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jeudi 4 octobre 2018

Les Crises.fr - La critique de l’OTAN par Trump passe sous silence les vraies questions


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1.octobre.2018 // Les Crises



La critique de l’OTAN par Trump passe sous silence les vraies questions



Source : Jonathan Marshall, Consortium News, 12-07-2018
Jonathan Marshall précise que les rodomontades de Donald Trump au sommet de l’OTAN ne sont motivées que par des considérations financières, et non par la question de savoir si l’alliance a un véritable but sécuritaire.
Habituellement, le sommet de l’OTAN commence et se termine par des platitudes de la part des dirigeants américains et européens au sujet des liens inébranlables entre les démocraties occidentales. Le sommet de deux jours qui a commencé mercredi rompt avec les habitudes. Le président Donald Trump est venu à Bruxelles armé d’un feu roulant d’insultes et de tweets explosifs contre ses prétendus alliés.
Il a houspillé publiquement le secrétaire général de l’OTAN, M. Jens Stoltenberg, en déclarant qu’il était injuste que les États-Unis paient le plus pour protéger l’Europe alors que l’Allemagne a accepté un nouveau pipeline pour importer du gaz naturel de Russie. « L’Allemagne, en ce qui me concerne, est captive de la Russie », a dit M. Trump. « L’Allemagne est totalement contrôlée par la Russie ». Mais l’Allemagne s’est tournée vers la Russie après que l’administration Trump eut menacé de sanctionner les Européens qui achètent du gaz naturel iranien. Les États-Unis veulent aussi vendre du gaz naturel plus cher à l’Allemagne.
La chancelière allemande Angela Merkel a répondu sans détour à Trump. « J’ai vécu moi-même dans une partie de l’Allemagne contrôlée par l’Union soviétique », a-t-elle dit aux journalistes, « et je suis très heureuse aujourd’hui que nous soyons unis dans la liberté en tant que République fédérale d’Allemagne et que nous puissions ainsi dire que nous pouvons déterminer nos propres politiques et prendre nos propres décisions et c’est très bien. »
Trump a préparé le terrain pour une querelle politique qui est sa marque de fabrique lors d’un récent rassemblement dans le Dakota du Nord, où il a déclaré : « Parfois, nos pires ennemis sont nos soi-disant amis ou alliés, non ? » Dans le même élan contre l’occident, il a déclaré à des partisans du Montana que l’Europe « nous tue avec l’OTAN ». Alors qu’il quittait la Maison-Blanche pour l’Europe, le président a poursuivi sa tournée des alliés traditionnels de l’Amérique, notant qu’entre l’OTAN, le Royaume-Uni et Poutine – les trois objets de sa tournée – « Poutine est peut-être le plus facile de tous. Qui le croirait ? »
Bien qu’il se plaigne depuis des décennies que d’autres pays profitent des États-Unis, la clé pour comprendre la prestation de Trump envers l’OTAN est peut-être de reconnaître qu’il s’agit d’une prestation destinée non pas aux dirigeants européens, mais à sa base politique au pays.
Les partisans de Trump applaudissent sa rhétorique machiste et nationaliste. Son rejet « politiquement incorrect » du langage diplomatique traditionnel leur dit qu’il est la vraie affaire, même si ses politiques militaires et de sécurité actuelles restent largement dominantes. Son attitude d’intimidation réaffirme son engagement envers ce qu’on appelle la Doctrine Trump : « On est l’Amérique, putain ».
Trump : Invectivant l’OTAN au petit déjeuner mercredi. (Photo OTAN)
En dépit de ces vociférations agressives, Trump s’est joint à d’autres dirigeants de l’OTAN pour signer la déclaration du sommet qu’ils avaient déjà rédigée, y compris des mesures visant à améliorer la préparation et les capacités des alliances en Europe, à créer de nouveaux commandements de l’OTAN en Allemagne et aux États-Unis, à promouvoir la cybersécurité et à former des forces de sécurité en Irak.
La déclaration comprend un plan du secrétaire américain à la Défense, James Mattis, visant à rassembler pour l’OTAN 30 bataillons terrestres, 30 escadrons aériens et 30 navires de combat capables de se déployer en 30 jours ou moins d’ici 2020, pour se défendre contre une hypothétique menace russe. Moscou voit plutôt le plan comme une provocation insultante.
