http://www.leparisien.fr
Maladie, souffrance, suicide, mortalité : les chômeurs sont plus exposés que les autres
Selon cette étude, les chômeurs ont une surmortalité de 300 % par rapport au reste de la population. Certains renoncent aux soins à cause de difficultés financières.
Dans un rapport rendu public aujourd’hui, l’association Solidarité nouvelles face au chômage (SNC) fait la lumière sur l’état de santé des personnes sans emploi.
Le chômage n’est pas une sinécure. Etre privé d’emploi a des effets néfastes sur l’état de santé général et entraîne un risque de mortalité sur les individus supérieur à celui de la population générale. Voilà certaines des conclusions de l’étude – rare sur le sujet en France — intitulé « la santé des chercheurs d’emploi, un enjeu de santé publique » rendue publique aujourd’hui par Solidarité nouvelles face au chômage (SNC). Une manière pour l’association de tirer la sonnette d’alarme.
«Comportements à risque» et privation de soin
Il n’y a pas de « maladie du chômage ». « Mais les personnes sans emploi ont un mode de vie marqué par des comportements à risque avec une alimentation moins saine, une baisse de l’activité physique, des addictions plus nombreuses, une privation de soins qui entraîne la venue de différentes maladies chroniques », souligne Pierre Meneton, chercheur à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et spécialiste du sujet. Les plus fréquentes sont les maladies cardiovasculaires – infarctus du myocarde, trouble du rythme, insuffisance cardiaque, accidents vasculaires cérébraux — ainsi que les cancers. Autre facteur pénalisant : le renoncement aux soins lié aux difficultés financières.
Au moins 10 000 décès par an
Conséquence, selon le rapport : « Les chômeurs ont une surmortalité de 300 % par rapport au reste de la population », note Pierre Meneton. 10 000 à 14 000 décès sont « imputables » chaque année au chômage, d’après l’Inserm.
Le rapport évoque notamment des cas de suicides plus fréquents chez les personnes privées d’emploi en raison du stress et du sentiment de dépréciation général lié à la perte ou l’absence de son activité professionnelle.
Des cas plus fréquents de souffrance psychique
Selon le baromètre Solidarité nouvelles contre le chômage (SNC) / Opinion-Way réalisé cette année, 34 % des personnes interrogées ayant vécu une période de recherche d’emploi ont constaté une dégradation de leur état de santé et une vulnérabilité psychique liée à la situation. « Le chômage est vécu comme une épreuve qui s’accompagne de stress et d’anxiété mais aussi d’un profond sentiment de honte et de culpabilité », note l’étude.
Pour sortir de cette spirale négative, l’association propose de mettre en œuvre un accompagnement plus global par les pouvoirs publics des personnes au chômage. En 2015, lors d’un avis sur le sujet, le conseil économique, social et environnemental (CESE) avait notamment préconisé la mise en place à Pôle emploi d’un bilan médical gratuit et d’un soutien psychologique lors du premier entretien pour les demandeurs d’emploi.
STÉPHANIE, 40 ANS, ANCIENNE CHÔMEUSE : «J’ai arrêté d’aller chez le médecin»
C’était en 2010, au début de l’été. A quelques jours d’intervalle, Stéphanie apprend qu’elle perd son emploi et tombe malade. Diagnostic du médecin : la jeune femme de 31 ans est atteinte d’une « angine blanche » ou bactérienne, ponctuée par de fortes fièvres qui lui imposent de rester alitée plusieurs jours. « Avant cette date, je n’avais jamais eu de problèmes particuliers à la gorge et aucun problème de santé particulier », raconte cette femme au ton dynamique qui a aujourd’hui retrouvé du travail à temps partiel.
Cette année-là, elle enchaînera cinq angines avant de retrouver du travail quelques mois plus tard. Mais en 2015, la même situation se reproduit. Embauchée en CDI dans une entreprise du secteur social, cette diplômée d’un double cursus en aménagement du territoire et en communication est licenciée pendant sa période d’essai, après avoir révélé sa grossesse à son employeur. « Ma tête et mon corps ont lâché », confie-t-elle alors.
Angines et dépression
Eloignée de son conjoint qui avait retrouvé du travail dans l’est de la France, la jeune vit mal, seule, cette nouvelle période de chômage et tombe à nouveau malade pendant sa grossesse. Aux angines viennent s’ajouter la dépression et des problèmes gynécologiques à répétition. « Cette fois, la période de Noël approchait, j’étais très angoissée. Je me suis repliée sur moi-même, je dormais mal, je ne voulais plus voir personne », souffle Stéphanie. J’avais peur pour le bébé, pour notre couple. Je me suis dit qu’avec le salaire de mon ami, de 1 500 € par mois, nous n’y arriverions plus ».
Pendant trois ans, cela a alors été le « trou », dit-elle. Stéphanie est suivie par une psychiatre et consomme de nombreux médicaments. Selon les mois, elle débourse entre 150 et 200 € pour se soigner, soit plus de 10 % de l’allocation que lui verse chaque mois Pôle emploi. Pendant ce temps, elle rumine des idées noires, se sent « victime d’une injustice ».
En 2017, en raison d’un bug administratif avec sa caisse de sécurité sociale, elle perd ses droits. « Pendant six mois, j’ai arrêté d’aller chez le médecin ». Sa santé se détériore. « Mes CDD en série, l’absence d’emploi, les changements d’employeurs n’ont pas aidé la situation », commente-t-elle.
Il y a quelques mois, Stéphanie a retrouvé du travail en CDD à temps partiel, projette de se faire embaucher en CDI. Elle continue de se faire soigner mais va mieux. « J’ai retrouvé des objectifs de vie », assure-t-elle.
B.L.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire