Acclamé pour son rôle de faiseur de paix, le président sud-coréen, Moon Jae-in, arrive samedi 13 octobre en visite en France, un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU dont Séoul souhaite s'assurer la pleine collaboration, lorsqu'il s'agira de " récompenser " la Corée du Nord pour son changement d'attitude. M. Moon veut, en outre, accompagner un potentiel accord entre Washington et Pyongyang et en préparer le terrain.
Le président des Etats-Unis, -Donald Trump, et le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, doivent se rencontrer une deuxième fois, après les élections américaines de mi-mandat du 6 novembre. A Singapour, le 12 juin, ils avaient brisé la glace, mais, de retour à Washington, M. Trump avait été critiqué pour n'avoir obtenu ni calendrier ni formulation sur un démantèlement " irréversible et vérifiable " du programme nucléaire nord-coréen. La prochaine fois, il lui faudra du concret.
" Assouplissement partiel "Dans la balance, un abaissement du régime de sanctions, désormais ouvertement envisagé à Séoul.
" Notre gouvernement espère un assouplissement partiel des sanctions, parce que la Corée du Nord a un comportement constructif ", estime Moon Chung-in, professeur à l'université Yonsei à Séoul et conseiller spécial du président Moon Jae-in sur l'unification, la diplomatie et la sécurité nationale.
Pour Séoul, des concessions réciproques de la part de Washington et Pyongyang seront nécessaires. La Corée du Nord n'exclut plus la fermeture de son – pour la recherche nucléaire et l'enrichissement d'uranium de Yongbyon – un première fois négociée en 2007, puis remise en cause par un retour des tensions. Certes, le Nord ne détruirait pas pour le moment son arsenal acquis. En outre, le renseignement américain suspecte par ailleurs l'existence d'un autre site d'enrichissement d'uranium. Mais l'approche est plus réaliste que les exigences du conseiller à la sécurité nationale américain, John Bolton, d'une reddition immédiate et complète de l'arsenal nord-coréen – qui ignore les préoccupations sécuritaires de la partie adverse. M. Trump pourrait ainsi se targuer d'avoir obtenu l'arrêt du programme nucléaire nord-coréen.
Kim Jong-un de son côté ne perdrait pas, pour le moment, l'assurance-vie que représente la bombe et apporterait à sa population le développement économique. En retour, la Corée du Nord exige ce qu'elle qualifie de
" mesures correspondantes ". Comprendre : un allégement des sanctions. Pour l'entourage de Moon Jae-in, des annonces réciproques sur ces deux tableaux seront nécessaires dès ce deuxième sommet.
" Il faudrait un accord simultané, sur Yongbyon et sur l'assouplissement des sanctions, c'est ce que nous espérons ", explique Moon Chung-in.
C'est pour avancer dans cette négociation que le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, multiplie les déplacements à Pyongyang. En juillet, la Corée du Nord avait dénoncé à l'issue de son passage des
" méthodes de gangster ", et Kim Jong-un ne l'avait pas reçu. Un déplacement envisagé en août avait été annulé. Cela s'est bien mieux passé lors de sa dernière visite, dimanche 7 octobre.
" On n'y est pas encore, mais on y arrivera ", a commenté M. Pompeo le lendemain. La Corée du Nord s'est engagée au passage à accepter la venue d'inspecteurs étrangers sur le site où elle a réalisé ses six essais nucléaires, Punggye-ri, dont elle a fait sauter les tunnels en mai devant des caméras de télévision internationales. Un nouveau signe de bonne volonté, mais qui n'a qu'une portée symbolique : la République populaire démocratique de Corée se vante de déjà maîtriser l'arme nucléaire, de sorte que les essais ne sont plus nécessaires.
Il sera donc indispensable de convaincre le Conseil de sécurité, la France notamment.
" Le message que Moon Jae-in veut faire passer concerne les intentions de Kim Jong-un : il est vraiment engagé sur la dénucléarisation et, s'il concrétise davantage les choses, il faudra en retour faire preuve de souplesse. C'est ce qu'il dira à Emmanuel Macron ", détaille le conseiller Moon Chung-in. Il se rendra ensuite à Rome et à un sommet Asie-Europe à Bruxelles.
Les Occidentaux, eux, veulent s'assurer que l'administration progressiste sud-coréenne, de par le désir de Moon Jae-in de voir le rapprochement intercoréen et l'apaisement des relations de Pyongyang avec le monde extérieur se poursuivre, ne cède pas trop, et trop vite, à son voisin. La chef de la diplomatie sud-coréenne, Kang Kyung-hwa,
a d'ailleurs confié mercredi que son homologue américain, Mike Pompeo, avait exprimé son
" mécontentement " après la signature lors de la visite de M. Moon à Pyongyang en septembre d'un accord sur un déminage progressif des alentours de la Zone démilitarisée, le retrait de postes de surveillance et l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne.
La France a, de son côté, la spécificité de n'avoir toujours pas établi de relations diplomatiques avec Pyongyang, alors que Berlin, Londres ou Madrid l'ont fait au tournant des années 2000. Paris garde donc toujours en main cette carte de la reconnaissance formelle.
" La France a su sanctionner, elle doit savoir donner des signaux positifs aussi, et contribuer ainsi à faciliter la transformation de la Corée du Nord ", souligne le conseiller du président sud-coréen. La diplomatie française s'est montrée jusqu'à présent sceptique, ne trouvant pas grand-chose de tangible à l'issue du sommet de Singapour et se posant en gardienne de la non-prolifération. Elle sera priée par Séoul de jouer le jeu.
Harold Thibault
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