Visé par une enquête judiciaire ouverte en septembre 2016 sur des soupçons de fraude fiscale, le député La République en marche des Hauts-de-Seine, Thierry Solère, ancien cadre du parti Les Républicains, aujourd'hui macroniste et proche du premier ministre, Edouard Philippe, pourrait prochainement avoir à répondre des accusations qui pèsent sur lui.
Le parquet de Nanterre, qui dirige l'enquête, élargie depuis aux chefs de trafic d'influence, de corruption, d'abus de bien sociaux, de financement illicite de dépenses électorales et de manquements aux obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a en effet demandé officiellement à l'Assemblée nationale de lever son immunité parlementaire afin de l'entendre dans le cadre d'une garde à vue. Une mesure cœrcitive dont chaque député est protégé par ladite immunité.
Selon les éléments dont
Le Monde a pris connaissance, le parquet a motivé sa demande en précisant les charges qui pèsent sur M. Solère et la nature des relations qu'il a entretenues avec plusieurs sociétés pour lesquelles il a travaillé directement ou indirectement. L'ancien porte-parole de la campagne de François Fillon est soupçonné, selon les termes d'un document synthétisant la position du parquet,
" de s'être servi de son influence en tant qu'élu local et national pour aider ses sociétés clientes à obtenir des contrats publics ou un agrément des pouvoirs publics ".
Il y a notamment LNA, un prestataire informatique, Aliapur, une société de recyclage de pneus, ou encore Chimirec, un groupe spécialisé dans le recyclage de déchets chimiques. Selon les déclarations faites par M. Solère à la HATVP en août 2017, l'ensemble de ses activités de consultant lui rapportait autour de 250 000 euros par an, soit un peu moins de 21 000 euros par mois.
La société LNA aurait ainsi, selon l'accusation, obtenu plusieurs marchés publics dans le département des Hauts-de-Seine grâce à M. Solère. Ce que les deux parties contestent. Contacté par
Le Monde, un ancien dirigeant de la société en question a assuré tout en le déplorant que malgré une rémunération substantielle de 10 000 euros par mois entre 2009 et 2011, M. Solère n'avait pas
" honoré sa mission et qu'en aucun cas, il était intervenu pour favoriser la société ".
Embauche fictiveM. Solère aurait, en outre, comme
Le Monde l'a déjà raconté,
" embauché fictivement la femme de l'ancien dirigeant d'Aliapur " comme assistante parlementaire après son élection à l'Assemblée en 2012. Une société pour laquelle il avait été consultant entre 2003 et 2012. L'intéressée a confirmé aux enquêteurs le caractère fictif de cette embauche indiquant n'avoir jamais travaillé de façon effective pour le compte du député. Interrogé il y a plusieurs mois par
Le Monde sur cette éventualité, M. Solère avait précisé qu'elle l'avait
" aidé à Paris pour élaborer le document de son bilan de mi-mandat qu'il a ensuite distribué à Boulogne-Billancourt ".
S'il a arrêté de travailler pour Aliapur après son élection à l'Assemblée nationale, Thierry Solère n'en a pas moins conservé des liens avec le secteur privé du développement durable. Il conseillait encore jusqu'à récemment l'entreprise Chimirec en plus de son activité de parlementaire. Entre 2014 et 2017, cette activité lui a rapporté plus de 500 000 euros. Membre de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale de juin 2012 à septembre 2015, M. Solère avait signé un amendement visant à exonérer de taxes les véhicules de collecte de déchets industriels dangereux et des huiles usagées, exactement l'activité du groupe Chimirec qu'il rejoindra peu après comme consultant. Interrogé à l'époque, M. Solère s'était défendu en expliquant qu'il s'agissait d'un
" amendement de groupe ".
Il est question, enfin, selon les termes du parquet
" d'enrichissement occulte ". Toujours selon le document synthétisant la position du parquet, M.Solère
" aurait obtenu des libéralités, sans les déclarer à l'administration fiscale, de la part d'un promoteur immobilier pour plus d'un million d'euros entre 2011 et 2017 ainsi que de la part d'autres particuliers. " La justice pense ainsi que M. Solère a
" financé l'acquisition de trois appartements grâce aux faux prêts consentis par les sociétés du promoteur immobilier avant de les revendre à ces mêmes sociétés en opérant au passage des plus-values ". Autant de faits contestés avec vigueur par M. Solère.
" Il y a eu des prêts enregistrés notariés, transmis à la -HATVP et ils ont été remboursés pour la plupart et c'est en cours pour le dernier ", indique l'avocat de Thierry Solère, l'ancien bâtonnier Pierre-Olivier Sur, qui se dit
" choqué que les documents à décharge n'aient pas été versés à l'enquête ".
Le 28 juin, ce dernier a indiqué au bureau de l'Assemblée qu'il renonçait à son immunité parlementaire et a fait savoir dans la presse qu'il voulait être entendu au plus vite. Son avocat a d'ailleurs adressé une demande officielle le 7 juin au parquet de Nanterre en ce sens dans le but d'éviter une mesure cœrcitive comme la garde à vue. Mais selon la juridiction des Hauts-de-Seine, celle-ci
" est bien en l'espèce l'unique moyen de parvenir à l'exécution des investigations ".
Elle serait notamment justifiée par l'affaire Urvoas dans laquelle M. Solère est soupçonné d'avoir tenté d'obtenir des informations sur l'enquête le visant auprès de l'ancien garde des sceaux. Ce dernier a été mis en examen pour violation du secret de l'enquête le 19 juin par la Cour de justice de la République pour avoir transmis à M. Solère des éléments sur l'enquête le visant après avoir demandé une synthèse à ses services alors qu'il était ministre de la justice.
C'est sur cette base que le bureau de l'Assemblée nationale doit se réunir le 11 juillet afin de décider si l'immunité parlementaire du député Thierry Solère doit être levée. Selon Me Sur,
" Même si son client ne souhaite pas bénéficier du privilège de l'immunité, il n'y a pas de nécessité cœrcitive ".
Simon Piel
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