Va-t-on bientôt trouver un traitement contre le coronavirus ? |
La tentation de la chloroquine |
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Penser "traitement", c'est aujourd'hui penser à Didier Raoult et à la molécule d'hydroxychloroquine. Utilisée contre le paludisme et le lupus – une maladie auto-immune qui fait bégayer le système immunitaire –, elle est associée par l'éminent professeur à un antibiotique pour terrasser le Covid-19.
Pas si vite ! Ne sortez pas encore le champagne. A ce stade, l'étude présente en effet de trop nombreux biais (faible cohorte, trois patients en réanimation écartés de l’étude – dont un mort –, pas de groupe placebo...). Aussi prometteurs soient-ils, ses résultats sont de fait inexploitables. Pire. La molécule peut entraîner des arrêts cardiaques en cas de surmédication ou de surdosage. Il est donc urgent de creuser davantage pour en avoir le cœur net. Le traitement va intégrer un essai clinique européen du nom de Discovery qui mobilise de nombreux chercheurs depuis le 22 mars. |
L'antipaludique prôné par Didier Raoult n'est que l'une des options à l'étude et cela fait déjà plusieurs longues semaines que les chercheurs expérimentent différentes recettes en cuisine. On parle alors de médicaments "repositionnés", utilisés pour traiter une autre maladie que celle initialement prévue.
Parmi la centaine d'études cliniques en cours, une majorité explore la piste des antiviraux, seuls ou combinés : lopinavir, ritonavir, darunavir (utilisés pour traiter les infections au VIH), remdesivir (testé contre Ebola)... Mais les résultats sont encore mitigés. Une étude menée en Chine n'a pas permis d'observer d'effet bénéfique du Kaletra (lopinavir/ritonavir) chez 199 patients sévèrement malades. Certes, le remdesivir a eu des résultats encourageants in vitro, mais les premières données cliniques sont attendues début avril. Croisons les doigts.
Et si ces antiviraux avaient besoin d'un coup de pouce ? Après un travail minutieux sur les souches du virus, les chercheurs du laboratoire VirPath de Lyon ont évalué différentes molécules disponibles dans leur catalogue. Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche Inserm et co-directeur du laboratoire, pense avoir identifié une molécule qui pourrait peut-être permettre de "potentialiser les antiviraux classiques", comme le remdesivir. Il ne cite pas son nom, "pour ne pas donner de faux espoirs", mais ses résultats précliniques sont actuellement en cours de relecture avant publication dans une revue scientifique. Croisons les doigts (bis). |
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Le recours aux anticorps est également à l'étude. Ces protéines viennent s'accrocher au virus pour le désactiver. L'idée est donc d'en prélever dans le plasma de patients guéris afin de les injecter chez les malades et ainsi freiner la multiplication virale. Une équipe de Gand affirme avoir découvert un anticorps qui a permis in vitro d'empêcher le virus d'infecter les cellules. Il est également possible de synthétiser "des anticorps de manière artificielle", explique Olivier Bouchaud, chef du service infectiologie de l'hôpital Avicenne : "Ce sont les anticorps monoclonaux, qui deviennent alors des médicaments à part entière."
Vous pouvez également suivre les travaux sur les immunomodulateurs, qui pourraient épauler l'organisme en stimulant les défenses immunitaires. Sachez enfin que d'autres projets proposent de repositionner le Losartan (contre l'hypertension artérielle) ou la pirfénidone (anti-inflammatoire). Des chercheurs chinois étudient même un alcaloïde (trétrandine) tiré d'une vigne asiatique et d'autres vérifient l'effet de l'aviptadil sur l'oxygénation du sang, alors que ce médicament traite normalement les fibroses pulmonaires… et les troubles de l’érection. |
Grandes études en cours : au moins 2 à 3 semaines d'attente |
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Comme vous le voyez, il n'existe pas de panacée à l'heure actuelle. "Avec tous les médicaments testés, parfois lors de tests sauvages, nous saurions déjà si l'un d'entre eux était vraiment efficace, résume Olivier Bouchaud. Mais en situation de crise, il existe des procédures accélérées et on peut concevoir rapidement des protocoles." Il faudra surveiller de près les deux vastes études cliniques mis en place par l'OMS (Solidarity) et par le consortium européen Reacting (Discovery) – 800 patients français sont impliqués. Dans les deux cas, cinq groupes seront testés (avec notamment du remdesivir, du lopinavir/ritonavir et de l'hydroxychloroquine).
La méthodologie de l'essai clinique Discovery permettra probablement "de dire en deux ou trois semaines si un des traitements testés est bénéfique ou non", explique Manuel Rosa-Calatrava. "Nous sommes dans l'urgence mais pas dans la précipitation."Le chercheur rappelle que les essais cliniques doivent être bien cadrés "d'un point de vue méthodologique et réglementaire", afin d'être en capacité "de conclure sur les résultats d'efficacité ou d'inefficacité qui seront obtenus".
L'essai Discovery est souple et évolutif, ce qui permet de fermer ou d'ajouter de nouvelles pistes au cours de l'essai, selon les résultats. En attendant, respectez le confinement, prenez soin de vos proches et gardez espoir. Vous finirez bien par la sortir, cette bouteille de champagne. |
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