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jeudi 29 mars 2018

Les prisons rebelles de la Ghouta commencent à livrer leurs secrets


29 mars 2018

Les prisons rebelles de la Ghouta commencent à livrer leurs secrets

Le groupe insurgé syrien Jaych Al-Islam détient un nombre important de prisonniers, dont des femmes et des enfants

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ASSAUT EN PRÉPARATION CONTRE DOUMA
D'importantes forces prorégime se massent aux abords de Douma, la dernière poche de la Ghouta orientale, où les rebelles n'ont pas rendu les armes. Un nouvel assaut pourrait y être lancé. Des négociations ont été menées au cours des derniers jours entre des représentants russes et le groupe islamiste Jaych Al-Islam, qui domine la ville. Ces pourparlers visaient à obtenir un arrangement local, pour les combattants et les civils. Mais, -selon une source informée, Moscou aurait fini par refuser qu'un grand nombre d'insurgés demeurent aux portes de Damas.
Les évacuations de civils et de combattants se sont poursuivies, mardi 27 mars, depuis les territoires de la Ghouta orientale -reconquis par l'armée, au prix d'une sanglante offensive qui a fait plus de 1 600 morts. Plus de 17 000 personnes ont déjà été évacuées vers le nord de la Syrie.
Les prisons tenues par les rebelles de Jaych Al-Islam, dans la région de Douma, ont longtemps été un sujet tabou parmi les habitants de la Ghouta orientale, par peur de représailles de la part du puissant groupe armé. Avec courage, des militants de l'opposition ont toutefois dénoncé ses méthodes d'intimidation et sa pratique de la torture. Au fil des ans, des dissidents ou des combattants de factions rivales ont échoué dans les geôles, officielles ou clandestines, du groupe. D'autres prisonniers, assimilés au régime, y ont aussi été incarcérés.
Avec la reprise de la Ghouta orientale par le régime, ces prisons pourraient désormais livrer une partie de leurs mystères. Mais seul le sort des militaires et des civils, dont des femmes et des enfants enlevés en zone loyaliste, a fait partie des récentes négo-ciations entre les Russes et Jaych -Al-Islam. Les familles de ces prisonniers espèrent voir l'heure de vérité se rapprocher : des proches expriment sur les réseaux sociaux leur frêle espoir de retrouvailles, après des années d'impuissance. D'autres font le guet, fébrilement, aux abords de la Ghouta orientale, dans l'attente de voir réapparaître les détenus.
Dans des cagesLes portes des prisons ne se sont, pour l'instant, ouvertes que dans d'autres parties de l'enclave rebelle, où se poursuivent les évacuations vers le nord du pays de combattants insurgés et de civils qui refusent une " réconciliation " avec le régime. A l'exception de la ville de Douma, menacée d'un nouvel assaut, l'armée a pris le contrôle de la totalité de la Ghouta orientale, après une violente offensive qui a fait plus de 1 600 victimes civiles, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Lundi 26  mars, 28 personnes, soldats du régime ou civils, ont été libérées des geôles tenues par d'autres groupes rebelles.
Mais c'est à Douma que se trouve le plus grand nombre des prisonniers " loyalistes ". Il s'agit des " kidnappés d'Adra " – des membres des services de sécurité, des fonctionnaires, leurs familles, ou d'autres civils enlevés en  2013 par les groupes rebelles au terme d'une attaque contre cette ville et sa cité ouvrière -adjacente, proches de Douma – et d'autres prisonniers de guerre. Les médias prorégime accusent Jaych Al-Islam d'avoir refusé de relâcher ces détenus, au cours des récentes négociations.
Si les rebelles islamistes de Douma ont gardé aussi longtemps les civils enlevés à Adra," c'est en partie pour des motivations confessionnelles : beaucoup de ces prisonniers sont alaouites - la communauté dont est issu -Bachar Al-Assad - , analyse Ammar Ziadeh, rédacteur en chef du journal syrien en ligne Enab Baladi, pro-opposition.Jaych Al-Islam escomptait aussi s'en servir comme monnaie d'échange, alors qu'un certain nombre de civils étaient de familles d'officiers ou des employés de l'Etat ".
En territoire loyaliste, les critiques ont fusé contre les autorités, accusées de faire trop peu pour ces prisonniers. " Par le passé, les tentatives de négociations ont surtout porté sur les officiers et les combattants, affirme un expert syrien critique du régime.La mobilisation des familles, il y a quelques années, y compris à Damas, a été vue d'un mauvais œil par le gouvernement, qui ne -voulait pas de cette visibilité publique et souhaitait s'afficher comme le seul interlocuteur. "
Selon le Centre de documentation des violations en Syrie, Jaych Al-Islam est l'un des deux groupes insurgés qui a amassé le plus grand nombre de prisonniers au fil des ans. Les chiffres restent -difficiles à déterminer avec exactitude. Mais le nombre de ces détenus, opposants locaux ou partisans loyalistes, est toutefois lar-gement inférieur à celui des prisonniers qui croupissent dans les geôles du régime.
Par leurs propres canaux, des familles des " kidnappés d'Adra " ont pu avoir de rares contacts téléphoniques avec leurs proches dans la Ghouta orientale. Les témoignages d'ex-prisonniers, relâchés au terme d'échanges entre régime et rebelles par le passé ont aussi permis de se faire une idée du calvaire de ces captifs.
Femmes et enfants ont été séparés des hommes. Une partie d'entre eux ont été utilisés pour creuser les tunnels gérés par les rebelles, dans la zone assiégée par le régime. D'autres ont été soumis à la torture. Des prisonniers, soldats ou civils, avaient aussi été placés dans des cages, dans les rues, par Jaych Al-Islam en  2015 : le groupe affirmait vouloir s'en servir comme boucliers humains, alors que la Ghouta orientale était violemment bombardée.
Aujourd'hui, parmi ces détenus, des dizaines, voire des centaines de femmes et d'enfants issus de minorités religieuses seraient encore dans les mains de Jaych Al-Islam. Alors que la victoire est acquise pour le camp du gouvernement dans la Ghouta orientale, le sort des " kidnappés d'Adra " est revenu à la " une " des médias prorégime, qui ont plusieurs fois annoncé des libérations imminentes. " Les autorités ont des gages à donner à leur base, dit un habitué des cercles du pouvoir syrien. La question des détenus est très sensible parmi les loyalistes. "
Laure Stephan
© Le Monde

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