Que reste-t-il des aventuriers ? Quand on serre la main de Mike Horn, à laquelle il manque une partie du majeur, on sait qu'il en reste au moins encore un.
Lors de ses nombreuses expéditions, l'aventurier sud-africain aujourd'hui âgé de 57 ans est passé maintes fois à deux doigts de la mort, voire à un seul. Quand on se trouve au pôle Nord, par -70°C, mieux vaut ne pas enlever ses gants pour refaire ses lacets… Mais celui qui est considéré comme l'un des plus grands aventuriers des temps modernes a survécu à tout. Il a aussi bien arpenté l'Amazone que les pôles en solitaire et sans assistance (2002) ou fait le tour du monde à l'équateur, sans moteur, en 2000. Désormais, hormis le fond des mers, tout sur notre petite planète a sans doute été exploré, visité, cartographié, voire pollué. « Le monde a changé, confiait l'explorateur Horn, de passage à Paris pour l'un de ses sponsors. Par exemple, récemment, avec la fonte des glaces, je suis allé dans un Fjord où jamais personne avant moi n'avait navigué. »
Lui qui a souvent joué le rôle de l'expert en survie pour les chaînes de télévision françaises (The Island, À l'état sauvage, Cap Horn…) vous captive littéralement en vous racontant ses aventures. Il faut dire que, sur les cinq dernières années, il n'a sans doute pas passé plus d'une trentaine de jours par an chez lui. Car le temps passe vite, et plus encore quand on le vit aussi intensément que lui. « En moyenne, on ne vit que 30 000 jours. Et vous, qu'est-ce que vous faites de ces 30 000 jours ? », aime-t-il demander à l'assistance lors de ses conférences. Lui qui, jadis, expliquait que « l'aventure est la richesse des pauvres » avait été le premier, en 2006, avec son partenaire Børge Ousland, à atteindre le pôle Nord à pied pendant la saison la plus froide, après 60 jours et 5 heures de marche…
Son expédition Pole2Pole (2017-2019) a en revanche bien failli lui coûter la vie : au bout de 87 jours d'expédition, lui et Borge Ousland auront dû être secourus, surpris par la dangerosité de la glace et par les effets du réchauffement climatique. Ce tour du monde sans moyen motorisé, à marcher 7 à 8 heures par jour en traînant une centaine de kilos de matériel et de rations, aurait dû leur permettre de passer par les deux pôles. Mais les 5 100 km à parcourir en 57 jours se sont transformés en cauchemar dans la nuit polaire, alors que l'épaisseur de la couche de glace n' avait plus rien à voir avec ce que les aventuriers avaient pu connaître en 2006, 13 ans auparavant. De quoi l'inciter à s'assagir désormais, lui sur qui ses deux filles veillent, depuis le décès de son épouse.
Sa famille, sa vraie base arrière. Il faut dire que, même pour un aventurier de l'extrême, les temps ont changé : « Avant, quand on partait en expédition, on y allait à fond. Vous vous fixiez un but, un objectif, quelque chose à accomplir que personne n'avait fait avant vous. Les nouveaux explorateurs y vont moins à fond, se mettent moins en danger. Ils veulent plus faire un état des lieux. » Tout comme lui qui désormais, dans le cadre de son projet environnemental Pangaea X, retourne sur les lieux qu'il a exploré ces trente dernières années. « Ce n'est pas particulièrement pour dire que tout va plus mal, mais plutôt pour comparer et faire le point ». Son nouveau grand projet ne vise pas à repousser les limites du possible : baptisé « What's Left », ce voyage de quatre ans sera l'occasion pour Mike Horn, à bord de son voilier Pangaea, de revenir voir ce que sont devenus les lieux sauvages qu'il avait exploré jadis. Un résumé d'une vie, mais aussi d'une planète où il reste encore, sans doute, des lieux sauvages et intacts à explorer…
Judikael Hirel
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