Qu'importent les multiples enquêtes d'opinion où les Français jugent sa politique comme étant de droite. Qu'importe cette note de Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean -Pisani-Ferry, trois économistes importants, dans l'élaboration de son programme, et qui aujourd'hui prônent " un rééquilibrage social ", regrettant notamment que " la lutte contre les inégalités d'accès " ne soit pas plus apparente dans l'action du gouvernement. C'est une fin de non-recevoir qu'Emmanuel Macron a signifiée à ceux qui, au sein de sa majorité ou ailleurs, lui demandent de donner un coup de barre à gauche pour rectifier le cap de son projet.
S'il s'est efforcé, devant le congrès de la Mutualité française, mercredi 13 juin, de redonner de la cohérence et du sens à son action, le président de la République n'a en rien dévié de sa route.
" C'est le malentendu que je voudrais lever. J'entendais des commentateurs dire “
il va aller devant les mutuelles et faire un grand tournant social”.
Mais je n'ai pas l'impression que lorsqu'on redresse l'économie, on soit contre le modèle social ", a-t-il rappelé pour justifier ses mesures pro-entreprises,
" mettre un plafond à la réussite n'a jamais réglé le problème de l'exclusion ".
A ceux qui en doutaient encore, le président avait fait parvenir le message quelques heures plus tôt sous la forme d'une vidéo, filmée dans le salon vert de l'Elysée et tweetée dans la nuit de mardi à mercredi par sa communicante Sibeth Ndiaye. On y voit Emmanuel Macron réfléchir à haute voix au discours qu'il tiendra le lendemain à Montpellier.
" On met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif "dans le système de santé. Quant au
" pognon de dingue " qu'on met dans les minima sociaux, il n'empêche pas
" les pauvres de rester pauvres ". Dans les deux cas, conclut-il, il faut
" prévenir et responsabiliser ". Et de se féliciter :
" Là on a un fil directeur, avant (…)
c'était de la lasagne faite avec de la paella. "
Une " Révolution profonde "Devant les mutualistes, Emmanuel Macron a eu des mots plus châtiés, mais il n'a pas dit autre chose.
" C'est une refondation radicale dont nous avons besoin ", a-t-il lancé avant de délivrer son diagnostic sur le système de protection sociale français. Un système inefficace, coûteux et injuste, selon lui.
" Tous les jours, nombre de nos concitoyens constatent que l'universalité - des droits -
est mitée d'exceptions, de disparités, d'impasses, des situations où les droits promis ne sont pas des droits réels ",a-t-il développé.
" Nous vivons dans un pays où la promesse républicaine est souvent déçue car nous avons maintenu les droits formels qui souvent n'existent que sur le papier, c'est ça l'indignation française contemporaine. Pourtant nous consacrons toujours davantage de notre richesse à la protection sociale. " S'il s'est montré intraitable sur le cap de son action, le chef de l'Etat s'est en revanche attaché à expliquer sa vision de la protection sociale, à en faire la pédagogie. Les remèdes qu'il veut prescrire à la société française, a-t-il martelé, relèvent bel et bien du volet
" protéger " qu'il a promis aux côtés des réformes destinées à
" libérer " le pays de ce qui l'entrave, selon le logiciel macroniste. Faisant appel à l'esprit du Conseil national de la Résistance, qui a créé la Sécurité sociale en 1945, le président a dit vouloir
" bâtir " un nouvel
" Etat-providence de la dignité et de l'émancipation " par une
" révolution profonde qui redonne aux Français leurs droits ".
Une révolution, a tenu à préciser Emmanuel Macron, qui se fera sans dépenses supplémentaires.
" Il ne faut pas considérer qu'il y aurait d'un côté ceux qui croient dans la transformation sociale et qui aligneraient les lignes de crédit et ceux qui n'y croient pas et qui seraient forcément pour réduire les dépenses. Mauvaise nouvelle : les dépenses sociales, vous les payez, nous les payons ", a estimé le chef de l'Etat, comme pour mieux souligner que le budget consacré à la protection sociale en France représente près du tiers du produit intérieur brut.
Dans ce discours de près d'une heure et demie, le chef de l'Etat n'a pas fait de nouvelles annonces. A l'exception d'une loi sur la dépendance, qui sera votée avant fin 2019, alors que la France comptera 5 millions de personnes âgées de plus de 85 ans d'ici à 2050.
" Il nous faut construire un nouveau risque ", a-t-il déclaré, estimant entre 9 et 10 milliards d'euros le besoin de financement.
" Sortir d'une logique de guichet "Pour le reste, il a rappelé ses promesses de campagne et les chantiers sur lesquels travaille le gouvernement. A commencer par une loi sur les retraites,
" qui sera votée au premier semestre de l'année 2019 " et permettra
" que 1 euro cotisé donne le même montant de droits ", la mise en place, d'ici à 2021, du reste à charge zéro pour certaines lunettes, prothèses dentaires et audioprothèses. Ou encore, un plan contre la pauvreté et l'exclusion cet été. C'est sur ce sujet qu'Emmanuel Macron s'est le plus longuement apesanti. Après un début de cacophonie au sein de son gouvernement sur la réforme des aides sociales, notamment entre le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin, et celui de l'économie, Bruno Le Maire, le président espère avoir ainsi mis fin aux dissonances.
" L'ensemble du gouvernement est mobilisé pour repenser la solidarité nationale ", a-t-il affirmé.
Pour Emmanuel Macron,
" la première bataille, c'est l'école ", c'est par elle que commence
" la fin de l'assignation à résidence ". Voilà pour l'aspect prévention, sur lequel l'exécutif a déjà mis des moyens (scolarisation à trois ans, dédoublement des classes de CP dans les quartiers défavorisés, fin du tirage au sort dans les universités). Pour le reste, a-t-il poursuivi,
" il nous faut sortir d'une logique de guichet pour une logique d'accompagnement " vers le travail. Et faire, dans cette optique, exactement l'inverse de ce qui a été fait pour le RSA dont les dépenses ont depuis dix ans
" augmenté de 80 % " quand les dépenses d'accompagnement pour ses allocataires ont chuté de 40 %.
" On a créé un système qui, pour ce qui est de l'Etat, s'est déshumanisé ", a-t-il conclu, et
" qui ne permet pas de s'en sortir " puisque la moitié des bénéficiaires du RSA le sont depuis plus de quatre ans.
Le chef de l'Etat reviendra sans doute plus précisément sur ces problématiques lors de son discours devant le Congrès, qui devrait être réuni à Versailles, le 9 juillet. Mais il faudra attendre l'été, et les arbitrages budgétaires qui accompagneront les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale 2019 pour en savoir plus sur ses intentions réelles.
Virginie Malingre
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