Ils seront de nouveau mis à contribution. Pour boucler le budget de l'Etat en 2019, les retraités, déjà impactés par la hausse de la CSG décidée en 2017, verront leur pouvoir d'achat diminuer. Même chose pour les familles. A la recherche d'économies pour faire face à une conjoncture économique moins favorable que prévue, le chef du gouvernement, Edouard Philippe, a annoncé, dans un entretien au Journal du dimanche, le 26 août, que les pensions de retraite, les allocations familiales et l'aide personnalisée au logement (APL) augmenteront ces deux prochaines années moins vite que l'inflation. En revanche, une revalorisation des heures supplémentaires interviendra dès 2019 pour les -salariés. " Nous faisons le choix du travail ", martèle le premier ministre.
Un message nuancé lundi matin par le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, qui a dévoilé une série de mesures supplémentaires pour les entreprises.
" Tout le monde sera mis à contribution pour rétablir les équilibres des finances publiques, les entreprises aussi ", a-t-il assuré. De quoi laisser entendre que le social ne sera pas le seul touché, au risque de brouiller le discours général du gouvernement.
L'équation budgétaire est délicate pour l'exécutif. Il s'agit de ficeler le projet de loi de finances pour 2019 en respectant les promesses faites à Bruxelles : contenir le déficit sous les 3 % du PIB, réduire la dette, la pression fiscale et la dépense publique. Et ce alors que, dans le même temps, l'Etat devra faire face à une dépense exceptionnelle de 20 milliards d'euros liée à la transformation du crédit d'impôts pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations sociales pour les entreprises. Sans compter la croissance, qui faiblit. L'an dernier, la bonne santé de l'économie avait poussé l'Etat à envisager une croissance de 1,9 % du PIB en 2019. Dans
Le JDD, Edouard Philippe annonce qu'après le trou d'air du début 2018, l'hypothèse finalement retenue sera de 1,7 %.
Désindexation de certaines prestations sociales Principales cibles du gouvernement, les pensions de retraite, les allocations familiales et les APL n'augmenteront en 2019 et en 2020 que de 0,3 %, soit bien moins que l'inflation attendue par l'Insee à 1,7 % en fin d'année.
" Nous assumons, explique le premier ministre,
une politique de transformation et de maîtrise des dépenses qui privilégie (…) la rémunération de l'activité et qui rompt avec l'augmentation indifférenciée des allocations. C'est par le retour à l'activité et une meilleure rémunération du travail que notre pays sera plus prospère. "
Interrogé, le cabinet du premier ministre a refusé de préciser le montant des économies qui seront ainsi dégagées.
Dans une note interne que s'était procurée
Le Monde en mai, Bercy estimait cependant qu'un gel en 2019 des prestations
" légalement indexées " " pourrait rapporter 3,5 milliards d'euros ". S'agissant non pas d'un gel mais d'une très faible revalorisation, la somme serait forcément moins importante mais ce chiffrage donne un ordre d'idée.
Alors que le plan pauvreté doit être présenté mi-septembre, M. Philippe précise que le RSA ne sera pas impacté. La prime d'activité, un temps dans le collimateur du gouvernement, l'allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse seront quant à eux spécifiquement augmentés, conformément aux engagements de campagne de M. Macron.
Exonération des cotisations -salariales sur les heures sup-plémentaires Cette mesure interviendra au 1er septembre 2019 et concernera le privé comme le public. Il s'agit de revenir à une partie de la loi mise en place par Nicolas Sarkozy en 2007 et abrogée par le gouvernement Ayrault en 2012, mais sans aller jusqu'à une défiscalisation des heures supplémentaires. Dans
Le JDD, M. Philippe, qui évalue le coût annuel de cette mesure à 2 milliards d'euros, estime que, pour une -personne payée au smic, cela -représentera
" en moyenne plus de 200 euros supplémentaires par an ".
Les entreprises sollicitées Un allégement de cotisations patronales de quatre points pour les salaires au niveau du smic qui devait intervenir au 1er janvier 2019 sera reporté au 1er octobre de la même année. Ce qui permettra, selon M. Le Maire,
" d'économiser plus de 2 milliards d'euros ". Les plus -grosses entreprises verseront également un cinquième acompte d'impôt sur les sociétés plus important que prévu. Bénéfice pour l'Etat : 1,3 milliard d'euros attendu l'an prochain.
