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vendredi 15 juin 2018

Santé au travail : la mesure des risques s'affine


14 juin 2018

Santé au travail : la mesure des risques s'affine

Le développement d'outils plus précis a permis de réduire le nombre de salariés exposés

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Les risques professionnels et la santé des salariés ne font pas bon ménage. Seize pour cent des cancers des poumons chez les hommes sont encore liés à une exposition professionnelle à l'amiante, rappelait, fin mai, l'agence nationale Santé publique France (SPF, ex-Institut de veille sanitaire). Comment les entreprises peuvent-elles améliorer leur politique de prévention ? Et en quoi la mesure des risques peut-elle les y aider ? L'enjeu est de taille : 2,6  millions de salariés français sont exposés à un cancérogène, et près de 760 000 à deux cancérogènes.
La mesure des risques a permis au fil des ans d'identifier les environnements de travail, parfois même les secteurs économiques et les métiers exposés aux risques chimiques (diesel, benzène, arsenic, nickel, amiante), physiques (gestes répétitifs, charges lourdes), psychosociaux (surcharge de travail, incivilités, manque d'autonomie), afin de réduire l'exposition des salariés.
Avec des résultats probants : le nombre de salariés concernés par la multiexposition aux solvants a, par exemple, été réduit de 40 600 à 30 800 entre 1999 et 2013, indique Corinne -Pilorget, chercheuse à l'université Lyon-I. Quant aux risques psychosociaux,une étude de -Marilyne Beque et Amélie Mauroux, de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), publiée en janvier par le ministère du travail, fait état d'" une relative stabilisation de l'intensification du travail et du recul des violences morales au travail " entre 2013 et 2016.
A l'occasion de la quinzième Semaine de la qualité de vie au travail (11-15 juin), SPF dresse, dans son dernier bulletin épidémiologique, un panorama de l'évaluation de l'exposition des salariés. Il montre que l'amélioration de la prévention passe par la diversité et la complémentarité des outils et des méthodes de mesure, parce que les risques de nature différente appellent évidemment des dispositifs d'évaluation différents, et " parce que c'est en raisonnant globalement qu'on peut définir des priorités ", affirme Mounia El Yamani, responsable de l'unité " évaluation des expositions professionnelles " chez SPF.
A chacun son rôle. Pour les risques physiques et chimiques, les enquêtes par questionnaires (sur les conditions de travail, la surveillance médicale) recueillent des données sur les nuisances constatées par les travailleurs ou observées par les médecins du travail sur des champs plus restreints (enquête Sumer tous les sept ans). Elles permettent d'identifier des secteurs et des métiers à risque : or, savoir qu'un même effectif est concerné à la fois par les risques cardio-vasculaires et par le harcèlement moral en fait une cible à protéger en priorité. " Les entreprises peuvent ainsi mettre en place une politique de prévention ", remarque Mme El Yamani.
Cas complexesLes instruments de mesure sont progressivement devenus plus précis, tout du moins pour les risques quantifiables, et ils ont enrichi les bases de données créées dès les années 1980. Le ministère du travail a ainsi pu définir des -valeurs limites pour la concentration des substances dangereuses dans les atmosphères de travail (circulaires du 19  juillet 1982 et du 14  mai 1985 notamment), contribuant au renforcement des politiques de prévention dans les entreprises. Autre type de dispositif, la biométrologie (prise de sang ou analyse d'urine) a aidé à apprécier l'exposition, dans la durée, des -organismes des salariés aux substances chimiques.
Mais lorsque les nuisances ne sont pas quantifiables, la mesure se complique. C'est le cas pour les deux grands maux actuels, les troubles musculo-squelettiques (TMS) et les risques psychosociaux (RPS). " Pour appréhender ces troubles, ce sont les tests Karasek et Siegrist qui se révèlent, pour l'instant, les mieux adaptés ", explique Mme El Yamani.
Lestests Karasek établissent l'intensité de la demande psychologique, de l'autonomie dans le travail, du soutien social (d'un collègue ou du chef), tandis que les tests -Siegrist mesurent le déséquilibre effort-récompense. Mmes Beque et Mauroux ont observé un recul des comportements hostiles (propos blessants, critiques injustes, travail saboté, etc.) entre 2013 et 2016 : " En  2016, 22  % des salariés - contre 28  % en  2013 -signalaient avoir été la cible de comportements méprisants au travail, 22  % d'un déni de reconnaissance de leur travail - 26  % en  2013 - et 5  % d'atteintes dégradantes - 7  % en  2013 - . " Reste à déployer ces tests dans les entreprises.
Anne Rodier
© Le Monde

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