être déclenchée. Il rentre à Paris le soir. L'équipe gouvernementale est prête, seul manque le communiqué diffusé mardi à 9 h 30.
Service politique
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17 octobre 2018

Christophe Castaner, le choix de la fidélité pour la Place Beauvau

Proche d'Emmanuel Macron, le patron de La République en marche succède à Gérard Collomb à l'intérieur. Il va quitter ses fonctions à la tête du parti présidentiel

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Il en rêvait. Emmanuel Macron l'a fait. Fidèle parmi les fidèles du chef de l'Etat, Christophe Castaner atteint le poste qu'il convoitait en secret depuis près de deux ans. Le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement a été nommé ministre de l'intérieur, mardi 16 octobre, en remplacement de Gérard Collomb, deux semaines après la décision de ce dernier de démissionner du gouvernement. Il aura pour secrétaire d'Etat l'ancien patron de la DGSI, Laurent Nuñez, un autre proche de M. Macron.
Alors que les noms du ministre de l'action et des comptes publics Gérarld Darmanin, de l'ancien directeur de la police nationale Frédéric Péchenard ou encore du procureur de Paris en partance pour la Cour de cassation, François Molins, circulaient, c'est finalement " Casta " qui a emporté la mise. " Son principal atout, c'est qu'il a envie du job. Et ce depuis longtemps ", confie un de ses proches. A 52 ans, ce macroniste de la première heure est surtout récompensé pour sa totale loyauté envers le chef de l'Etat. Un atout décisif pour s'imposer face à ses deux premiers rivaux, restés proches de Nicolas Sarkozy.
Et une qualité nécessaire pour occuper ce ministère si sensible. Le principal intéressé a lui-même conscience d'avoir été choisi essentiellement pour cette raison. " Beauvau, c'est la loyauté et l'efficacité ", confiait-il au Monde, samedi 29  septembre, lors d'un déplacement à Rennes.
Anticipant la démission de Gérard Collomb, il se projetait déjà : " Quand Collomb partira, le président de la République et le premier ministre vont chercher un profil de deux types. Soit un proche du président suffisamment solide ; soit un grand serviteur de l'Etat, type Alexis Kohler - le secrétaire général de l'Elysée - . " L'ancien maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) se situant lui-même, sans le dire, dans la première catégorie. Depuis sa première rencontre avec M. Macron, en  2013, lorsque ce dernier était alors secrétaire général de l'Elysée et lui député socialiste des Alpes-de-Haute-Provence, M.  Castaner s'est imposé dans le premier cercle du futur chef de l'Etat, en manifestant un soutien sans faille. " Le mec m'avait impressionné de suite. Il connaissait hyper bien ses dossiers ", confiait-il récemment à propos de l'ex-ministre de l'économie, en reconnaissant avoir été " très impressionné " par ce dernier lorsqu'il avait présenté la loi portant son nom en  2015 à l'Assemblée.
Bon soldat de la Macronie" Le bonhomme, on l'aime ou on ne l'aime pas, mais il est phénoménal. Il a une capacité de travail énorme ", déclarait cet ancien rocardien, qui était situé à la droite du PS. Au fil des années, une grande proximité s'est nouée entre les deux hommes, au point que Christophe Castaner – qui tutoie le président – était consulté ces derniers mois sur des sujets hautement stratégiques, bien loin de son portefeuille ministériel aux relations avec le Parlement et de sa charge à la tête de La République en marche.
Bon soldat de la Macronie, " Casta " avait accepté de diriger le mouvement présidentiel il y a près d'un an, tout en gardant sa place au gouvernement. Mais il accomplissait ses responsabilités partisanes plus par devoir – parce que M. Macron le lui avait demandé – que par réel enthousiasme. " Je n'ai jamais eu une -culture de parti ", reconnaissait-il, en ne se projetant pas sur le long terme à la tête de LRM. " On ne s'inscrit jamais dans la durée. Le seul qui dure, c'est le président de la République ", confiait-il. Avec sa promotion à l'intérieur, M. Castaner va démissionner de la tête du mouvement LRM, moins d'un an après en avoir été élu délégué général.
Ceux qui le connaissent bien le savaient : cet homme aussi affable qu'ambitieux avait comme objectif de mettre la main sur la Place Beauvau lors du quinquennat. Prudent, il ne le criait pas sur tous les toits. Mais lorsqu'on lui posait franchement la question de savoir s'il en avait " envie ", ses yeux s'illuminaient. Et ce fils de militaire avouait ne pas dire non. " Je m'interrogerai si la question m'est posée… ", confiait-il dans une litote. Traduction d'un poids lourd de la majorité : " Casta a toujours eu envie d'aller à l'intérieur. Ce qui lui plaît, c'est de monter au gouvernement, et d'être dans une position centrale entre l'Elysée et Matignon, pas de s'occuper du parti. "
Programme plus que chargéDès la campagne présidentielle, l'ex-député du PS s'était positionné sur ce poste, à la suite de son ralliement au candidat Macron. " J'étais monsieur régalien pendant la campagne ", soulignait récemment l'ancien étudiant en droit à la faculté de droit d'Aix-en-Provence, diplômé de sciences pénales et de criminologie. Il avait notamment participé à des débats sur le thème de la sécurité, dont un organisé par l'agence d'information spécialisée AEF, le 28  mars 2017, lors duquel il avait estimé que la police devait reposer sur " trois piliers : l'intervention, le renseignement et la proximité ".
Cela tombe bien : en haut de la pile des priorités du nouveau ministre, en plus de la gestion du risque terroriste, figure la mise en place de la police de sécurité du quotidien (PSQ) et des quartiers de reconquête républicaine (QRR) qui doivent rétablir un lien entre les forces de l'ordre et la population. Porté par Gérard Collomb, le projet peine pour le moment à se concrétiser sur le terrain.
Ce ne sont pas les seuls dossiers brûlants qui attendent le nouveau ministre. Rien que pour le volet sécurité, sont programmés dans les prochains mois un nouveau plan de lutte contre les trafics de stupéfiants, une réforme majeure et complexe des directions des achats et du numérique de la police et de la gendarmerie, un projet de simplification de la procédure pénale en lien avec le ministère de la justice… sans compter les élections syndicales au sein de la police en décembre, moment toujours charnière au ministère de l'intérieur. Pour gérer toutes ces urgences, M. Castaner pourra compter sur son bras droit, Laurent Nuñez, qui connaît par cœur la maison.
Le nouveau ministre sera également jugé sur sa capacité à faire avancer le projet éminemment délicat de la réorganisation de l'islam de France. Si plusieurs rapports ont été rendus ces dernières semaines, une décision politique doit toujours être prise pour mener à bien cette réforme très attendue. Enfin, M. Castaner peut ajouter à son portefeuille déjà bien garni la préparation des deux prochaines séquences électorales, avec les européennes en 2019 et les municipales en 2020. Un programme plus que chargé. " Ce que je vis est extraordinaire ", confiait-il récemment. Il n'avait pas encore tout vu.
Nicolas Chapuis, et Alexandre Lemarié
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17 octobre 2018