Réduction des contrats aidés C'était prévisible, le gouvernement ne croit pas aux emplois aidés. Son idée est de miser sur la formation pour permettre aux demandeurs d'emploi d'obtenir un poste stable plutôt que de poursuivre une politique jugée
" pas efficace " par le premier ministre. Alors que 320 000 de ces contrats avaient été budgétés pour 2017, leur nombre a été réduit à 200 000 pour 2018, dont 158 000 ont été réellement ouverts à ce stade. Au 31 juillet, seuls 70 000 ont été signés et les préfets dissuadent aujourd'hui les éventuels utilisateurs d'y recourir. Dans ces conditions, l'Association des maires de France considère que le nombre total de contrats souscrits en 2018 ne devrait guère être supérieur à 150 000. M. Philippe n'a pas précisé combien l'Etat -financerait de contrats aidés en 2019, mais le chiffre de 100 000 est régulièrement évoqué.
Postes de fonctionnaire en moins C'est un autre moyen de réduire la dépense publique : 4 500 postes seront supprimés en 2019 dans la fonction publique d'Etat. Mais le chef du gouvernement confirme que la promesse d'Emmanuel Macron, qui porte sur un total de 50 000 emplois d'ici à 2022, sera tenue. Après seulement 1 600 postes supprimés en 2018, la cible paraît difficilement atteignable, mais M. Philippe assure
" qu'en 2020, le chiffre sera supérieur à 10 000 ".
Des questions restent à trancher Le premier ministre a renvoyé certains sujets aux partenaires sociaux qui seront reçus du 29 août au 4 septembre à Matignon. Ces derniers auront deux chantiers à mener : la santé au travail et l'assurance chômage. Sur ce dernier point, l'ancien maire du Havre assure n'avoir
" ni tabous ni présupposés ", notamment sur la dégressivité des allocations-chômage. Quant à la prise en charge des arrêts maladie de courte durée par les entreprises, à laquelle le gouvernement réfléchissait cet été, M. Philippe indique écarter
" l'hypothèse d'une mesure brutale de transfert vers les entreprises ", précisant cependant que
" cela ne peut pas durer ".
Le déficit pourrait de nouveau augmenter Alors que le déficit pour 2018 s'annonce plus important que prévu – au moins 2,6 % du PIB alors que le gouvernement tablait sur 2,3 % –, l'objectif pour 2019 (-2,3 % du PIB) paraît inatteignable. Dimanche, le premier ministre a d'ailleurs préféré ne confirmer aucun chiffre pour l'an prochain. Evoquant
" un rebond du déficit " du fait de la transformation du CICE, il a précisé que
" si la croissance ralentit, il y aura forcément un impact ". Autrement dit, le déficit, tant qu'il ne dépasse pas 3 % du PIB, risque de dériver un peu.
L'opposition n'a pas tardé à -réagir, ciblant le coup de rabot sur les prestations sociales.
" Au lieu d'assumer enfin des économies courageuses sur le train de vie de l'Etat, a réagi, dimanche, Laurent Wauquiez, le président du parti Les Républicains
, on vient de nous annoncer que c'est à nouveau dans la poche des classes moyennes que l'on va chercher des efforts. " Valérie Rabault, à la tête du groupe Nouvelle Gauche à l'Assemblée nationale, a sorti sa calculette. Selon elle, la désindexation des retraites associée à la hausse de la CSG représentera
" une perte de pouvoir d'achat de 578 euros par an pour un retraité qui a 1 300 euros de retraite par mois ".
" Et pour une retraite à 2 000 euros, 888 euros ", affirme-t-elle. Des calculs que ne conteste pas Amélie de Montchalin, députée LRM de l'Essonne, mais qui, assure-t-elle, seront compensés par la suppression progressive de la taxe d'habitation. Pour M. Le Maire, les retraités
" ne seront pas perdants ", mais
" leur pension de retraite sera revalorisée moins vite ", a souligné sur RTL le ministre de l'économie.
Les choix budgétaires du gou-vernement
" étonne - nt - " Bruno Palier, directeur du laboratoire -interdisciplinaire -d'évaluation des politiques publiques de Sciences Po Paris.
" On attendait l'Etat-providence du XXIe siècle annoncé par Emmanuel Macron, mais il n'y a pas de grand dessein, pas d'architecture d'ensemble pour la protection sociale, juge le chercheur.
On a un premier ministre qui, comme d'autres, est à la recherche d'économies pour faire baisser la dépense publique afin de stimuler la croissance. "
Raphaëlle Besse Desmoulières, et Benoît Floc'h
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire