Ils ont finalement trouvé un accord. Après des jours de guerre des nerfs et de signaux contradictoires, ponctués d'éclats de voix et de menaces – vite oubliées – de rupture définitive, les deux grands vainqueurs du scrutin du 4 mars, la droite et le Mouvement 5 étoiles, sont parvenus à se répartir équitablement les postes de présidents de la Chambre des députés et du Sénat italiens, samedi 24 mars à la mi-journée.
Maria Elisabetta Alberti Casellati, 71 ans, a donc été élue présidente du Sénat, avec 240 voix (sur 315). Quelques minutes plus tard, c'est Roberto Fico, 43 ans, qui recevait la présidence de la Chambre des députés, avec 422 voix (sur 630).
Magistrate de formation, parlementaire depuis 1994 et par deux fois secrétaire d'Etat à la présidence du conseil de Silvio Berlusconi (un rouage particulièrement important dans l'appareil de gouvernement italien), Maria Elisabetta Alberti Casellati est une proche du fondateur de Forza Italia.
Ce choix, entériné par toutes les composantes de la coalition de droite au terme d'une nuit de tractations, est une bonne manière envers l'ancien président du conseil, alors que les derniers temps ont surtout démontré l'extrême faiblesse de sa position. Par ailleurs, le symbole de renouvellement est parfait : Maria Elisabetta Alberti Casellati est également la première femme à occuper le poste de président du Sénat.
Faiblesse des partis traditionnelsQuant à Roberto Fico, c'est un des partisans de la première heure du Mouvement 5 étoiles (M5S) et, auprès de sa base militante, le garant d'une certaine pureté originelle teintée d'activisme, assez éloignée de la " normalisation " incarnée par le très lisse Luigi Di Maio. Originaire de Naples, c'est là qu'il a fondé, en 2005, l'un des quarante " meetup des amis de Beppe Grillo ", qui seront la matrice originelle des 5 étoiles.
Elu à la Chambre en 2013, il a obtenu la présidence de la commission de surveillance de la RAI, ce qui lui a offert une très importante visibilité. Dans son discours de victoire, Roberto Fico a affirmé, fidèle au programme de toujours des 5 étoiles, que sa priorité serait de ramener le traitement des députés à 2 500 euros par mois.
Après avoir annoncé la décision des 5 étoiles d'accepter les termes du marché, samedi matin, à l'issue d'un sommet tenu en présence du cofondateur du mouvement, Beppe Grillo, dans un grand hôtel romain, Luigi Di Maio n'a pas manqué de préciser qu'il s'agissait de tout sauf d'un accord de gouvernement avec Matteo Salvini, le chef de la Ligue, arrivée en tête au sein de la coalition de droite. Reste que, dans l'exercice, les deux hommes forts du moment ont montré qu'ils pouvaient se comporter en acteurs responsables, mettant en lumière du même coup la faiblesse des partis traditionnels dans la législature qui s'ouvre.
L'autre enseignement, sans doute le plus essentiel, concerne le rapport de force interne à la coalition de droite, qui revendique toujours, malgré l'étendue de ses désaccords, la charge de former le prochain gouvernement. Depuis plusieurs jours, Matteo Salvini avait en effet donné son accord pour que le président du Sénat soit issu de Forza Italia.
Mais, alors que le candidat choisi par Silvio Berlusconi, Paolo Romani, se heurtait à un veto des 5 étoiles, ce qui rendait impossible son élection, Matteo Salvini a tenté de choisir le sien au sein du parti berlusconiste, sélectionnant ainsi Anna Maria Bernini, qui sera forcée de renoncer d'elle-même au poste, alors qu'elle était en passe d'être élue sans l'accord de son propre parti…
Silvio Berlusconi a finalement obtenu gain de cause, et a pu choisir " sa " candidate, à force de menaces de rupture. Mais, entre les deux hommes, le message est clair : Matteo Salvini se considère comme le seul leader de la droite, et il n'entend partager le pouvoir avec personne. Luigi Di Maio l'a par ailleurs aidé dans cette entreprise en refusant tout net, ces derniers jours, les offres de dialogue émanant de Forza Italia.
Quant au Parti démocrate (gauche), grand perdant du scrutin, il ne s'est pas mêlé aux discussions. Rien ne dit pour autant qu'il en sera de même lors des tractations pour la formation du prochain gouvernement, qui commenceront officiellement le 3 avril, sous la direction du président de la République, Sergio Mattarella. Des négociations autrement plus complexes s'annoncent. Si, vendredi et samedi, il y avait deux présidences à se répartir, il s'agira désormais de pourvoir un poste unique, celui de président du conseil.
Jérôme Gautheret
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