| HADRIEN MATHOUX RÉDACTEUR EN CHEF POLITIQUE Les « gauches irréconciliables » : bon système, ou ruse du système ? Voilà peut-être le legs politique le plus consistant de Manuel Valls. En 2016, en butte à l'hostilité de « frondeurs », celui qui est alors le Premier ministre de François Hollande théorise un affrontement séculaire entre deux gauches aux positions qui seraient, donc, « irréconciliables ». Le symétrisme de l'opposition paraît au premier abord séduisant pour certains. Il y aurait les extrémistes, jusqu'au-boutistes obsédés par la pureté idéologique, toujours prompts à accuser « l'autre gauche » d'être une droite composée de traîtres en puissance. Cette gauche radicale est en outre accusée par Valls d'avoir abandonné son héritage républicain, lui substituant un « islamo-gauchisme » délétère. En face, donc, la gauche modérée est présentée par l'ex-maire d'Évry comme courageuse, réaliste, soucieuse d'accepter les responsabilités que lui confère l'exercice du pouvoir, et fidèle à la tradition laïque du socialisme. Ce dualisme est aujourd'hui ressuscité par les acteurs comme les commentateurs, dans les remous des troubles causés par quelques excités qui s'en sont pris à Raphaël Glucksmann lors du 1er-Mai. D'un côté, la social-démocratie renaissante, européenne et républicaine, dans le sillage de la tête de liste désignée par le PS ; de l'autre, une inquiétante nébuleuse de post-trotskistes fanatisés, dominés par la figure ombrageuse de Jean-Luc Mélenchon. Fort heureusement, malgré le pia-pia des élites médiatiques, les choses sont plus complexes : si une grande partie de la France insoumise a bel et bien vendu son âme à l'islamisme, nombreux sont les hommes de gauche sincères qui combattent à la fois le néolibéralisme et le communautarisme. Quant à la social-démocratie, la théorie échafaudée par Manuel Valls passe ingénieusement sous silence sa capitulation en rase campagne sur le front économique et social, tout comme la contradiction entre son patriotisme affiché et son goût pour les abandons de souveraineté. Bref, ces « gauches irréconciliables » brandies en chœur par les élites médiatiques apparaissent surtout comme une tentative de ressusciter le bon vieux centre-gauche autrefois hégémonique, en diabolisant au passage tous ceux qui osèrent dénoncer ses compromissions. Sans jouer les staliniens de pacotille, refusons donc ce schématisme simplificateur. Ce qui ne signifie en rien que « les gauches » (il y en a plus de deux !) finiront forcément par se réconcilier… Twitter @hadrienmathoux
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