Le patron du renseignement, Laurent Nuñez, épaulera le ministre de l'intérieur

Agé de 54 ans, ce préfet dirigeait la DGSI depuis 2017. Il sera chargé des questions de sécurité

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Laurent Nuñez ne sera pas resté longtemps à la tête de la direction générale de la sécurité intérieur (DGSI). Le grand patron du renseignement, nommé en juillet  2017, devient le bras droit de Christophe Castaner, le nouveau ministre de l'intérieur. Nommé secrétaire d'Etat, mardi 16  octobre, il aura la lourde charge de coordonner les services de police, de gendarmerie, ainsi que le renseignement, autant de maisons qu'il connaît bien.
Ce n'est pas la première fois que la carrière de ce préfet de 54 ans connaît une accélération brusque. Dans une autre vie, Laurent Nuñez, fils de pieds-noirs débarqués à Bourges en  1962, en provenance d'Oran, a été inspecteur des impôts, après avoir décroché une maîtrise en droit et un DESS en gestion des collectivités locales. Celui qui rêvait d'être commissaire fait ses premières armes à Bercy.
Laurent Nuñez passe sur le tard le concours interne de l'ENA et intègre la promotion " Cyrano de Bergerac ". Il en sort en  1999 et obtient un poste au ministère de l'intérieur où il est chargé de gérer les carrières préfectorales. Après quelques années et un premier détour par Vesoul (Haute-Saône), il se confronte aux difficultés du terrain en devenant directeur de cabinet du préfet de Seine-Saint-Denis de l'époque, Claude Baland. Une première promotion qui en appellera rapidement d'autres.
" Il faisait l'unanimité "Après Bobigny, changement de décor, direction Bayonne. Au Pays basque, où il restera comme sous-préfet de 2010 à 2012, cet amateur de corrida est amené notamment à gérer la fin du terrorisme basque avec la démilitarisation de l'ETA, comme un avant-goût de ses futures attributions.
En  2012, il est rappelé à Paris où il devient directeur de cabinet du préfet de police, Bernard Boucault. Il y restera jusqu'en  2015. " Il faisait l'unanimité, témoignait en  2017 son patron d'alors. C'est quelqu'un d'opérationnel, qui sait aussi traiter des sujets de fond et a des compétences managériales. "
Laurent Nuñez ne reste jamais plus de deux ou trois ans en poste. Mais partout où il passe, comme à la préfecture de police de Marseille entre 2015 et 2017, il laisse l'image d'un haut fonctionnaire intelligent, compétent, gros travailleur. A Marseille, il a été très actif dans la lutte contre le narcobantitisme, à travers, par exemple, le " pilotage opérationnel renforcé ", destiné au partage du renseignement entre police judiciaire et sûreté départementale.Afin de lutter contre les règlements de comptes, il a encouragé la " méthode proactive " consistant à identifier et faire incarcérer les malfaiteurs susceptibles de commettre ces assassinats en conduisant contre eux des enquêtes pour association de malfaiteurs notamment.
Surtout, M.  Nuñez semble adepte du travail collectif, dans un milieu souvent peu enclin à partager les informations. C'est ce qui lui vaudra d'hériter du prestigieux poste de patron de la DGSI au début du quinquennat d'Emmanuel Macron, en remplacement de Patrick Calvar. Depuis son bureau à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), il se retrouve à la tête d'un service de renseignement fort de plus de 4 000 hommes, en première ligne de la lutte antiterroriste.
Le défi, à l'époque, est déjà de coordonner les différentes forces de sécurité en France qui interviennent pour prévenir les attentats. Une expérience qui lui servira dans son nouveau poste à Beauvau. M. Nuñez peut ajouter à ses atouts une grande connaissance de la maison police et de celle du renseignement, sans pour autant être directement issu de l'une ou de l'autre, ce qui comporte ses avantages. Dans Le JDD, en  2017, il assurait qu'il n'avait, dans sa carrière, " jamais rien demandé ni fait campagne pour quoi que ce soit ". Jusqu'à présent, la méthode fonctionne à merveille.
N. Ch.
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17 octobre 2018

