Patatras. Le gouvernement comptait bien, au moment où les contribuables reçoivent leur avis d'imposition à la taxe d'habitation, pouvoir communiquer sur les effets -concrets de ses mesures en faveur du pouvoir d'achat. Grâce à l'abattement de 30 % appliqué dès cette année, 80 % des ménages devraient voir leur taxe d'habitation (TH) baisser, en moyenne, de 200 euros. Las, cette dimi-nution est contrecarrée, dans un certain nombre de cas, par les hausses de taux décidées par les communes.
Il n'en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux soient submergés de messages dénonçant la
" propagande " et les
" mensonges " du gouvernement, adressés parfois par des personnalités en vue.
" Elle est où la baisse ? ", s'indignent ceux qui ont vu le montant de leur TH augmenter d'une année sur l'autre, accusant le gouvernement de tromperie. Au mépris de la réalité des faits.
Situations dégradéesDans les faits, oui, la baisse profite bien dès cette année à 18 millions de foyers, hors les 6 millions qui en étaient déjà exonérés ou -bénéficiaient d'abattements. Pas de baisse, en revanche, pour un célibataire dont le revenu fiscal de référence dépasse 28 000 euros, un couple sans enfant ou une personne seule avec un enfant ayant un revenu supérieur à 45 000 euros, le plafond étant augmenté de 6 000 euros par enfant supplémentaire.
A cela s'ajoutent d'autres facteurs de hausse potentiels. Tout d'abord, des changements de situation individuelle. Deuxièmement, la taxe d'habitation est basée sur la valeur locative du logement et réévaluée chaque année. Enfin, et surtout, les communes et les intercommunalités, qui perçoivent les recettes de la TH, ont la liberté d'en augmenter – ou d'en baisser – le taux. Sachant que la baisse progressive, qui sera de 65 % en 2019 puis de 100 % pour les ménages concernés en 2020 sera entièrement compensée pour les communes par un dégrèvement établi sur les taux votés par les collectivités en 2017.
C'est ce qui s'est produit cette année dans 6 027 communes, selon le fichier de recensement des éléments d'imposition à la fiscalité locale (REI) exploité par
Le Figaro du 12 octobre. Soit un peu plus d'une commune sur six ayant décidé d'augmenter leur taux de fiscalité directe. Certaines ont procédé à une hausse de plus de 30 %, comme à Grand-Charmont (Doubs), ou de plus de 20 %, comme à Puget-sur-Argens (Var). Mais ce sont là des cas exceptionnels, dus à des situations particulièrement dégradées.
En moyenne, comme le souligne Gérald Darmanin, le ministre de l'action et des comptes publics, dans un entretien au
Figaro, l'augmentation moyenne de la TH en 2018 s'élève à 0,49 point. Il rappelle qu'en 2017, 7 300 communes avaient décidé une hausse du taux, pour une progression moyenne de 0,73 point. Seules 55 communes de plus de 10 000 habitants ont voté des augmentations de TH. Parmi celles-ci Chantilly, Rambouillet ou Sceaux, qui ne figurent pas parmi les -communes les plus en difficulté.
Le phénomène est donc loin d'être exceptionnel. On assiste plutôt à un mouvement de modération des hausses de fiscalité locale. Et ce pour plusieurs raisons. D'une part, les collectivités ont amorcé une dynamique de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement. D'autre part, en 2018, la baisse de leurs dotations de fonctionnement engagée sous le précédent quinquennat a été stoppée. Enfin, à l'approche des élections municipales de 2020, les élus ont plutôt tendance à éviter d'afficher des hausses d'impôts locaux.
Dimension politiqueIl n'en fallait pas moins pour que l'affaire prenne une dimension politique, du fait de la déflagration entre la communication gouvernementale et les hausses constatées et largement répercutées. Interrogé jeudi 11 octobre au Sénat, Edouard Philippe n'a pas caché son agacement.
" La taxe d'habitation a effectivement baissé pour 80 % des contribuables. Sauf lorsque des communes, informées de ce que la mesure s'accompagnait d'un dégrèvement, ont choisi, librement sans doute, de remonter leur taux, a-t-il défendu.
Chacun assume ses décisions. "
L'épisode est révélateur de la sensibilité sur les questions fiscales et de la perception qu'en ont les contribuables. Il préfigure à moindre échelle ce qui ne manquera pas de se passer début 2019 avec la mise en œuvre du prélèvement à la source. Une opération à haut risque pour l'exécutif car, inévitablement, c'est sur les ratés, les dysfonctionnements, même s'ils ne sont pas substantiellement plus nombreux qu'à chaque collecte annuelle, que se braqueront les projecteurs.
Patrick Roger
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