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mardi 21 mars 2017

Macron le fragile

21 mars 2017
Laurent Joffrin
La lettre de campagne
de Laurent Joffrin

Macron le fragile

En apparence, c’est un match nul : c’est donc bon pour Macron. Personne ne s’est effondré, personne n’a marqué de point décisif. Dans cette discussion équilibrée, le néophyte devenu favori a tenu le choc. Il a des chances de le rester.
Pourtant le débat de TF1 a aussi révélé des zones de fragilité, chez Macron comme chez les autres. Sur la forme : vieux briscards des joutes politiques, Le Pen et Mélenchon ont livré les prestations les plus marquantes, parlant haut, martelant les formules. La première a joué les bulldozer de la xénophobie, imputant à l’étranger la plupart des maux qui affectent le vieux pays. Elle est la Toinette de la présidentielle. Comme la servante de Molière répétait sans cesse à Argan, malade imaginaire : «Le poumon ! Le poumon ! Le poumon vous dis-je !», Marine Le Pen reproduit le même sketch, en beaucoup moins drôle : «L’étranger ! L’étranger ! L’étranger, vous dis-je !» Le chômage ? L’étranger ! Le terrorisme ? L’étranger ! Les déficits sociaux ? L’étranger ! L’insécurité ? L’étranger ! La désindustrialisation ? Les produits étrangers ! La crise agricole ? L’Europe, tout aussi étrangère ! On lui parlerait de la scarlatine qu’elle dirait aussitôt : l’étranger ! Et quel remède ? Moins d’étrangers ! Le poumon, vous dis-je ! Marine Le Pen est un médecin de Molière égaré en politique.
Mélenchon a été plus habile. Le ton rogue qu’il affectionne s’est mâtiné de bonhommie. Il choquait, il a fait rire. Un point de marqué. Reste à croire à ses propositions, dispendieuses en diable. C’est une autre affaire. Fillon, cauteleux à force d’être discret, a joué la présidentialité, ce qui n’est pas un mauvais calcul. C’est ainsi qu’il a pris tout le monde vitesse lors de la primaire, comme un pistard qui musarde en haut de l’arène avant de plonger pour le sprint final. Il rejoue la même course, qu’il peut encore gagner. Hamon a été précis, convaincu, assuré : lui aussi parie sur la sobriété, qui mène à la crédibilité. Il peut progresser.
Reste Macron, donc, face à des concurrents qui restent redoutables. Il a joué les Saint-Sébastien souriants, percé de droite et de gauche, content de servir de cible. Il a répliqué avec vivacité. Mais on sent aussi un flou volontaire, destiné à rassurer ses soutiens disparates. Macron est un clignotant, alternativement rose et bleu. Il lui faudrait devenir phare. Il cherche à contenter tout le monde, mais son assise, ce sont les sondages. Qu’ils viennent à fléchir et tout le monde lui tombera dessus.

Et aussi…

• Dépolitisés, les Français ? Quelque dix millions d’entre eux étaient devant leur téléviseur pour une discussion sérieuse, à l’opposé de la politique spectacle. Aux dires des experts en audimat, c’est un gros score. Civisme pas mort.
• Bruno Le Roux justifie l’emploi de ses deux filles en CDD estivals. Le balancier des affaires repart vers la gauche. On sait que beaucoup de députés emploient des proches. Mais si les deux filles en question n’ont pas ou peu travaillé, l’excuse ne vaut rien. La cruelle logique voudrait que le ministre cesse de l’être pour assurer sa défense. La gauche sacrifierait l’un des siens mais elle montrerait que son comportement face aux soupçons est moins cynique que celui de la droite et de l’extrême droite.
• Henri Emmanuelli quitte la scène. C’était un homme respectable, condamné très légalement pour un système de financement irrégulier dont tous les socialistes ont profité. Il cultivait son abord rugueux, qui traduisait des convictions fortes. Il était le parrain grognon des frondeurs. Lui aussi venait de chez Rothschild, ce qui tend à prouver que la banque mène à tout. Voilà qui relativise les accusations sans cesse lancées contre Macron, portraituré en homme d’argent cosmopolite avec une insistance qui devient louche.
LAURENT JOFFRIN
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