La cohésion des territoires devient une priorité

Emmanuel Macron confie à Jacqueline Gourault le soin de la  réconciliation avec les élus locaux

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C'était devenu une condition sine qua non, un passage obligé pour espérer renouer une relation apaisée entre l'exécutif et les collectivités. Depuis des semaines, les responsables des associations d'élus représentant les collectivités territoriales ne cessaient de réclamer un grand ministère qui soit leur interlocuteur dédié. Ils en avaient assez d'être baladés d'un ministère à l'autre selon les dossiers.
Leur souhait est exécuté. La ministre auprès du ministre de l'intérieur, Jacqueline Gourault, qui avait déjà, dans les faits, récupéré les relations avec les collectivités territoriales, se voit donc dotée d'un ministère à part entière regroupant la cohésion des territoires, précédemment occupé par Jacques Mézard, qui disparaît de l'organigramme gouvernemental, et les relations avec les collectivités territoriales.
Trio très politiqueElle sera épaulée par deux ministres de plein exercice : Sébastien Lecornu, auparavant secrétaire d'Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, qui sera plus spécifiquement chargé des relations avec les collectivités territoriales, et Julien Denormandie, qui passe de secrétaire d'Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires à ministre chargé de la ville et du logement.
Un dispositif en triangle, donc, pour regrouper l'ensemble des dossiers sous le même toit de l'Hôtel de Castries, à un jet de pierre de Matignon. Un trio également très politique. Si Jacqueline Gourault est une fidèle de longue date de François Bayrou, Sébastien Lecornu est un proche du premier ministre, Edouard Philippe, et Julien Denormandie fait partie de la garde rapprochée du président de la République, Emmanuel Macron. Autant dire qu'il n'y aura pas de difficulté à faire remonter les informations.
La première mission de ce trio inédit sera de rétablir une relation de confiance, sérieusement dégradée, avec les collectivités territoriales. Les élus locaux, leurs associations, ont le sentiment d'être stigmatisés, d'" être pris pour des incompétents démagos ", comme le résumait Hervé Morin, le président de Régions de France, lors du récent rassemblement de Marseille, le 26  septembre. Une sensibilité à fleur de peau qui a encore été exacerbée, ces derniers jours, par la campagne #BalanceTonMaire lancée par des militants de La République en marche (LRM) qui invitent à désigner les élus ayant augmenté leur taxe d'habitation. " Une insulte aux élus ", estime le président du Sénat, Gérard Larcher. Le président de l'Association des maires de France (AMF), François Baroin, s'est adressé au chef de l'Etat pour qu'il fasse -cesser " ces insultes populistes de LRM contre les élus de la Répu-blique ".
La tâche va être délicate, mais l'exécutif est conscient qu'il se doit de retisser des liens avec les collectivités et leurs élus. M.  Macron lui-même est déterminé à s'impliquer, comme en témoigne son agenda. Ce mardi 16  octobre, il devait recevoir successivement le président de la région Grand Est, Jean Rottner – il sera notamment question de la future collectivité d'Alsace –, le président de Régions de France, Hervé Morin, puis, dans l'après-midi, le président du Sénat, Gérard Larcher, et celui de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau.
Motifs de contentieuxLes sujets de mécontentement, voire d'incompréhension entre l'exécutif et les collectivités, se sont accumulés ces derniers mois. La contractualisation engagée avec les plus importantes d'entre elles pour parvenir à une maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement est vécue comme une " mise sous tutelle " alors que, par ailleurs, l'Etat continue à accroître leurs charges. Les départements doivent faire face à l'augmentation continue des dépenses de prise en charge des mineurs étrangers isolés arrivant sur le territoire et des dépenses d'allocations de solidarité.
Les régions, quant à elles, déjà furibondes d'avoir perdu la maîtrise de l'apprentissage et de la formation professionnelle, s'inquiètent d'une éventuelle tentation de recentraliser la gestion des fonds européens agricoles de développement rural (Feader), le " deuxième pilier " de la politique agricole. M.  Morin ne manquera pas de redemander des garanties à cet égard lors de son entretien avec M.  Macron, à la veille d'être reçu, avec l'ensemble des présidents de région, vendredi à Matignon par le premier ministre.
Aplanir ces motifs de contentieux, retrouver une relation de confiance sont les préalables au retour des associations dites historiques d'élus dans le cadre de la conférence nationale des territoires, qu'elles ont décidé de boycotter en juillet. L'enjeu est de taille. Car, en toile de fond, se dessine la refonte de la fiscalité locale rendue nécessaire par la suppression définitive, à l'horizon 2022, de la taxe d'habitation. Rien ne pourra être construit durablement sans un accord de l'ensemble des collectivités concernées. La complexité de ce dossier oblige l'exécutif à trouver une solution de consensus. Pour l'heure, on est loin du compte.
Il va donc falloir à ce nouveau ministère aux missions renforcées retrouver la voie du dialogue et de la confiance. Répondre à des demandes urgentes et faire preuve d'écoute. Associer pleinement les collectivités aux choix de politique publique qui entrent dans leurs compétences. C'est ce qui a singulièrement manqué depuis le début du quinquennat, malgré les déclarations d'intention. " C'est un état d'esprit ", expliquent les représentants d'associations d'élus. Les prochains congrès de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France qui se tiendront en novembre devraient permettre de juger si les intentions sont suivies du passage à l'acte.
Patrick Roger
© Le Monde


