Si tu jettes une grenouille dans l’eau bouillante, elle s’échappe d’un seul coup, mais si tu la mets d’abord dans l’eau froide et que tu fais monter la température progressivement, elle va s’engourdir pour finir parfaitement cuite.
C’est ce deuxième procédé qui s’est imposé peu à peu.
On t’enlève un peu de ça, on te ferme un peu de ci, on assure ta sécurité, on réduit tes déficits, on renforce tes frontières, l’eau tiédit, tu te rends compte de rien. On te fait pourtant des grands débats : PSG ou OM ? Sardou ou Nakamura ? L’eau est un peu plus chaude, tu somnoles doucement. Tu as le choix : Bolloré ou Bernard Arnault ? Marine ou Zemmour ? Des sujets qui fâchent mais pas trop, faut pas de vague dans la casserole.
L’eau chauffe comme il faut, on va pouvoir passer à table.
Sauf que, ah, là, non ! Tout d’un coup, il y a quelque chose qui coince. Un évènement considérable : sur Radio France, un humoriste a fait de l’humour ! Il incite tes enfants à se déguiser en Netanyahou, un nazi sans prépuce. Une blague pourrie ou un trait de génie ? Peut-on rire de tout ? Avec n’importe qui ? Mais cette fois, non, ce débat ne marche pas. Il y en a un autre, un vrai débat qui secoue toutes les mémoires, qui déchire en profondeur, entre les partisans du boucher de Gaza et celles et ceux qui ont du mal avec les cadavres d’enfants entassés dans des sacs blancs.
Et voilà le bouffon traîné en justice au pays de Voltaire, des caricatures de Charlie et de la liberté d’expression. Mais la justice n’envoie pas le clown aux galères, au contraire le procureur dit tu peux continuer tes blagues pourries. Et ça bien sûr, l’humoriste le fait savoir. Et ça bien sûr, ça ne plaît pas vraiment à la direction de Radio France qui, malgré le jugement, suspend le petit rigolo et le convoque la semaine prochaine pour le foutre (peut-être) à la porte.
Mais ça, ça passe de travers dans la gorge des couloirs de France Inter. Le petit personnel se dit qu’après tout les bons résultats d’audience c’est un peu à cause de leur talent et qu’ils ont peut-être leur mot à dire. Peut-être.
D’autant que c’est pas seulement le rigolo qui a la tête sur le billot, c’est aussi quelques journalistes en même temps qui se font congédier d’un claquement de doigt. C’est une tradition quand vient le mois de mai à France Inter, on coupe des têtes. Une méthode connue dans le management : la précarité mène à la docilité. Sauf que là, c’est pas vraiment au hasard. Les journalistes visés sont des reporters qui vont sur le terrain, attentifs aux gens, au mouvement social comme aux effets du réchauffement du climat, c’est à dire des islamo-wokistes antisémites.
Certain ont même fait remarquer qu’ils viennent toutes et tous de « l’école Là-bas si j’y suis ». Un hasard évidement.
Sauf que ces rejets ne passent pas, le petit personnel de France Inter n’avale pas ce virage éditorial et ce mépris. Pas cette fois-ci. Du coup, il se mobilisent et réussissent même à faire front commun, une première ! Dans leur intérêt mais aussi dans l’intérêt des quelques millions d’auditeurs.
Vous imaginez, la grenouille ne veut pas se laisser cuire, le mouton ne veut plus se laisser tondre, le pigeon ne veut plus se faire pigeonner… où va-t-on ?
D’ici là, et pour se donner toutes les chances d’y arriver, vous avez le meilleur de la semaine de Là-bas. Ne loupez pas Djamil le Schlag qui découvre qu’il y a moins de censure chez Bolloré que chez France Inter, ne manquez pas l’analyse anar-marxiste de Besancenot sur Brassens, et surtout ne loupez pas ce qu’il faut rappeler sans arrêt et que Dillah rappelle cette semaine, l’imposture sociale du RN, ce qui n’est pas sans rapport avec l’anniversaire du CNR, le Conseil national de la Résistance, une bande de gaucho-wokistes qui avaient triomphé des ancêtres des Zemmour, des RN et des fachos de l’époque et qui avaient trouvé le plus beau titre du monde pour tous nos demains, Les Jours heureux !
Daniel Mermet
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