Les critiques éthiques et programmatiques qu’on peut adresser à François Fillon sont intactes. Mais sous l’angle du combat politique,
il faut bien admettre que son opération survie est impressionnante. Alors même que la droite aurait dû changer de champion rapidement, aux dires mêmes de l’intéressé qui excluait très officiellement de poursuivre s’il était mis en examen, elle a été contrainte d’accepter son maintien par l’opiniâtreté et la capacité rhétorique du candidat. Epaulé par sa «plume» Igor Mitrofanoff, appuyé sur un carré de fidèles, François Fillon a résisté à tous les assauts, alors même que ses soutiens fondaient comme neige au soleil. Ses discours martiaux, l’usage de formules simples et frappantes, à la tribune ou dans les studios, ont touché la droite profonde et galvanisé sa base. Le verbe l’emporte sur la logique, le discours sur les faits, la post-vérité sur la réalité. Au bout du compte, les dirigeants LR ont dû le confirmer à l’unanimité, alors même que trois jours plus tôt beaucoup d’entre eux étaient persuadés qu’Alain Juppé prendrait immanquablement le relais. Un Clausewitz de la tactique politique, ou un Machiavel, écriront un jour l’histoire de cet invraisemblable rétablissement, comme on refait l’histoire des batailles dans les écoles de guerre. Un modèle du genre.
Car malgré ses revirements, malgré son image écornée, malgré les réticences de l’opinion, les chances de Fillon demeurent. Au plus fort de la tempête, ses intentions de vote, fragiles à ce stade mais utiles pour nourrir son argumentation, sont restées aux alentours de 18%. Même si les chiffres de la manifestation de dimanche au Trocadéro ont été impudemment gonflés, il reste que la détermination de la foule hérissée de drapeaux tricolores a compensé sa taille modeste et intimidé les adversaires du candidat au sein de la droite. Le noyau dur de l’électorat conservateur est toujours là, qui fournit à Fillon un socle solide à défaut d’être étendu. Les contempteurs de Fillon parmi ses amis politiques ont eu peur, s’il devait céder la place, de voir basculer cette base «radicalisée» chez Marine Le Pen. Ils se sont rendus. La droite française veut à tout prix sa revanche. Elle est prête à y sacrifier ses scrupules moraux. Il y a fort à parier que cette résilience oblige les dissidents qui se sont manifestés la semaine à revenir la queue basse au bercail. La vraie campagne, une fois le nom des candidats fixé, commence désormais. Celui qui en connaît l’issue est un devin miraculeux.
C’était hier
Hamon cherche à atterrir. Il concocte une nouvelle version de son revenu universel plus compatible avec les contraintes financières d’un pays endetté et déficitaire. Cette réforme réformée se rapproche des propositions avancées par Manuel Valls pendant la primaire, qui consiste à augmenter les minima sociaux et à accroître dans des proportions raisonnables le revenu des travailleurs les plus modestes. Encore un effort et Hamon deviendra un vrai social-démocrate…
Un tiers des Français serait d’accord avec les propositions du FN selon un sondage Kantar TNS pour le Monde et France Info. Certes la perception du FN reste largement négative dans l’opinion. Mais le nationalisme anti-immigration et anti-Europe s’installe chaque jour un peu plus solidement en France. Personne ne peut plus se reposer sur la certitude qu’un «plafond de verre» empêche Marine Le Pen de réunir une majorité. Tout dépend maintenant des circonstances, qui sont mouvantes et, le cas échéant, dangereuses.
Valérie Pécresse fait de la voltige politique. Après avoir annoncé à son de trompe qu’elle proposerait une «sortie honorable» à François Fillon, elle se mobilise maintenant pour ramener les juppéistes vers le même Fillon. Looping et virage sur l’aile. Les plus grands pécheurs sont parfois les plus fiévreux dans la pénitence…
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