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dimanche 5 mai 2024

Rue89 avec OBS - Dimanche 5 mai 2024

 


Dimanche 5 mai 2024

Ma maison de vacances a brûlé : était-elle hantée ? Je suis athée, cartésienne, mais en vieillissant je m’assouplis, j’accepte de me poser ce genre de questions. L’incendie s’est produit dans la nuit du 21 au 22 avril : une vieille poutre s’est embrasée et mon père s’est réveillé avec un brasier au-dessus de la tête (il va bien). Quand j’ai appris la nouvelle, je n’ai pu m’empêcher de penser que les fantômes de la maison m’envoyaient un message. Un p’tit texto.

La veille, j’avais en effet organisé « une cérémonie pour en finir avec ma peur de la finitude ». Idée d’un ami. Alors que je lui expliquais que je vivais mes 40 ans comme mon passage dans la deuxième moitié de ma vie où j’allais mourir, il m’avait en effet presque engueulée : « Mais enfin Renée, si c’est vraiment ton sujet, exorcise-le : fais-en une cérémonie, un rituel, que sais-je, mais ne fais pas les choses à moitié. »

A mes 40 ans, j’ai donc lu devant mes amis (gentils et patients) un texte sur mes angoisses de mort omniprésentes. Un sens de la fête… Vous m’en direz des nouvelles ! Après ça : j’ai dialogué avec ma propre mort jouée par un ami psychiatre (no comment). Dans sa bouche, la mort m’a dit qu’elle était mon amie : sans elle, notre existence sur Terre serait d’un ennui… mortel. Et pour finir, j’ai tapé dans une piñata – un lama multicolore avec de grands yeux idiots – qui représentait ma peur de la mort. Tout cela m’a fait du bien. J’étais satisfaite.

Jusqu’au mail de mon père, le lendemain de mes pitreries. En le lisant, je me suis souvenue de ce que j’avais osé m’avouer ces dernières années quand je séjournais dans notre vieille et belle maison de 1848 : je la trouvais gentiment hantée. J’y sentais la puissance du passé, les présences invisibles de femmes qui y avaient porté des bébés avant moi, le regard soutenu des morts dans les portraits encadrés.

Mettons donc que, comme le croient 24 % des Français, les fantômes existent et qu’ils soient responsables de cet incendie. Eh bien, si c’est le cas, soyez plus clairs mes petits potes, car je ne comprends pas ce que vous avez voulu me dire. J’oscille entre : « Bravo d’avoir fait face à ta peur de la mort ! », « KIKOO, on est là pour te rappeler que tu ne peux rien contre la mort, hihihi » ou encore : « Attention aux vieilles poutres. Elles brûlent. »

Renée Greusard

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