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dimanche 25 mars 2018

La justice assène un rude coup à l'indépendantisme catalan


25 mars 2018

La justice assène un rude coup à l'indépendantisme catalan

Cinq dirigeants séparatistes ont été placés en détention provisoire

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La justice espagnole a assené un coup très dur à l'indépendantisme catalan en décidant, vendredi 23  mars, de placer en détention provisoire cinq de ses principaux dirigeants, dont le candidat à la présidence de la région, Jordi Turull. Ils sont accusés d'avoir organisé la tentative de sécession de la Catalogne, le 27  octobre 2017. Le juge de la Cour suprême a notamment écroué l'ancienne présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell, et trois anciens " ministres " du gouvernement régional – Raül Romeva, Josep Rull, et Dolors Bassa. Ils ont rejoint quatre autres responsables séparatistes, dont l'ancien vice-président Oriol Junqueras, incarcérés depuis le 2  novembre 2017 à Madrid.
C'est tout le noyau dur de l'indépendantisme et de ses deux formations principales, Junts per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) et la Gauche républicaine (ERC), qui se retrouvent désormais derrière les barreaux ou en " exil " avec le président déchu Carles Puigdemont – ce dernier est installé en Belgique depuis cinq mois. Marta Rovira, la numéro deux d'ERC, qui, à la surprise de tous, a préféré quitter le pays vendredi plutôt que de risquer la prison, se serait pour sa part rendue en Suisse, selon les médias espagnols.
" Détermination violente "Dans un arrêt méthodique de 70 pages, le juge Pablo LLarena a longuement justifié des poursuites pour rébellion contre treize des vingt-cinq inculpés, une charge pouvant déboucher sur des peines allant jusqu'à trente ans de prison. En encourageant " des centaines de milliers de sympathisants " à résister à la police pour permettre le référendum d'autodétermination du 1er  octobre 2017, déclaré illégal par Madrid, les responsables catalans auraient cherché, selon le magistrat, à faire capituler l'Etat " face à  la détermination violente " d'une partie de la population.
Certains ont également été accusés de détournement de fonds et enjoints de verser, en tout, 2,1  millions d'euros, en remboursement des dépenses engagées pour l'organisation du référendum. D'autres seront jugés pour désobéissance à l'Etat. Ils peuvent faire appel et la date du procès n'a pas encore été fixée.
Le juge a expliqué son ordre de détention provisoire en estimant que le risque de fuite était " élevé au regard de la peine encourue ". Il a également émis des mandats d'arrêt européens et internationaux contre les six dirigeants enfuis, dont Carles Puigdemont.
En Catalogne, des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre la décision judiciaire. Elles ont brûlé des photos du roi Felipe VI en réclamant la" liberté pour les prisonniers politiques ". A Barcelone, vingt-quatre manifestants ont été blessés légèrement dans des heurts avec la police régionale, selon les services de secours. Les rassemblements avaient été convoqués la veille par la puissante Assemblée nationale catalane et les Comités de défense de la République, plus radicaux.
A peine vingt-quatre heures avant la comparution des responsables séparatistes devant la Cour suprême, et voulant prendre de court la justice espagnole, les partisans de l'indépendance avaient essayé d'investir Jordi Turull président de la Catalogne en improvisant une séance parlementaire dans la soirée du jeudi 22  mars.
L'ancien porte-parole du gouvernement catalan avait été libéré sous caution début décembre  2017, après avoir accepté la suspension de l'autonomie de la région par Madrid. Il était censé s'abstenir de toute activité politique, comme trois autres dirigeants également placés en détention préventive puis relâchés.
MainmiseFinalement, la Candidature d'unité populaire (CUP), un groupe anticapitaliste ultra-séparatiste, a décidé à la dernière minute qu'elle ne soutiendrait pas un candidat jugé trop proche de la vielle garde nationaliste catalane et de son chef historique, Jordi Pujol, éclaboussée par de nombreuses affaires de corruption.
Se sachant vaincu d'avance, Jordi Turull a lancé sans grande conviction des appels au  dialogue avec Madrid lors d'un discours morne où il n'a parlé ni d'indépendance ni de république. Sa candidature a été rejetée par 64 voix contre 65, toutes celles de l'opposition, droite et gauche confondues. Un second tour, purement symbolique, devait se tenir au  Parlement, samedi 24  mars.
C'est la CUP qui, en janvier  2016, avait permis l'investiture de Carles Puigdemont, alors maire de Gérone, après avoir rejeté la candidature du nationaliste conservateur Artur Mas. C'est elle qui bloque maintenant les espoirs de deux grandes formations séparatistes de gouverner la Catalogne, car elles ne demandent plus ouvertement la rupture unilatérale avec Madrid, soucieuses de ne pas risquer d'aggraver les poursuites judiciaires contre leurs responsables.
Sans le soutien de la CUP, qui dispose des quatre voix leur assurant la majorité absolue (70  députés sur 135), Junts Per Catalunya et la Gauche Républicaine ne disposent que de 66  voix ; 64 en réalité car ni Carles Puigdemont ni l'un de ses anciens conseillers, Toni Comin, qui s'est aussi enfui en Belgique, n'ont renoncé à leur siège de député ; le faire redonnerait un certain avantage aux sécessionnistes mais M.  Puigdemont risquerait alors de perdre la mainmise sur un processus où il s'estime incontournable.
Les indépendantistes n'ont plus que deux mois pour essayer de trouver un nouveau candidat. Selon le calendrier parlementaire si d'ici au 22  mai, la Catalogne n'a toujours pas de président, de nouvelles élections devront être convoquées en juillet. L'autonomie de la région restera suspendue tant qu'il n'y aura pas de gouvernement.
Isabelle Piquer
© Le Monde

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