PÉTROLE - Si les réunions entre chefs d'État ne cessent de se mutliplier, laissant présager l'imminence d'un conflit en Syrie, les marchés ont déjà affûté leurs baïonnettes. Mercredi 28 août, le baril de Brent -pétrole de la mer du Nord- s'échangeait à plus de 115 dollars en fin de journée. Le pétrole coté à Wall Street (WTI) a par ailleurs atteint un pic, avec un plus haut depuis avril 2011.
Le pétrole est une valeur particulièrement sensible aux tensions géopolitiques, notamment au Moyen-Orient. Et cela commence déjà à se traduire à la pompe en France: les prix du gazole sont actuellement sous pression, au plus haut depuis avril.
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La Syrie n'est pas à proprement parler un pays producteur de pétrole, comme pouvait l'être l'Irak du temps de la Guerre du Golfe. Damas ne pèse que pour 0,2% dans la production mondiale, avec 39.000 barils exportés chaque jour en août (contre dix fois plus en 2011). Le marché redoute surtout que le conflit en Syrie ne cristallise des enjeux beaucoup plus larges. De nombreux de points d'acheminements pourraient subir des dégâts après d'éventuels combats (voir carte des transports énergétiques plus bas).
De quoi mettre définitivement les marchés pétroliers et boursiers en état d’effervescence généralisée. La région accapare à elle seule quelque 35% de la production mondiale de brut. Les oléoducs seraient "particulièrement vulnérables",ont averti les analystes.

Zone déjà très troublée par l'Egypte et la Libye
Pour ne rien arranger, la destitution du président égyptien Mohamed Morsi a provoqué de fortes tensions en juillet. Tout comme la Syrie, l'Egypte n'est pas un gros producteur (0,9% du pétrole mondial) mais contrôle une zone stratégique du transport énergétique avec le canal de Suez. Selon Aymeric de Villaret, spécialiste de l'énergie cité par Le Monde, l'Egypte assure un transit de 2 millions de barils par jour, en reliant la mer Rouge à la mer Méditerranée.
Les spéculations des marchés viennent de la crainte qu’inspirent les violences et affrontements dans le pays. Une situation qui pourrait bloquer le passage de cette quantité importante du pétrole qui arrive en Europe en provenance de l’Asie sans faire le tour de l’Afrique.
Ajoutez à cela un secteur pétrolier libyen en pleine de crise. Depuis le début du mois de juillet, le pays est touché par un conflit opposant la Compagnie nationale de pétrole (NOC) aux gardes de ses installations pétrolières. Ces employés dénoncent des pratiques de corruption, quand la compagnie les accuse de détournement, explique La Tribune.
Résultat: alors que la production de pétrole s'établit normalement entre 1,5 et 1,6 million de barils par jour, elle a chuté à 330.000 fin juillet, avant de remonter à 670.000 barils cette semaine.
wikicommons
Légende (cliquez pour agrandir)
- en vert les champs de pétrole
- en rose les champs de gaz naturel
- les oléoducs sont représentés par des lignes continues

Pétrole contre consentement de la Russie?
L'énergie fossile pourrait bien être la clé du conflit, selon les affirmations du London Telegraph, ou en tous cas ce qui pourrait le déclencher. Le journal avance que l'Arabie Saoudite aurait proposé à la Russie le contrôle du pétrole mondial, en échange d'un accord pour renverser Bachar al-Assad. Le Kremlin refuse pour l'instant d'accorder sa voix aux Nations-Unies pour une intervention internationale.
Le prince saoudien Ben Bandar aurait quant à lui proposé un autre deal d'incitation pour sortir de l'impasse. "L'objectif est de s'accorder sur le prix du pétrole et des quotas de production qui maintiennent la stabilité des prix sur les marchés mondiaux", explique une source saoudienne au journal anglais. "Nous comprenons le grand intérêt de la Russie pour le pétrole et le gaz du bassin méditerranéen, d'Israël jusqu'à Chypre. Et nous comprenons l'importance du gazoduc russe vers l'Europe (ndlr: le South Stream). Nous n'essayons pas de rivaliser. Nous pouvons coopérer dans ce domaine ", aurait déclaré le prince Bandar, prétendant parler avec le plein appui des États-Unis...
D'après Reuters, des sources proches de l'Arabie saoudite ont déclaré que le prince aurait même offert d'acheter jusqu'à 15 milliards de dollars d'armements russes, tout en assurant assurer que le gaz du Golfe ne menacerait pas la position de la Russie en tant que fournisseur principal de l'Europe. Les discussions semblent offrir une alliance entre le cartel de l'OPEP et la Russie, qui produisent ensemble plus de 40 millions de barils de pétrole par jour, 45% de la production mondiale. Une telle initiative pourrait profondément modifier le paysage stratégique de l'énergie.