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samedi 24 mars 2018

Affaire Skripal : l'UE serre les rangs sans sanctionner la Russie


24 mars 2018

Affaire Skripal : l'UE serre les rangs sans sanctionner la Russie

Les dirigeants européens ont rappelé leur ambassadeur à Moscou

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Theresa May, la première ministre britannique, n'a sans doute pas obtenu le soutien totalement inconditionnel qu'elle recherchait, jeudi 22  mars, à Bruxelles, où étaient réunis les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE). Ceux-ci ont toutefois condamné " dans les termes les plus forts possible " l'empoisonnement, le 4  mars, de l'espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Youlia, à Salisbury, dans le sud de l'Angleterre.
Le texte commun parle de l'implication " très probable " de la Russie dans ces actes. Les dirigeants ont, enfin, décidé de rappeler, " pour consultation ", l'ambassadeur de l'UE à Moscou. Une mesure évidemment très symbolique. " L'exercice était délicat : il fallait envoyer le message le plus net possible sans créer notre désunion ", résumait un diplomate. Or, celle-ci menaçait bel et bien.
A son arrivée, Theresa May s'était voulue offensive en qualifiant l'épisode de Salisbury d'attaque " effrontée et téméraire " d'un Etat qui " ne respecte pas les frontières ". Elle serait, dit-elle, un élément d'une stratégie plus large visant à agresser l'Europe et ses voisins proches, " des Balkans occidentaux au Moyen-Orient ".
Partenaire " difficile "Mme May a eu, avant le Conseil, une conversation avec le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel. Histoire de maintenir une ligne commune et de tenter de rallier les pays réticents à l'expression d'un message " fort et uni ", selon la formule de la diplomatie allemande, elle-même assez ambiguë. Le ministre des affaires étrangères d'Angela Merkel, le social-démocrate Heiko Maas, jugeait lundi, devant ses homologues européens, qu'il fallait continuer à dialoguer avec la Russie, même si elle est un partenaire " difficile ".
Theresa  May a confirmé, sur la base des analyses du laboratoire militaire de Porton Down, l'empoisonnement de M. Skripal et de sa fille par un agent innervant de la famille du Novitchok, produit par la Russie. " Ce n'était toutefois pas une preuve définitive ", juge un diplomate. Des officiels britanniques et des responsables des services de renseignement auraient, en revanche, fourni des détails précis, en bilatéral, à leurs homologues, au cours des derniers jours.
Et les dirigeants français, allemand et britannique sont d'accord sur une formule – " il n'existe pas d'explication alternative plausible " – pour évoquer le rôle de Moscou. "Nous attendons une évaluation des données transmises par les Britanniques à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques - OIAC - ", a précisé Angela Merkel.
Sans attendre, plusieurs pays semblent ouverts à l'hypothèse de sanctions supplémentaires contre Moscou, au-delà de celles adoptées, en  2014, après l'annexion de la Crimée. Il s'agit du Danemark, des pays baltes, de la Pologne, qui seraient prêts à  envisager une interdiction de visa ou le gel des avoirs pour des responsables russes. La Lituanie pourrait examiner l'expulsion de diplomates.
D'autres sont hostiles à des mesures trop radicales tant que la preuve définitive de l'implication directe du régime russe n'aura pas été apportée. " Nous devons exprimer notre solidarité avec le Royaume-Uni, mais, en même temps, il faut enquêter, nous devons être très responsables dans la gestion de cette affaire ", a déclaré le premier ministre grec, Alexis Tsipras. Chypre, l'Autriche et les Pays-Bas entendent également rester prudents. Quant à la ligne italienne, elle est floue.
La France, elle, est " très claire ", selon l'Elysée, dans sa volonté de soutenir Londres, et fait partie de ceux qui sont prêts à être " plus explicites " si Theresa  May le -souhaite. Paris évoque toujours d'éventuelles mesures additionnelles qui seraient décidées, le cas échéant, sur une base nationale, " en concertation avec d'autres pays européens ".Interrogée, jeudi, sur l'hypothèse d'un volet de sanctions, Theresa  May a, en fait, éludé. Elle a remercié ses alliés pour leur soutien et leur solidarité, et mentionné de " prochaines discussions " sur ce point.
Inattendue lettre de félicitationsEn marge du Conseil européen, un haut fonctionnaire américain affirmait depuis Paris :" Le débat sur les preuves est un piège, dans le cas Skripal comme dans toutes les interventions néfastes de la Russie. Moscou est dans la dénégation permanente de ses actions, avec comme unique objectif de nous -ralentir et de nous diviser. "
Si les pays de l'UE pourraient se diviser, il en va de même pour les responsables des institutions. -Donald Tusk, président du Conseil, a fait inscrire dans les conclusions la nécessité de renforcer les défenses de l'Europe à l'égard des menaces chimiques, nucléaires et biologiques, et de mieux s'armer contre les cyberattaques et la -désinformation. Un texte visant évidemment Moscou.
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, prône, lui, le rétablissement d'une coopération avec la Russie, gage, à l'en croire, de la sécurité continentale. C'est ce qu'il expliquait dans une très inattendue lettre de félicitations envoyée lundi à Vladimir Poutine pour sa réélection.
Cécile Ducourtieux, et Jean-Pierre Stroobants
© Le Monde

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