Ceux qui espèrent encore obtenir une certaine -indulgence des tribunaux lorsqu'ils transforment sans autorisation leur appartement en meublé touristique ou lorsqu'ils le sous-louent sans l'accord de leur bailleur se trompent : les juges n'hésitent plus à les sanctionner. " Ils considèrent que les gens connaissent désormais la loi ", explique Ian Brossat, adjoint (PCF) en charge du logement à Paris, qui, depuis 2014, tente d'empêcher que la location de courte -durée se développe au détriment de la location d'habitation.
Dans la capitale, le montant -total des amendes que les juges infligent aux propriétaires ayant illégalement changé l'usage de leur logement n'a cessé d'augmenter : 62 500 euros en 2015, 307 500 euros en 2016, 1,3 -million d'euros en 2017. Non -seulement parce que la Ville -traque de mieux en mieux ces contrevenants, non seulement parce qu'elle réclame systématiquement des poursuites à leur encontre, mais aussi parce que les magistrat
s, " surtout en appel ", selon M. Brossat, acceptent d'alourdir ces amendes. Pour que ces dernières soient
" dissuasives ", la Ville demande d'ailleurs systématiquement qu'elles atteignent le maximum prévu par la loi (soit 50 000 euros, depuis le 1er janvier 2018)
.
Autorisation préalableLa Cour de cassation vient, pour la première fois, le 12 juillet (2018), de valider le principe de cette sanction, infligée au -propriétaire d'un appartement du 18e arrondissement de Paris, Etienne X., dans les conditions suivantes : en juillet 2015, la gêne que provoquent les allées et -venues de sa clientèle entraîne une pétition des voisins, et incite le syndic de son immeuble à faire un signalement auprès du Bureau de la protection des -locaux d'habitation de la Ville.
Après enquête, le bureau suspecte M. X. d'avoir loué son -appartement depuis janvier 2013, moyennant quelque 1 500 euros par mois. Pourtant, ce propriétaire ne lui a pas demandé la -permission requise, depuis que la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 a précisé que, dans les zones tendues comme Paris,
" le fait de louer un local meublé, destiné à l'habitation, de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, constitue un changement d'usage ", et que ce changement d'usage est soumis à autorisation préalable.
La Ville de Paris réclame des poursuites à son encontre, et le tribunal de grande instance de Paris, devant lequel elle obtient son assignation en référé, juge, le 3 mai 2016, que l'infraction à la réglementation sur le changement d'usage des locaux d'habitation est
" constituée, de -janvier 2015 à septembre 2015 ". Il condamne Etienne X. au paiement d'une amende de 20 000 euros (soit presque le maximum, alors de 25 000 euros seulement).
Etienne X. fait appel, en soutenant qu'on ne peut rien lui -reprocher puisqu'il n'a pas -procédé lui-même aux locations de courte durée : il s'est en effet contenté de contracter avec la -société Habitat Parisien, qui a sous-loué son bien. La cour d'appel de Paris constate pourtant que le contrat qu'il a passé donne
" autorisation expresse "à
cette société de sous-louer de manière temporaire. Elle juge donc, le 7 mars 2017, que M. X. a consenti ce type de bail
" en toute connaissance de cause " et confirme la sanction. La Cour de cassation l'approuve : elle
considère que le propriétaire enfreint la réglementation en autorisant un tiers à sous-louer son bien sans l'autorisation préalable qu'il lui appartient d'obtenir.
Les juges frappent aussi au -portefeuille ceux qui sous-louent leur appartement sans l'autorisation de leur bailleur, comme le montre l'affaire suivante. En -décembre 2015, Thomas Y. assigne ses locataires, Philippe Z. et sa compagne, devant le tribunal d'instance du 5e arrondissement de Paris. Comme il ne peut obtenir leur départ, bien qu'il leur ait signifié un congé pour reprise, il réclame leur expulsion, mais aussi leur condamnation à lui reverser les 27 000 euros qu'ils ont perçus en sous-louant son appartement. Il fournit pour ce faire un constat d'huissier, prouvant qu'ils ont proposé sur Airbnb ce
" duplex bohème face à Notre-Dame ", au prix de 120 euros la nuit. Or, explique Thomas, cela leur était interdit, contractuellement et légalement : leur bail ainsi que la loi du 6 juillet 1989 prévoient qu'il faut l'autorisation du propriétaire. Le tribunal, qui statue le 27 janvier 2016, lui -accorde l'expulsion, mais lui -alloue seulement 5 000 euros de dommages et intérêts.
RemboursementLes ex-locataires, trouvant que c'est excessif, ont le tort de faire appel. Thomas leur réclame à nouveau le remboursement intégral des sommes perçues, en invoquant cette fois les articles 546 et 547 du code civil. Le premier dit que
" la propriété d'une chose (…)
donne droit sur tout ce qu'elle produit, et sur ce qui s'y unit accessoirement, soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s'appelle “
droit d'accession”
. " Le second dit que
" les fruits civils appartiennent au propriétaire par droit d'accession ". Thomas soutient que les sous-loyers perçus par Philippe et sa compagne sont des
" fruits civils de la propriété ", et qu'ils appartiennent
de facto au propriétaire. La cour d'appel de Paris lui donne raison, le 5 juin (2018). Elle condamne Philippe et sa compagne à le rembourser.
Il arrive – rarement – que certains bénéficiaires de HLM sous-louent leur logement, ou une pièce de celui-ci, pour arrondir leurs fins de mois. Les logeurs, s'ils s'en aperçoivent, demandent aux tribunaux de les expulser. Les juges de première instance se contentent le plus souvent de leur imposer des sanctions -financières (sous forme d'allocation de dommages et intérêts), censées faire office d'
" avertissement ". Mieux vaut alors pour les locataires éviter de faire appel, sous peine de se voir sanctionnés de manière plus radicale.
par Rafaële Rivais
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