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samedi 3 novembre 2018

A Blanquefort, Ford fait l'union contre lui...le 17.10.2018





17 octobre 2018

A Blanquefort, Ford fait l'union contre lui

La menace de fermeture de l'usine du constructeur provoque un tollé parmi les syndicats et les élus girondins

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Fermera, fermera pas ? L'angoisse est montée d'un cran parmi les centaines de familles de salariés de Ford-Blanquefort, dans la grande banlieue bordelaise : l'hypothèse d'un arrêt pur et simple du site industriel girondin, vieux de 45 ans, se profile désormais sérieusement.
Lundi 15  octobre, à l'issue d'une réunion avec les représentants des 850 salariés de l'usine Ford et les élus girondins, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, a révélé que le constructeur américain préférait une fermeture sèche du site, alors qu'une solution de continuation de l'activité impliquant un repreneur, la société Punch Powerglide, semblait se  dessiner. " J'ai eu le président de Ford - Europe - vendredi - 12 octobre - au téléphone, a  déclaré M. Le Maire, et il m'a annoncé qu'entre une reprise du site par Punch et la fermeture de l'usine, l'option privilégiée par Ford était la fermeture. "
L'annonce a provoqué surprise et colère. " Ford continue à nous mener en bateau ", s'est indigné Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole et maire de la ville. " Nous ne nous laisserons pas faire ", a protesté Benoît Simian, député (La République en marche, LRM) de la cinquième circonscription de la Gironde. " La position de Ford est indéfendable, a de son côté lancé le ministre. S'ils pensent qu'ils peuvent mettre la clé sous la porte sans que ni l'Etat ni les collectivités locales ne réagissent, ils se trompent ! "
Certes, chacun savait depuis le mois de février que Ford avait la ferme intention de se séparer de cette usine qui fabrique des boîtes de vitesses automatiques, mais la reprise par l'entreprise alsacienne à capitaux belges Punch Powerglide paraissait bien engagée, d'autant plus qu'elle est assortie de promesses d'investissement de 12,5  millions d'euros de la part des collectivités locales et de 5  millions d'euros venus de l'Etat. Punch, qualifié de " repreneur solide " par M.  Le Maire, a déjà réussi une opération similaire près de Strasbourg, en reprenant le même type d'activité à General Motors (GM), en  2013.
" Grain de sable dans la machine "Pour quelle raison la position de Ford semble-t-elle s'être durcie ? Les syndicats de Ford-Blanquefort ont bien leur petite idée. " Ford Europe avait beau dire qu'ils cherchaient un repreneur, on sentait dans toutes les réunions leur intention d'aller doucement vers la fermeture, raconte Jean-Michel Caille, secrétaire général de la CGC du site, et lui-même responsable production et maintenance. Mais l'irruption de la proposition Punch, que l'Etat est allé chercher et que Ford n'attendait pas, a fait l'effet d'un grain de sable dans la machine. "
" Ford préfère fermer l'usine que favoriser la reprise, car cela lui coûte moins cher au global, ajoute Philippe Poutou, délégué CGT du site et ancien candidat NPA à l'élection présidentielle de 2012. Une reprise signifie obligatoirement des engagements de Ford pendant trois ans pour assurer la transition. " En effet, pour que le plan de reprise imaginé par Punch (avec le soutien de l'Etat) tienne la route financièrement, Ford doit s'engager sur des volumes de production jusqu'en  2021.
Cette fin annoncée de Ford-Blanquefort survient dans un contexte européen compliqué pour la marque à l'ovale bleu. Année après année, le groupe américain peine à dégager le moindre profit sur le Vieux Continent, et il a même accusé une perte opérationnelle de 73  millions de dollars (63  millions d'euros) au deuxième trimestre. Le monde de l'automobile bruit des rumeurs de désengagementd'Europe du sixième constructeur mondial, qui pourrait être tenté d'imiter son compatriote GM, lequel a vendu sa marque européenne, Opel, à PSA.
Jim Hackett, le nouveau grand patron depuis 2017, a en tout cas prévenu qu'il n'était plus question d'accepter des foyers de pertes aussi importants. Un plan de restructuration des activités européennes de 11  milliards de dollars a été annoncé en juillet et des modèles de berlines et de monospaces en perte de vitesse vont être abandonnés. Les analystes de Morgan Stanley estiment que Ford pourrait licencier jusqu'à 12  % de ses quelque 200 000 salariés et que ces réductions d'effectifs toucheraient essentiellement le Vieux Continent.
Communication minimalisteDifficile, dans ce cadre, de -convaincre Ford de s'engager pour un site qu'il avait déjà abandonné (en  2009), avant de faire machine arrière en  2011. Mais les élus, ulcérés, ont décidé de mettre le constructeur sous pression. " Si les responsables de Ford ne veulent pas de Punch, qu'ils nous fassent connaître le plus vite possible le repreneur qu'ils ont choisi, propose le député Simian. Une fuite sur la pointe des pieds serait de toute manière inacceptable. " De son côté, Alain Rousset, le président de la région Nouvelle-Aquitaine, souhaite que la Commission européenne soit interpellée afin d'examiner les aides qu'elle verse à Ford Europe.
Mais c'est du côté du ministère de l'économie que l'on s'active le plus. M.  Le Maire a  téléphoné ce week-end au secrétaire américain au Trésor, Steve Mnuchin, et au conseiller économique du président Donald Trump pour " obtenir leur soutien ". Il s'est également entretenu, lundi 15  octobre, avec Jim Hackett. Les deux hommes se sont mis d'accord pour " approfondir les discussions " sur le cas Ford-Blanquefort, fait-on savoir à Bercy.
Du côté de Ford, la communication est minimaliste. " Un comité d'entreprise est prévu mardi 16  octobre à Blanquefort, rappelle un porte-parole. Nous ne pouvons légalement pas nous exprimer sur ce sujet avant d'avoir informé les représentants du personnel. " Quant aux salariés, ils s'apprêtent à repartir au combat lors du comité d'entreprise de mardi. " Les syndicats et une grande partie des salariés sont sur une seule et même ligne : la reprise, dit Jean-Michel Caille. Cela fait presque quarante ans que je suis à l'usine. Mon père a fait partie de ceux qui l'ont ouverte. Je ne voudrais pas me retrouver à la fermer. "
Éric Béziat
© Le Monde

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