INTERNATIONAL - Les Etats-Unis ont annoncé vendredi le déploiement de moyens militaires permettant de fournir des "options" à Barack Obama s'il ordonnait une intervention en Syrie, alors que la Russie s'est opposée à tout recours à la force après les allégations d'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien.
Le ministre américain de la Défense Chuck Hagel, en route pour la Malaisie, a immédiatement souligné que ces renforts américains -qu'il n'a pas détaillés- ne signifiaient en rien qu'une décision d'intervention avait été prise contre le régime de Bachar al-Assad.
Plus tard dans la journée, le président Barack Obama devait réunir son équipe de sécurité pour discuter de la réponse à apporter aux allégations d'attaque à l'arme chimique par le gouvernement syrien cette semaine, a annoncé un responsable de la Maison Blanche. "Nous avons une palette d'options sur la table, et nous allons agir de façon réfléchie afin de prendre des décisions en accord avec nos intérêts nationaux ainsi qu'avec notre évaluation de ce qui peut faire avancer nos objectifs en Syrie", a-t-il ajouté.
Quelques heures plus tôt, vendredi soir, Barack Obama avait mis en garde contre toute nouvelle intervention militaire des Etats-Unis au Moyen-Orient. Il a toutefois jugé "profondément inquiétantes" les récentes allégations pesant contre le régime syrien, accusé d'avoir utilisé des armes chimiques ayant fait un grand nombre de victimes mercredi près de Damas.
"Toutes les options pour faire face à toutes les éventualités"
"Le département de la Défense a la responsabilité de fournir au président toutes les options pour faire face à toutes les éventualités", a expliqué Hagel avant une nouvelle tournée en Asie.
Selon un responsable de la défense à Washington, ces moyens comprennent notamment l'envoi en Méditerranée d'un quatrième destroyer équipé de missiles de croisière.
De son côté, la communauté internationale a appelé l'ONU, dont des experts se trouvent en Syrie, à vérifier sur place les accusations de recours aux armes chimiques. Une haute responsable de l'organisation est d'ailleurs arrivée samedi dans la capitale syrienne pour négocier les modalités de l'enquête.
Les frappes aérienne au Kosovo, possible précédent pour Washington
Les autorités américaines pourraient s'inspirer des frappes aériennes lancées au dessus du Kosovo à la fin des années 1990 pour déclencher une action similaire en Syrie, sans mandat de l'ONU, a rapporté le New York Times samedi.
Lors du conflit du Kosovo en 1998-1999, la Russie a soutenu le régime yougoslave de Slobodan Milosevic, accusé d'atrocités envers les civils dans cette province serbe. Dans la mesure où la Russie opposait son veto au Conseil de sécurité de l'ONU, il était impossible de parvenir à une résolution autorisant le recours à la force contre la République yougoslave.
En mars 1999, l'OTAN a déclenché des frappes sur les forces serbes stationnées au Kosovo, arguant que les violences commises par elles constituaient une situation d'urgence humanitaire. L'attaque a duré 78 jours.
Aujourd'hui, comme alors, la Russie s'oppose à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant le recours à la force contre la Syrie.
"Ce serait aller trop loin que de dire que nous sommes en train d'élaborer une justification légale à une action militaire, dans la mesure où le président n'a pris aucune décision" a confié au New York Times un haut responsable de l'administration, sous couvert d'anonymat. "Mais, bien évidemment, le Kosovo est un précédent pour une situation qui peut paraître similaire" a-t-il ajouté.
La Russie dénonce une "provocation" des rebelles
Mercredi, une offensive a été lancée dans la Ghouta orientale et à Mouadamiyat al-Cham, des secteurs aux mains des rebelles à la périphérie de Damas. L'opposition a évoqué 1300 morts et accusé le régime, qui a catégoriquement démenti, d'avoir perpétré l'attaque avec des gaz toxiques.
L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui s'appuie sur un large réseau de militants et médecins, a lui comptabilisé 170 morts et n'a pu confirmer l'utilisation d'armes chimiques. L'ONG a cependant affirmé que le régime avait violemment bombardé cette région mercredi, puis jeudi.
Volant une nouvelle fois au secours du régime de Bachar al-Assad, son allié, la Russie a dénoncé une "provocation" des rebelles et jugé "inacceptables" "les appels de quelques capitales européennes à faire pression sur le Conseil de sécurité et à décider dès maintenant de recourir à la force".
Les rebelles veulent aider les experts de l'ONU
Moscou a néanmoins appelé le régime Assad à coopérer avec les experts de l'ONU et réclamé aux rebelles de "garantir" leur accès aux lieux des attaques.
La veille, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, dont le pays soutient comme les autres occidentaux l'opposition syrienne, a estimé que si l'utilisation d'armes chimiques par le régime était avérée, il fallait "qu'il y ait une réaction" qui "peut prendre la forme d'une réaction de force".
Son homologue britannique William Hague a été plus direct, accusant le régime d'Assad d'être responsable de "l'attaque chimique".
La coalition de l'opposition syrienne s'est engagée "à assurer la sécurité" des inspecteurs de l'ONU sur les lieux des attaques présumées à l'arme chimique, mais a jugé "fondamental que l'équipe puisse se rendre dans les 48 heures dans la zone visée". Selon elle l'armée a tiré au moins trois salves de missiles équipés de têtes chimiques sur des civils.
"Nous avons réussi à recueillir des échantillons de cheveux, de sang et d'urine et aussi des débris de missiles et nous allons les faire sortir de Syrie pour des analyses complémentaires", a annoncé à Istanbul le secrétaire général de la coalition Badr Jamous.
"Crime contre l'humanité"
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a averti que l'utilisation d'armes chimiques constituerait un "crime contre l'humanité" aux "graves conséquences pour celui qui l'a perpétré".
Ban Ki-moon a aussi demandé à l'opposition syrienne de coopérer avec la mission d'experts, dirigée par Aake Sellström, arrivés dimanche à Damas avec un mandat se limitant à déterminer si des armes chimiques avaient été utilisées dans le passé à Khan al-Assal (nord), Ataybé (près de Damas) et Homs (centre).
A l'appui de leurs accusations, les militants anti-régime ont diffusé des vidéos de personnes inanimées ne portant aucune trace de sang, ou de médecins administrant de l'oxygène à des hommes ou des enfants pour tenter de les aider à respirer.
Les enfants paient un lourd tribut dans le conflit en Syrie, qui a fait plus de 100.000 morts dont 7000 enfants en deux ans et demi selon l'ONU, et poussé à la fuite des millions de Syriens.
L'Unicef estime que le nombre d'enfants syriens réfugiés à l'étranger a atteint un million, tandis que deux autres millions ont été déplacés dans le pays où une révolte populaire en mars 2011 s'est militarisée face à la répression du régime.
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