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samedi 6 octobre 2018

Commerce : Etats-Unis, Canada et Mexique scellent un accord


2 octobre 2018

Commerce : Etats-Unis, Canada et Mexique scellent un accord

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 Dimanche 30 septembre au soir, le Canada a accepté l'accord de modernisation du traité de libre-échange nord-américain (Alena)
 A cinq semaines des élections de mi-mandat, c'est un succès pour Trump, mê- me si la portée du nouveau traité doit être expertisée
Le salaire minimal croît dans l'automobile ; les droits sur l'aluminium et l'acier canadiens seraient levés
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© Le Monde
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2 octobre 2018

Commerce: un nouvel accord va remplacer l'Alena

Donald Trump remporte un succès indéniable en scellant un nouveau traité avec le Canada et le Mexique

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Le Canada a rejoint, dimanche 30  septembre, juste avant l'ultimatum de minuit fixé par le président américain, Donald Trump, l'accord de modernisation du traité de libre-échange nord-américain (Alena) signé sous George Bush père, en  1992, et entré en vigueur sous Bill Clinton, en  1994.
A cinq semaines des élections de mi-mandat du 6  novembre aux Etats-Unis, il s'agit d'une victoire politique pour le locataire de la Maison Blanche. Ce dernier n'avait cessé, pendant sa campagne électorale de 2016, de dénoncer cet accord commercial entre son pays, le Canada et le Mexique, menaçant de le quitter unilatéralement. Les négociations de modernisation avaient débuté en août  2017. Selon les informations de la presse américaine, si Donald Trump n'avait finalement pas résilié ce traité dans la foulée de son élection, c'est parce que ses conseillers lui avaient subtilisé physiquement le décret présidentiel qu'il entendait signer.
L'accord scellé dimanche avec Ottawa est rassurant pour les -tenants du libre-échange en Amérique du Nord, comme l'atteste la remontée du dollar canadien. S'ils sont du même ordre que ceux déjà concédés par le Mexique, et sous réserve d'expertise, les aménagements contenus dans le nouvel Alena ne constitueront pas une atteinte majeure au commerce.
Cet accord peut être interprété comme un armistice dans la guerre commerciale, comparable à celui scellé cet été avec les -Européens. Le principal conflit demeure un affrontement avec la Chine, qui tient plus d'une nouvelle guerre froide entre puissance dominante et puissance -ascendante que d'une querelle commerciale classique.
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a convoqué, dimanche dans la nuit, un conseil des ministres extraordinaire pour approuver l'accord. Celui-ci doit être également ratifié par le Congrès des Etats-Unis, qui devait se voir transmettre le texte le soir même. Donald Trump ne peut pas le signer avant soixante jours. C'est vraisemblablement le nouveau Congrès, issu des élections de mi-mandat, qui le ratifiera ou non début 2019. L'avènement d'une chambre démocrate pourrait compliquer la donne, même si le courant néoprotectionniste américain dépasse les clivages partisans. Le président pourrait par ailleurs mettre la pression sur le législateur américain en menaçant de nouveau de quitter le traité.
M.  Trump avait auparavant qualifié l'Alena de " désastre " pour les travailleurs et l'industrie américains, le jugeant responsable du déficit commercial et des délocalisations. Cette analyse a été -contestée : le commerce est plutôt équilibré avec le Canada, tandis que l'usage du Mexique comme plate-forme pour la production de nombreuses pièces destinées à  l'automobile a été considéré comme un moyen de sauver cette industrie aux Etats-Unis.
Stratégie d'intimidationIl n'empêche, la méthode Trump, mise en œuvre par le représentant pour le commerce Robert -Lighthizer, a fini par payer. Le Mexique a commencé par signer, le 27  août, un accord avec Washington. Cette évolution a créé la surprise, les analystes estimant que l'élection du populiste de gauche Andres Manuel Lopez Obrador à la présidentielle du 1er  juillet bloquerait toute négociation jusqu'à son entrée en fonctions, début décembre.
Il n'en a rien été. M.  Obrador a voulu se débarrasser de la négociation commerciale avant sa prise de fonctions, et l'administration mexicaine sortante, avec l'accord du président élu, s'est -entendue bilatéralement avec les Américains pendant l'été.
Cet accord a concerné essentiellement l'automobile. Il a été décidé que le taux de composants fabriqués en Amérique du Nord entrant dans la fabrication d'un véhicule devait atteindre 75  %, contre 62,5  % jusqu'à présent, pour circuler librement sans droits de douane. Seconde concession, le salaire minimal dans le secteur doit désormais s'élever à 16  dollars (14  euros) de l'heure, sans que l'on sache s'il s'agit d'un salaire ouvrier ou d'un salaire moyen. Faute de quoi les automobiles se verraient exposées à un droit de douane de… 2,5  %, un niveau très faible conforme à la clause de la nation la plus favorisée contenue dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Résultat : ce premier accord bilatéral, complexe et difficile à mettre en œuvre, a en fait rassuré  l'industrie américaine et les marchés financiers. Ce qui n'empêche pas la stratégie d'intimidation de -Donald Trump de fonctionner. Chrysler et General Motors ont ainsi de facto décidé de rapatrier, dès cet hiver, sur le sol américain, leur production mexicaine de pick-up, inquiets de se voir infliger un droit de douane de 25 %, tandis que les groupes japonais Toyota et Mazda ont annoncé des investissements de 1,6  milliard de dollars enAlabama, où les salariés non syndiqués ont cependant des rémunérations modestes.
" Une place en enfer "Paradoxalement, la situation était plus compliquée avec le Canada. Ce pays a des contentieux majeurs et récurrents avec les Etats-Unis sur le bois, l'aviation et les produits agricoles. Ottawa a exaspéré Washington en déposant, en janvier  2018, de nombreuses plaintes devant l'OMC contre les pratiques commerciales  américaines ; son entreprise aéronautique Bombardier a aussi gagné la partie contre Bœing devant une commission américaine, l'International Trade Commission, alors que des droits de douane supérieurs à  300 % venaient d'être imposés.
Enfin, politiquement, les relations entre Donald Trump et Justin Trudeau ont été exécrables. A l'issue du G7 au Québec, en juin, le premier ministre canadien avait tenu des propos peu amènes envers le président américain ; ce dernier avait retiré, à bord d'Air Force One, la signature des Etats-Unis sur le communiqué final du G7, tandis que ses conseillers expliquaient qu'il devait y avoir " une place en enfer " pour M. Trudeau.
Lors de l'Assemblée générale des Nations unies (ONU), fin septembre, à New York, M.  Trump a  annoncé qu'il avait refusé une entrevue avec M. Trudeau, expliquant qu'il n'aimait pas les négociateurs canadiens, et dénoncé les droits de douane de 300  % infligés sur les produits laitiers, notamment pour protéger les agriculteurs du Québec.
Dans le détail, Ottawa devrait faire des concessions sur son marché laitier, comparables à  celles consenties dans le traité de libre-échange transpacifique (TPP), dont M. Trump s'est retiré dans la foulée de son élection. Comme le Mexique, le Canada aurait obtenu l'assurance de ne pas se voir infliger des droits de douane sur l'automobile en vertu des clauses de sécurité nationale, casus belli majeur avec les industriels et tous les partenaires des Etats-Unis en raison de l'atomisation de cette industrie sur la planète en fonction des " chaînes de valeur ".
D'après le New York Times, -Ottawa aurait eu la promesse que les droits de douane sur l'acier et l'aluminium seraient levés, même s'il n'est pas clair que ceux-ci seront remplacés par des quotas formels ou informels, un outil dont a usé le négociateur américain -Robert Lighthizer dans les années 1980 avec le Japon, lorsqu'il travaillait pour l'administration Reagan. Enfin, selon la presse américaine, les Etats-Unis auraient renoncé à supprimer les panels d'arbitrage en cas de -conflit entre les entreprises et les Etats concernés. Les détails de l'accord devaient être présentés dimanche dans la nuit ou lundi, et ils doivent encore être expertisés.
Arnaud Leparmentier
© Le Monde

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