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samedi 4 mai 2024

L'actualité littéraire HEBDO avec BIBLIOBS - samedi 4 mai 2024

 

BibliObs

Vendredi 3 mai 2024

« Sur mon père, à Bari, ils ont tiré au fusil, ce qui m’arrive n’est en comparaison pas grand-chose. » Ces propos provocateurs, Luciano Canfora les a tenus dimanche dernier, à la télévision italienne, en commentaire du procès que lui intente Giorgia Meloni et qui s’ouvrira le 7 octobre prochain. Ce grand intellectuel est poursuivi en diffamation pour avoir, en avril 2022, lors d’une conférence dans un lycée, prêté à la cheffe des Fratelli « une âme néonazie ». Quoi qu’on pense de la pertinence de l’étiquette, cette action en justice a de quoi inquiéter. Aujourd’hui octogénaire, Canfora est un historien de renom, considéré en Italie à la hauteur de l’inventeur de la micro-histoire, Carlo Ginzburg. Nombre de ses ouvrages ont été traduits en français, dont le classique « La véritable histoire de la bibliothèque d’Alexandrie » ou son « Histoire de la littérature grecque d’Homère à Aristote ». Une tribune de protestation contre son procès, le qualifiant d’« aberration », a été signée par des centaines d’intellectuels européens et étrangers.

La semaine prochaine, le 15 mai, Donatella di Cesare, philosophe politique, professeure à l’université romaine de La Sapienza, se rendra au tribunal pour un procès (toujours en diffamation) que lui intente le beau-frère de Giorgia Meloni, le ministre de l’agriculture Francesco Lollobrigida. Le 18 avril, elle avait fait remarquer sur un plateau télé que la théorie du « remplacement ethnique » dont se prévalait le ministre était inscrite noir sur blanc dans les pages de « Mein Kampf » et qu’il s’exprimait par conséquent comme un Gauleiter. Son éditeur français, la Fabrique, a fait circuler un texte de soutien dans lequel il est rappelé qu’elle s’exprimait en connaissance de cause. Donatella Di Cesare a écrit les entrées « Racisme » et « Antisémitisme » de la vénérable encyclopédie Treccani.

Pour n’en rester qu’au cas des universitaires, il faut évoquer l’assignation en justice de Tomaso Montanari, le recteur de l’Université pour étrangers de Sienne, toujours par Francesco Lollobrigida. Le harcèlement judiciaire s’étend néanmoins au-delà du monde académique. Roberto Saviano a connu le même traitement : l’écrivain a été condamné en octobre dernier pour avoir traité de « bâtards » Matteo Salvini et Giorgia Meloni en réaction à leurs positions sur l’immigration.

Mais agir en justice n’est qu’une façon de faire taire les intellectuels. Annuler leur passage à la télévision publique en est une autre – Roberto Saviano en a également fait les frais. Plus récemment, l’invitation faite au romancier Antonio Scurati, connu pour « M », sa fresque en plusieurs tomes sur Mussolini, a été purement et simplement retirée. L’intéressé commente ainsi l’épisode dans « Le Soir » : « Dénigrer la figure de l’intellectuel, qu’il soit le porteur d’un savoir littéraire ou scientifique, est une caractéristique première du populisme souverainiste ». Quant à Luciano Canfora, toujours combatif, il soutient que « la censure demande d’être faite avec élégance » et que « des épisodes d’oppression aussi grossiers » provoqueront nécessairement « de la déception et des réactions ».

Julie Clarini

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