Pourfendeur de la pensée unique, François Hommeril ne perd pas une occasion de s'en prendre à Emmanuel Macron. Le président de la CFE-CGC, élu en juin 2016, déteste, selon son expression, qu'on " lui beurre la tartine " et voit, par exemple, dans l'idée qu'on institue une dégressivité des allocations de chômage pour les cadres un " scandale populiste ". Mais pour sa première " université d'automne ", du mardi 9 au jeudi 11 octobre, à Deauville (Calvados), il a laissé ses missiles contre le président de la République au vestiaire et a donné la priorité à la réflexion prospective. " Mettre tout au pire et imaginer le meilleur, a-t-il lancé, et si ce n'était pas la plus courte et la meilleure définition de l'encadrement. Etre finalement l'incarnation du vrai “progrès continu”, cette notion(…)souvent instrumentalisée comme un mode de management par certaines directions quand c'est une raison d'être pour nous. "
Pour cette " université d'automne ", présentée comme un " inter-congrès " – une formule abandonnée depuis la présidence de Paul Marchelli (1984-1993) –, le président de la CFE-CGC a mis la barre haut avec l'ambition d'
" ajouter une brique " au programme de la centrale des cadres pour
" adapter - ses -
valeurs " à un monde qui change. Pendant trois jours, 350 militants ont planché sur
" l'entreprise et ses défis ". A l'ordre du jour : la gouvernance de l'entreprise, le big data et l'intelligence artificielle, les attentes des jeunes pour lesquels, selon M. Hommeril,
" la société a mauvaise haleine ". Une approche prospective qui doit se matérialiser lors du prochain congrès confédéral dans un an à Deauville, où M. Hommeril briguera un -second mandat.
Plusieurs tables rondes ont rythmé cette " université d'automne " : la modernisation de la gouvernance avec Christophe Clerc, un avocat spécialiste du sujet, et Jean-Baptiste Barfety, corédacteur du rapport de Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, et Jean-Dominique Sénard, président de Michelin, qui a été repris (partiellement) dans la loi Pacte ; l'intelligence artificielle et le big data, sur la recherche d'outils
" pour que l'entrepriseconserve son humanité " ; la " génération Z " avec notamment Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences et à l'inclusion par l'emploi ; ou encore le thème de
" l'humain au cœ
ur duprojet de l'entreprise ", avec la participation de financiers et de Vincent Prolongeau, vice-président du think-tank Entreprise et Progrès et président de Continental Foods France, dont l'objectif est de
" faire de l'entreprise un bien commun ".
L'originalité de ces assises était le travail en " ruches " composées paritairement. Pendant quatre mois, 180 " militants-projets " issus des différentes fédérations de la CFE-CGC, en majorité âgés de moins de 40 ans, ont préparé en amont ces travaux qui ont débouché à Deauville sur la mise en place d'une quinzaine de " ruches ", animées par un homme et une femme. La qualité du miel qui en est sorti a contrasté avec la panne d'idées qui a souvent marqué, dans son histoire, les congrès de la CFE-CGC centrés uniquement sur l'élection de ses dirigeants. Sur la gouvernance, les militants ont ainsi réitéré la proposition d'avoir 50 % d'administrateurs salariés dans les conseils d'administration des entreprises. Mais ils ont innové en imaginant
" une instance d'arbitrage et de médiation " qui pourrait aller jusqu'à bloquer des -décisions de la direction. Ils ont aussi fait écho au
" cri d'alarme " de M. Prolongeau sur les difficultés de recrutement.
" Les grandes entreprises, a affirmé le vice-président d'Entreprise et Progrès,
disent qu'elles n'attirent plus les jeunes générations et quand elles les ont elles n'arrivent pas à les garder. Ces générations ont besoin de sens mais elles sont très volatiles. "
" défi permanent "
" Le droit social des donnés reste, pour l'essentiel, à penser, a souligné M. Hommeril.
Et lessyndicats ont un rôle essentiel pour développer cette approche. "" L'exhaustivité du big data, a-t-il insisté dans son discours de clôture,
est un fantasme et vouloir toujours tout connaître jusqu'à prétendre “
capter les émotions”
et le réduire à des chiffres et des moyennes est lemeilleur moyen de ne jamais rien comprendre à rien ni à personne. " Pour le président de la CFE-CGC,
" la valeur du capital humain est dans la diversité des individualités qui le compose. (…) Il faut de la confiance et de la bienveillance pour faire un adulte accompli. L'entreprise peut être ce lieu d'épanouissement. A condition, bien sûr, qu'elle nous propose un projet qui a du sens. "
Face à une société de plus en plus bousculée par l'impact de la révolution numérique et de l'intelligence artificielle, c'est tout le syndicalisme qui est appelé, dans une large mesure, à se réinventer. Pour
" y voir clair " sur l'avenir de l'entreprise et du travail, M. Hommeril a invité ses militants, qui se sont visiblement bien retrouvés, à Deauville, dans cette approche, à relever le
" défi permanent " du collectif.
" L'individualisme, a-t-il martelé, en jetant au passage une petite pierre dans le jardin de M. Macron,
ne garantit rien à personne, sinon que de prendre tout son risque pour soi. Seules les solidarités collectives permettent aux individus des'épanouir. "
D'ici au prochain congrès confédéral, le miel de Deauville va être disséminé dans les syndicats de la CFE-CGC. Les militants n'ont pas manqué de faire écho au reproche qui leur est souvent fait :
" Vous êtes trop gentils, trop complaisants et vous êtes dans le dogme. " Ils ont affiché leur volonté d'
" aller au contact des futures générations de salariés " dans les universités et les grandes écoles. Un vœu déjà maintes fois énoncé mais toujours resté lettre morte.
Michel Noblecourt
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire