Ce mardi 26 juin, les épreuves du bac à peine terminées, les lycéens sans réponse la veille du début des épreuves – ils étaient 21,5 % – vont de nouveau scruter leur compte avec angoisse. Une attente compliquée, d'autant plus quand ils ne comprennent pas toujours les critères qui ont pu les faire dégringoler dans les listes d'attente des universités.
Outre le dossier scolaire, le fait de ne pas être originaire de -l'académie de la licence demandée peut jouer en défaveur du candidat. C'est une nouveauté de la réforme de l'accès à l'université : désormais, les rectorats fixent, pour chaque licence, un taux maximum de candidats " extra-académiques ".
Frédérique Vidal, la ministre de l'enseignement supérieur, a régulièrement martelé cette nouveauté.
" Contrairement à Parcoursup, APB n'autorisait pas le changement d'académie et les jeunes étudiant à Créteil étaient priés de rester à Créteil. Parcoursup autorise ce changement ", avait-elle déclaré sur LCI, le 4 juin.
" Concurrence déloyale "Pourtant, ces quotas géographiques sont à l'origine d'accusations de discrimination lancées par des lycéens de banlieue parisienne contre Parcoursup, dès la fin du mois de mai : la plate-forme les aurait évincés des filières de Paris intra-muros. L'opacité autour des règles de définition de ces pourcentages, qui varient selon les académies, n'a pas aidé à contredire ces craintes. 70 % de candidats extra-académiques en licence de sciences du langage à Paris-Descartes, 25 % en sociologie à Chambéry, mais seulement 1 % en droit à Nanterre…
Derrière ces chiffres, il faut décrypter les choix politiques des rectorats – et les ambitions des formations. Comment assurer une place à tous les lycéens de son territoire ? Comment leur permettre d'accéder aussi aux licences qui n'existent pas dans leur académie ? Jusqu'où ouvrir les portes sans risquer de déposséder les autres académies de leurs meilleurs bacheliers ?
En Ile-de-France, les discussions ont été ardues.
" Nous demandions un taux de 50 %, on nous a donné 15 %, c'est insatisfaisant, estime François-Guy Trébulle, à la tête de l'école de droit de la prestigieuse Paris-I-Panthéon-Sorbonne, dont la moitié des 14 000 candidatures venaient de l'extérieur de l'académie parisienne.
On a dit aux jeunes qu'avec cette réforme, ils pourraient sortir plus facilement de leur académie, mais pour assurer la place aux lycéens parisiens, on a préféré jouer la prudence. "
Un taux qui paraît néanmoins particulièrement élevé pour -certains de ses collègues des universités situées de l'autre côté du périphérique.
" C'est de la concurrence déloyale, Paris peut évi-demment aspirer les meilleures candidatures ", regrette Aurore Chaigneau, enseignante-chercheuse à Nanterre en droit, où le taux de 1 % d'étudiants " hors -académie " a été fixé, alors même que 36 % de ses candidatures -venaient de l'extérieur.
Officiellement, les taux des trois académies franciliennes (Paris, Versailles, Créteil) ont été déterminés selon les candidatures reçues par chaque licence, et en fonction des taux de pression. Une explication qui donne du grain à moudre à ceux qui accusent la réforme de renforcer la concurrence entre universités.
Si l'Ile-de-France catalyse les problématiques de concurrence, du fait de la concentration des établissements et des étudiants, la question n'est pas loin de se poser dans les mêmes termes en régions.
" L'aspiration des meilleurs par les universités qui ont largement ouvert leur porte est aussi une crainte chez un certain nombre d'universités de province ", -témoigne Joël Alexandre, à la tête de l'université de Rouen. Ici comme ailleurs, les quotas de candidats extérieurs ont été fixés le plus bas possible, afin d'assurer prioritairement une place à ceux de l'académie.
Frontière adaptéeLa mesure ne sera pas inutile, car la promesse de mobilité semble avoir été bien entendue chez les lycéens : l'université normande a reçu plus de 40 % de candidatures venant de l'extérieur – entre autres de jeunes Franciliens – en première année commune aux études de santé (Paces) ou encore en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps). Dans d'autres universités, on admet aussi une autre " utilité " à ces taux très bas, moins avouable : celle de ne pas avoir à " récupérer " les moins bons bacheliers, évincés de leur académie dans les formations en tension.
Dans certains établissements, il a parfois fallu " faire avec " ces taux basés sur un découpage -administratif éloigné des réalités du territoire. A défaut de pouvoir jouer finement avec le pourcentage d'extra-académiques pour accueillir des étudiants situés juste derrière la frontière de -l'académie, la définition de celle-ci a été adaptée.
" Pour les universités lyonnaises, le secteur de recrutement de plusieurs -for-mations dépasse l'académie ", rapporte ainsi la rectrice, -Marie-Danièle Campion.
" Dans un souci de proximité ", l'Isère et la Savoie, deux départements limitrophes de l'académie de Grenoble, ont été intégrés comme cela était le cas sur APB.
Chaque académie, université, voire formation, utilise ainsi comme elle le peut, ou le veut, ces nouveaux taux de candidats hors académie arrêtés par les rectorats. Cette diversité des pratiques apparaît, de plus en plus, comme une caractéristique de la nouvelle procédure Parcoursup, mais elle ne fait pas l'unanimité.
" Nous attendons une politique de régulation nationale ", dit Virginie Laval, vice-présidente chargée des formations à l'université de Poitiers.
Séverin Graveleau, et Camille Stromboni
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