17 octobre 2018

Julien Denormandie Un fidèle de Macron au logement

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L'élève modèle de la Macronie poursuit son ascension. Jusqu'ici secrétaire d'Etat à la cohésion des territoires, où il officiait dans l'ombre du radical Jacques Mézard, Julien Denormandie, 38 ans, a été nommé -ministre de la ville et du logement, auprès de la ministre de la cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. Un portefeuille qui vient récom-penser une fidélité et un enga-gement jamais démentis auprès d'Emmanuel Macron.
Très proche du chef de l'Etat, qu'il tutoie en privé, le haut fonctionnaire a fait toute sa carrière dans l'administration. Diplômé de l'Ecole nationale des eaux et forêts, l'ingénieur travaille au Trésor lorsqu'il est repéré, en  2012, par Rémy Rioux, le directeur de cabinet de Pierre Mos-covici à Bercy, qui cherche un -conseiller pour le commerce extérieur. Bon connaisseur de l'Afrique – il a passé deux ans à l'ambassade de France au  Caire et fait son stage de fin d'études à Niamey –, le trentenaire obtient facilement le poste.
" Feuille blanche "Depuis l'Elysée, où il conseille François Hollande sur les affaires économiques, Emmanuel Macron repère le jeune homme de deux ans son cadet. Les deux partagent une envie de " remuer la vase " et affichent la même défiance vis-à-vis des hommes politiques. " J'ai vu beaucoup de ministres qui ne travaillaient pas ", dit Julien Denormandie. A l'été 2014, il envisage même de rejoindre le privé avec le futur chef de l'Etat pour monter une start-up d'enseignement à distance.
Finalement rattrapé par François Hollande, qui le nomme ministre de l'économie, Emmanuel Macron embarque naturellement à Bercy son conseiller. " C'est un entrepreneur du public, vous lui donnez une feuille blanche, il se débrouille ", explique Rémy Rioux, aujourd'hui patron de l'Agence française de développement.
Surtout, le haut fonctionnaire -gagne la confiance du futur président de la République. Comme lui, ce père de quatre enfants – le dernier est né -durant la campagne – avale les dossiers au kilomètre, dîne tous les soirs au bureau, ne dort " jamais plus de cinq heures d'affilée "" Il lui ressemble tellement qu'on a du mal à les distinguer ", explique un ex-membre du cabinet de Bercy.
Signe de cette confiance, au printemps 2016, Julien Denormandie est le premier envoyé par Emmanuel Macron pour structurer En  marche !, le parti qu'il vient de créer, au côté d'Ismaël Emelien, autre proche conseiller. " Julien a tenu le mouvement à bout de bras, souligne un ex-cadre. Après la victoire à la présidentielle, c'est aussi le seul qui est resté pour préparer les législatives alors que tous les autres se battaient pour un poste à l'Elysée. "
Lors de son passage à l'hôtel de -Castries, le trentenaire a laissé une impression mitigée, formant un tandem contrasté avec Jacques Mézard. L'un a 70 ans, est rompu à la poli-tique, proche des élus notamment ruraux, tandis que Julien Denormandie apparaît technocrate, presque arrogant et peu familier avec le secteur sauf sur les questions numériques.
Homme de dossiers, il s'est néanmoins plongé dans les arcanes du -logement et a acquis une réelle -maîtrise. Catholique, il montre une certaine sensibilité aux questions de pauvreté, notamment à l'égard des sans-abri.
Mais son bilan est pour le moment décevant. Le fameux " choc d'offre " de construction censé faire baisser le prix des logements se fait attendre : le nombre de permis de construire est en recul de 5 % à fin août sur un an, tout comme la production de logements sociaux. Pourtant, les besoins sont aigus, avec près de 2  millions de demandeurs de HLM, un chiffre en hausse de 10  % sur un an. Les coupes budgétaires infligées aux organismes HLM bousculent aussi le secteur, en pleine restructuration.
Pour autant, Julien Denormandie répète volontiers que son passage en politique est temporaire, et envisage toujours de rejoindre le privé voire de fonder une entreprise : " J'ai deux jambes, une publique, l'autre privée. Je veux continuer à marcher. "
Cédric Pietralunga et Isabelle Rey-Lefebvre
© Le Monde


17 octobre 2018

Marc Fesneau Un pilier du MoDem nommé aux relations avec le Parlement

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Le Mouvement démocrate (MoDem) retrouve une place de choix au gouvernement. Avec Marc Fesneau, nommé mardi ministre auprès du premier ministre chargé des relations avec le Parlement, le parti centriste voit une de ses figures arriver à un poste-clé.
Encore peu connu du grand public, M.  Fesneau, 47 ans, s'est imposé en quelques semaines comme une personnalité qui compte dans la majorité. Le 12  septembre, le président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale avait réussi une prouesse en venant chahuter l'élection annoncée de Richard Ferrand à la présidence de l'institution. Les centristes voulaient alors envoyer un message au parti macroniste, La République en marche, accusée de ne pas assez associer les troupes de François Bayrou, leurs alliés dans la majorité. Surprise : la candidature de M. Fesneau avait réuni 86 voix. Elle avait séduit, au-delà des 46 députés de son groupe, des élus du parti présidentiel.
Discret et affableLa manœuvre a eu plusieurs effets. Elle a d'abord mis la lumière sur cet homme discret et affable. Le coup d'éclat a aussi et surtout fait office d'électrochoc pour LRM, qui a perçu l'agacement de son allié. Dépêché dans le Morbihan pour rassurer les troupes centristes, Christophe Castaner, délégué général de LRM, avait reconnu un " excès d'arrogance " et promis une meilleure collaboration avec le parti de François Bayrou.
La nomination ce mardi d'un nouveau ministre de plein exercice remet le MoDem au cœur de la majorité. Certes, la formation centriste avait déjà deux de ses membres dans l'équipe gouvernementale, Jacqueline Gourault, désormais ministre de la cohésion des territoires, et Geneviève Darrieussecq. Deux femmes qui n'avaient pas réussi à faire oublier les démissions de François Bayrou (justice), Sylvie Goulard (défense) et Marielle de Sarnez (affaires européennes), partis en juin  2017 au bout d'un mois de gouvernement pour cause d'enquête sur des soupçons d'emplois fictifs des assistants au Par-lement européen du MoDem.
Ancien maire du village de Marchenoir, quelque 700 habitants entre Blois et Orléans, M.  Fesneau n'est pas un néophyte en politique. Secrétaire général du MoDem de 2010 à 2017, il a aussi été le collaborateur parlementaire de Jacqueline Gourault pendant une quinzaine d'années, quand celle-ci était sénatrice. En juin  2017, il n'avait exprimé aucune envie de rentrer au gouvernement d'Edouard Philippe. " Non, je ne veux pas. Je ne sens pas le truc ", avait-il dit à François Bayrou, comme le racontait Paris MatchLes temps, semble-t-il, ont changé.
Enora Ollivier
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17 octobre 2018

Françoise Nyssen quitte le gouvernement

Fragilisée par des polémiques, la ministre de la culture n'a jamais réussi à s'imposer

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LE MINISTÈRE DE BUZYN RENFORCÉ
Jusqu'à présent députée LRM de Gironde, Christelle Dubos est nommée secrétaire d'Etat auprès d'Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. L'ex-parlementaire, tout comme les autres secrétaires d'Etat qui font leur entrée dans le gouvernement, n'a pas d'attribution spécifique, mais elle devrait concentrer son activité sur les questions relatives à la solidarité. Agée de 42 ans, Mme Dubos avait été responsable d'un service emplois et solidarité au sein d'une intercommunalité de Gironde, avant d'être élue à l'Assemblée nationale en 2017. Avec cette désignation, Mme Buzyn bénéficie d'un renfort supplémentaire, qu'elle jugera sans doute bienvenu. Début septembre, elle avait confié au Monde : " On aurait peut-être dû faire autrement car on n'avait probablement pas anticipé l'ampleur des chantiers. " Un propos qui faisait référence aux dossiers de la dépendance et de la lutte contre la pauvreté – cette dernière faisant l'objet d'un plan d'action dévoilé par Emmanuel Macron, le 13 septembre.
Quelle ironie du sort pour Françoise Nyssen ! Sa vie d'avant, qui lui avait valu un accueil bienveillant du monde de la culture, a fini par causer sa chute. Son itinéraire d'entrepreneuse à la tête des éditions Actes Sud, qu'elle a développées avec succès à Arles (Bouches-du-Rhône) au côté de son mari, Jean-Paul Capitani, lui revient comme un boomerang pour de vilaines histoires de non-respect des règles d'urbanisme et de protection du patrimoine dévoilées depuis le début de l'été par Le Canard enchaîné. Elle a eu beau se défendre en arguant qu'elle ne s'occupait pas des locaux d'Actes Sud mais de dénicher des auteurs, puis en reconnaissant des " négligences ", rien n'y a fait. La ministre, déjà critiquée pour son manque de charisme et de clarté dans sa politique, aura tenu dix-sept mois à la tête du ministère.
Ces derniers jours, elle était " fâchée " par toutes ces attaques et ne cachait pas à son entourage son sentiment de " vivre une injustice ". La nomination, samedi 1er  septembre, d'Agnès Saal au poste de haut fonctionnaire à l'égalité, la diversité et la prévention des discriminations auprès du secrétaire général du ministère de la culture, deux ans après sa condamnation pour des notes de taxi pharaoniques à l'INA, aura achevé de ternir l'image de Françoise Nyssen.
Jusqu'au dernier jour, elle s'est accrochée, s'est félicitée d'avoir obtenu un budget " préservé " pour la politique culturelle et a mis à son agenda toutes les thématiques qui lui tenaient le plus à cœur : la " culture près de chez vous ", le projet de directive européenne en faveur du droit d'auteur et le développement de l'éducation artistique.
Novice à l'épreuve du pouvoirL'Arlésienne préférait la province à Paris, les rencontres avec les " faiseurs de culture au quotidien " plutôt que les réunions rue de Valois avec les grands opérateurs de la capitale.
Novice à l'épreuve du pouvoir, reconnaissant elle-même être mal préparée à la fonction, Françoise Nyssen a mis du temps à communiquer sur son action et à comprendre la dureté du monde politique. " Elle n'a pas mesuré à quel point la politique est un rapport de force ", constate l'un de ses proches. Piètre oratrice, elle n'a pas convaincu le 7  mars à " La Matinale " de France Inter – répétant sans cesse " il faut réfléchir " – et est restée invisible à la télévision. Elle a aussi dû faire face aux conseillers culture du couple exécutif, Olivier Courson (Matignon) et Claudia Ferrazzi (Elysée), " qui ont été épouvantables avec elle ", témoigne une membre de son entourage, ainsi qu'à la nomination, imposée par Emmanuel Macron, de Stéphane Bern, missionné sur la préservation du patrimoine. Elle a vu partir de nombreux membres de son administration et de son cabinet.
Que reste-t-il à son actif ? Un plan en faveur de l'ouverture plus large des bibliothèques issu du rapport de l'académicien Erik Orsenna (ami du président et de la ministre), l'expérimentation, en  2019, d'un bonus de 15  % dans le cinéma pour les films dont les équipes seront " exemplaires " en matière d'égalité femmes-hommes et surtout la mise en route du projet Passe culture, promesse présidentielle du candidat Macron. Quant à son dada de l'éducation artistique, elle a fini par imposer cette thématique auprès de son homologue à l'éducation nationale.
Sur l'audiovisuel public, Françoise Nyssen a limité la casse : sur ce sujet qu'elle ne connaissait pas du tout et qu'Emmanuel Macron avait miné en critiquant fortement France Télévisions, la ministre a finalement réussi à ne pas se faire court-circuiter par les parlementaires ou par le Comité action publique 2022 de Matignon, pourtant invités à participer à l'élaboration de la réforme. C'est Mme  Nyssen qui dévoilera elle-même – certes un peu tard – la réforme le 4  juin. Au menu : régionalisation accrue de France 3, suppression de la chaîne pour enfants France 4 – puis de celle de l'outre-mer France Ô –, obligation pour l'audiovisuel public d'investir dans le numérique 150  millions d'euros de plus par an à l'horizon 2022, réforme du modèle social de France Télévisions…
Relations tendues avec l'éditionSur le fond, l'approche prônée par la ministre, par certains parlementaires et par les entreprises concernées – se concentrer d'abord sur les missions du secteur plutôt que lui imposer une saignée budgétaire – l'a emporté. Toutefois, il reste beaucoup de chemin avant le vote de la " grande loi audiovisuelle " annoncée par Mme  Nyssen pour début 2019.
Autre camouflet, Françoise Nyssen a appris par un décret publié au Journal officiel du 10  juillet 2018 que " la régulation économique du secteur de l'édition littéraire ", pourtant stratégique rue de Valois, ne relevait plus de ses compétences, mais de Matignon. Tout comme la tutelle exercée sur le Centre national du livre. Ce décret a interdit aussi à la ministre toute décision concernant la maison Actes Sud. Une salve de mesures prise à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui veille aux conflits d'intérêts des ministres.
Les relations entre la ministre et le monde de l'édition ont paradoxalement été particulièrement tendues. La grogne des auteurs a atteint son paroxysme au cœur de l'été. Pendant des mois, les représentants des auteurs ont demandé en vain à la ministre à être entendus sur la réforme des retraites, la hausse non compensée de la CSG et leurs trop faibles revenus. Au point où Joann Sfar, l'auteur de la bande dessinée Le Chat du rabbin, avait assuré le 11  juillet sur France Inter que " l'histoire rappellera que c'est une ministre éditrice qui a massacré les écrivains ". En cette année de quarantième anniversaire d'Actes Sud, Jean-Paul Capitani reconnaissait en privé que, depuis que sa femme occupe le poste de ministre de la culture, " c'est l'enfer ".
Sandrine Blanchard, Alexandre Piquard, et Nicole Vulser
© Le Monde
17 octobre 2018

Franck RiesterUne figure de la droite constructive arrive à la culture

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C'est un soulagement pour Franck Riester. Le député (Agir) de Seine-et-Marne a été nommé,mardi 16  octobre, ministre de la culture et de la communication, en remplacement de Françoise Nyssen. Une reconnaissance pour le travail de longue date qu'il a mené sur les dossiers culturels : M.  Riester a été le rapporteur des projets de loi Hadopi 1 et 2 sur la propriété intellectuelle durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Il a par ailleurs occupé le poste de secrétaire national à la communication au sein de son ancien parti, Les Républicains (LR).
Entrer au gouvernement permet surtout à l'ex-maire de Coulommiers, âgé de 44 ans, de rompre avec une forme d'isolement, après s'être activé depuis le début du quinquennat aux confins de la -majorité, sans jamais vraiment parvenir à être entendu.
Il fallait le voir, le 31  juillet, à la -tribune de l'Assemblée nationale, défendre, d'un côté, le premier -ministre, Edouard Philippe, face aux deux motions de censure déposées contre le gouvernement à la suite de l'affaire Benalla, et se plaindre, de l'autre, du manque de considération de l'exécutif à l'égard du groupe UDI, Agir et indépendants qu'il codirige.
Bande du Bellota-BellotaIl n'est pas tous les jours gratifiant d'animer une baroque " opposition constructive " qui se trouve, selon l'humeur du moment, " ni dans l'opposition ni dans la majorité " ou " et dans l'opposition et dans la majorité "" Ils sont alignés sur Macron ", rit-on plutôt sous cape à l'UDI à propos de ces élus " constructifs " issus de LR.
Franck Riester représente, avec M. Philippe, mais aussi Gérald -Darmanin, Sébastien Lecornu ou encore Thierry Solère, l'un des -acteurs de la bande du Bellota-Bellota, un restaurant espagnol du 7e arrondissement de Paris. Cette coterie d'ambitieux lieutenants de la droite, qui se retrouvait régulièrement dans cet établissement pendant le quinquennat de François Hollande, brûlait d'exercer le pouvoir. En compagnie de Bruno Le Maire, autre convive occasionnel, tous sont passés dans le camp d'Emmanuel Macron après sa victoire en  2017. L'occasion de ne pas replonger dans un nouveau cycle d'opposition, mais aussi de rompre avec LR, un parti trop droitisé au goût de certains.
" J'ai senti que cela basculait quand j'ai vu Jean-François Copé suivre, à partir de 2012, la stratégie de droitisation, de “buissonisation” de Nicolas Sarkozy, raconte Franck Riester. Des digues ont sauté au moment des débats sur le mariage pour tous, puis avec la candidature de François Fillon à la présidentielle. Et, enfin, le ni-ni -exprimé vis-à-vis du Front national et d'Emmanuel -Macron au second tour de la présidentielle en  2017. " M.  Riester, qui a publiquement -revendiqué son -homosexualité, est l'un des deux seuls députés UMP à avoir voté en faveur du mariage pour tous, en  2013.
Après l'élection de M. Macron, la plupart des membres de la bande du Bellota-Bellota ont rejoint le gouvernement ou adhéré à La -République en marche (LRM). Seuls MM. Philippe et Riester n'ont pas grimpé à bord du parti majoritaire – un " fourre-tout " idéologique, regrette le second.
Créé à l'automne 2017, Agir, dont le nom est directement inspiré des initiales d'Alain Juppé, parrain plus ou moins officiel de l'opération, voit grand. " Tout est en place pour que l'on puisse devenir un grand parti politique ", espérait encore ces dernières semaines M. Riester, son président. Il défendait alors l'idée de présenter une liste indépendante aux élections européennes de mai  2019. La question ne se posera finalement pas : le député constructif est devenu ministre.
Olivier Faye
© Le Monde


17 octobre 2018

Gabriel AttalUne étoile montante de la Macronie promue à la jeunesse

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Sa promotion était attendue, tant son nom circulait depuis plusieurs mois pour occuper un poste gouvernemental. C'est désormais officiel : le député La République en marche (LRM) des Hauts-de-Seine Gabriel Attal, 29 ans, a été nommé le 16 octobre secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'éducation nationale.
Tout sauf une surprise : cet ancien socialiste fait figure d'étoile montante de la Macronie depuis le début du quinquennat. Chez les partisans du chef de l'Etat, le jeune loup a très vite été considéré comme le député de la majorité le plus talentueux, avec sa collègue de l'Essonne Amélie de Montchalin.
Un titre officieux, qu'il a su gagner grâce à son sens politique et à son aisance à l'oral. Et surtout, en profitant du vide. Alors que beaucoup de ses collègues du groupe La République en marche, composé à majorité de novices, n'osaient pas prendre la parole en public au début de la législature, lui a très vite crevé l'écran en défendant l'action d'Emmanuel Macron avec un aplomb et une facilité déconcertants pour son jeune âge. Sur deux terrains de jeux principaux : dans les médias et dans l'hémicycle.
" Bon élève "Le chef de l'Etat se retrouve au cœur d'une polémique ? Il n'hésite pas à monter au créneau sur les chaînes d'information pour plaider sa cause. Idem au Palais-Bourbon, lorsque l'opposition attaque l'exécutif ou critique un point-clé du projet présidentiel.
Depuis le début du quinquennat, Gabriel Attal a toujours fait preuve d'une loyauté absolue envers le locataire de l'Elysée, qu'il a décidé de rejoindre dès la création du mouvement En marche ! en  2016. " Je crois en Macron. J'ai une vraie fidélité pour lui car je suis convaincu par la pertinence de son projet ", confiait-il en octobre  2017.
A la différence d'autres députés du groupe LRM, Gabriel Attal dispose d'un accès privilégié à l'Elysée, qui lui dicte les éléments de langage à répercuter dans les médias. Une tâche dont il s'acquitte sans réserve. Au risque d'aller parfois un peu loin, comme lorsqu'il a dénoncé " la gréviculture ", début avril, sur France Inter, à la veille du lancement de la mobilisation des cheminots contre la réforme de la SNCF.
Ce zèle à défendre chaque action du chef de l'Etat lui a permis d'être promu porte-parole du mouvement La République en marche, fin 2017. Cela lui vaut également des critiques au sein de l'opposition, mais aussi chez certains élus de la majorité.
Ses détracteurs raillent son côté " bon élève ", " sans véritable conviction ". Cela ne l'empêche pas de -cultiver une certaine liberté de parole. Ainsi, en mai, il n'avait pas hésité à prendre ses distances avec les propos polémiques de l'ex-ministre de l'intérieur Gérard Collomb, qui avait estimé que les migrants faisaient du " benchmarking " en comparant les pays européens. " Moi, je pense que s'il y a un “benchmark” qui est fait aujourd'hui par les migrants, il est assez simple : c'est mourir chez eux ou survivre ailleurs ", avait-il cinglé.
Mais Gabriel Attal ne s'est pas contenté de faire ce travail de communication. A l'Assemblée, en gardien du temple, il a veillé à la bonne exécution du programme du candidat Emmanuel Macron au poste-clé de " whip " (député coordinateur) de la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Et il s'est investi sur deux autres grands sujets au Palais-Bourbon. En décembre  2017, il a été nommé rapporteur du texte sur la réforme de l'accès à l'université et a travaillé à la réforme de l'audiovisuel public au sein d'un groupe de travail.
Alexandre Lemarié
© Le Monde


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