Bien que Trump soit d’accord avec tout cela, sa rhétorique anti-OTAN a un effet politique, et pas seulement sur l’humeur des Européens ébranlés. Aux États-Unis, le soutien des républicains à l’alliance de l’OTAN a chuté de cinq points au cours de la dernière année, pour s’établir à seulement 47 %. En revanche, 78 % des démocrates enregistrés, reflétant la polarisation en miroir de la politique américaine, soutiennent désormais l’OTAN, soit un gain de 20 points de pourcentage en un an.
Poser des questions légitimes
Les attaques de Trump contre l’OTAN – pleines de désinformation et de distorsions – ont détourné l’attention critique des questions légitimes concernant l’alliance. Quelle est sa mission depuis la chute de l’Union soviétique ? Indépendamment de la question du partage des coûts, fait-elle progresser la sécurité et les intérêts politiques des États-Unis ? Pourrait-elle être remplacée sans mettre en péril les démocraties des deux côtés de l’Atlantique ?
À la suite des attaques de Trump, les défenseurs de l’OTAN ont essayé d’éduquer les Américains sur sa valeur. (Un auteur du Daily Beast a associé l’alliance à « la plus grande réalisation de l’histoire américaine »). Ce qui est le plus remarquable, cependant, c’est à quel point ces arguments de défense ne sont pas convaincants.
Le New York Times, par exemple, déclare que le « nouvel objectif » louable de l’OTAN après le 11 septembre 2001 a été « d’aider les États-Unis à combattre les terroristes en Afghanistan, en Irak, en Afrique et ailleurs ». Ces interventions en dehors du territoire de l’OTAN ont toutes été des violations de l’article 6 de la Charte de l’OTAN, qui n’autorise que les activités militaires sur le territoire des États membres.
On oublie complètement les précédents éditoriaux condamnant les « pensées illusoires sur ce qui pourrait être accompli » si l’OTAN engageait plus de troupes en Afghanistanaprès plus de 16 ans de guerre, reconnaissant que « la guerre en Irak était inutile, coûteuse et désastreuse à tous les niveaux » et déplorant les nombreux coûts des « guerres permanentes » en Afrique et ailleurs depuis 2001.
De ce point de vue, le soutien de l’OTAN aux interventions imprudentes des États-Unis à l’étranger devrait être considéré comme une erreur à effacer, et non comme une caractéristique dont il faut se vanter. Et ce, sans même tenir compte des conséquences désastreuses des offensives malhonnêtes de l’OTAN contre la Libye, qui ont laissé ce pays en faillite, poussé les djihadistes en Syriedéclenché le terrorisme en Europe occidentale et provoqué une vague de réfugiés qui a mis en danger l’avenir de l’Union européenne.
Un argument tout aussi peu convaincant a été avancé par l’ancien ambassadeur à l’OTAN Nicholas Burns dans What America Gets Out of NATO. Burns affirme que « les formidables forces conventionnelles et nucléaires de l’OTAN sont le moyen le plus efficace de protéger l’Amérique du Nord et l’Europe… contre les attaques » de la Russie qui se mêle des élections américaines. Que feraient quelques centaines de millions de dollars – le prix de deux ou trois nouveaux F-35 – pour renforcer nos machines de vote contre l’intrusion de pirates ?
Et de peur que vous ne vous inquiétiez d’une attaque russe conventionnelle, considérez que les membres européens de l’OTAN consacrent 286 milliards de dollars aux dépenses militaires cette année, soit plus de quatre fois plus que la Russie.
La « deuxième raison de maintenir l’alliance transatlantique est l’avenir économique de l’Amérique », explique M. Burns. « L’Union européenne est le plus grand partenaire commercial de notre pays, et son plus gros investisseur ». Mais ne serait-il pas plus facile et moins coûteux d’appuyer cette relation en mettant fin aux guerres commerciales et en réaffirmant l’engagement des États-Unis envers l’Organisation mondiale du commerce ?
« Troisièmement », poursuit-il, « les futurs dirigeants américains trouveront que l’Europe est notre partenaire le plus compétent et le plus disposé à faire face aux plus grandes menaces pour la sécurité mondiale », comme le changement climatique. Peut-être que se joindre à l’accord de Paris sur le climat et à l’Europe pour réduire les émissions de gaz à effet de serre serait un moyen plus efficace de faire face à cette menace vraiment énorme.
L’OTAN est-elle un fardeau ?
Un soldat américain observe une plate-forme amphibie sur le fleuve Néman en Lituanie lors de l’exercice Saber Strike 18, dirigé par les États-Unis, le mois dernier dans les pays baltes et en Pologne. Environ 18 000 soldats de 19 pays membres et partenaires de l’OTAN y ont participé. (Photo OTAN)
La pauvreté intellectuelle qui sous-tend le soutien à l’OTAN donne à penser que les intérêts bureaucratiques et particuliers (pensons aux entreprises de défense) ont plus à voir avec la survie de l’alliance après 1989 qu’avec les menaces légitimes à la sécurité. Mais l’OTAN est devenue plus qu’une relique coûteuse. Il s’agit maintenant d’un passif important au titre de la sécurité.
L’expansion incessante de l’OTAN vers l’Est depuis 1989, qui est passée de 16 à 29 pays membres – la dernière fois récemment avec l’adhésion du lilliputien Monténégro – a violé les promesses fermes faites par les dirigeants occidentaux à la Russie au moment de la réunification de l’Allemagne. Cette marche vers l’Est a été défendue par le Comité pour l’expansion de l’OTAN, un groupe de néoconservateurs qui porte bien son nom, dirigé par Bruce Jackson, alors vice-président de la planification et de la stratégie chez Lockheed Martin, le plus grand entrepreneur militaire américain.
George Kennan, doyen des diplomates américains pendant la Guerre froide, a prédit avec justesse que l’expansion imprudente de l’OTAN ne pouvait conduire qu’à « une nouvelle Guerre froide, qui se terminerait probablement par une guerre chaude, et à la fin des efforts pour instaurer une démocratie viable en Russie. »
Les propositions pour étendre davantage l’OTAN à des pays comme la Géorgie et l’Ukraine le long des frontières de la Russie, ainsi que son déploiement de systèmes de défense antimissile déstabilisants en Europe de l’Est, ont alimenté les tensions croissantes entre l’OTAN et la Russie et soulevé le spectre d’une guerre accidentelle.
Le désir de l’OTAN de faire entrer l’Ukraine – le plus grand pays situé à la frontière occidentale de la Russie – dans l’alliance militaire occidentale a également contribué à la décision de Poutine d’y intervenir partiellement en 2014, après qu’un putsch violent eut chassé de Kiev le gouvernement pro-russe élu. Ironiquement, cette intervention est devenue l’une des plus grandes menaces citées par les partisans de l’OTAN pour justifier sa survie.
Dans son ouvrage de 1957 intitulé Nuclear Weapons and Foreign Policy, Henry Kissinger, professeur à Harvard, déclarait : « Une alliance n’est efficace que dans la mesure où elle… représente une force accrue pour ses membres ». A cette constatation, on pourrait ajouter ce corollaire : Une alliance ne vaut la peine d’être maintenue que dans la mesure où elle réduit les menaces pour ses membres.
En soutenant des interventions imprudentes loin des frontières de l’OTAN et en provoquant des confrontations inutiles avec la Russie, l’alliance occidentale échoue à ce test. Les Américains et les Européens réfléchis devraient prendre du recul par rapport à la rhétorique du président Trump et aux défenseurs inconditionnels de l’OTAN pour se demander si le moment n’est pas venu de procéder à une refonte complète de l’alliance occidentale.
Jonathan Marshall a souvent contribué à Consortium News sur l’OTAN et la sécurité des États-Unis.
Source : Jonathan Marshall, Consortium News, 12-07-2018
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
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Fabrice // 01.10.2018 à 07h09
Que dire de l’otan si ce n’est qu’elle le bras armé des USA non seulement au niveau de la défense mais aussi politique.
Cet organe à empêché de rapprocher l’Europe de la Russie en implantant de plus en plus des bases autour et même parfois au sein d’anciennes républiques de l’ex URSS forçant la Russie à la defensive mais elle a empêché L’UE de ce doter d’une vraie défense voir même d’une vraie industrire de la défense et certains pays d’abandonner leur industrie de défense.
Le royaume uni a abandonné son industrie aéronautique pour le fumeux F35, la France n’a plus d’industrie indépendante d’armement (sauf dassaut mais pour combien de temps ?) si les repreneurs liquident ce qui leur reste dans ce domaine nous serons forcés de nous tourner vers l’industrie américaine.
Et maintenant on vient nous dire que nous ne payons pas assez ! Il fallait oser nous sommes complètement pieds et poings liés et nous devrions payer celui qui nous entraîne doucement vers une 3e guerre mondiale qui se déroulera principalement sur notre territoire, non franchement on vit une époque “formidable” les dindons de la farce sont invités à mettre eux même la pomme dans le bec ça les fera taire en même temps.

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