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jeudi 1 mars 2018

Sur le Yémen aussi, l'axe Moscou-Téhéran se renforce


1er mars 2018

Sur le Yémen aussi, l'axe Moscou-Téhéran se renforce

Les Russes se sont opposés à une condamnation de l'Iran par l'ONU

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La guerre par procuration que se livrent l'Iran et l'Arabie saoudite au Yémen se doublera-t-elle d'un bras de fer russo-américain ? La Russie a opposé son veto, lundi 26  février, à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, présentée par les Britanniques et activement soutenue par les Etats-Unis et la France, qui renouvelait l'embargo sur les armes en vigueur depuis 2015 au Yémen et condamnait initialement l'Iran pour l'avoir violé.
Largement amendé au cours des derniers jours, le texte ne se contentait plus que d'exprimer des " préoccupations " à l'égard des actions iraniennes. A la place, les diplomates ont voté unanimement pour un texte, soumis par la Russie, qui renouvelle pour un an le régime de sanctions sans faire la moindre mention de l'Iran.
Depuis des mois, Washington militait pour sanctionner Téhéran, que les Américains accusent d'avoir fourni des missiles aux rebelles houthistes qui contrôlent le nord du Yémen. Ces derniers visent régulièrement l'Arabie saoudite, alliée régionale des Etats-Unis, et à la tête de la coalition militaire arabe qui intervient en soutien au gouvernement yéménite.
" Grave inquiétude "Nikki Haley, l'ambassadrice américaine aux Nations unies, a " des priorités claires en matière de politique intérieure ", note un fonctionnaire. Elle est " prête à taper sur l'Iran sur le moindre dossier à l'ONU ". En janvier, elle avait convié l'ensemble des diplomates du Conseil de sécurité à se rendre sur une base militaire à Washington où les Américains avaient entreposé des débris de missiles récupérés par les Saoudiens. Selon la version américaine, ces pièces, qui portent pour certaines la mention " made in Iran ", sont bien la preuve que Téhéran fournit du matériel interdit aux houthistes.
Une assertion confirmée par le rapport du panel des experts de l'ONU en janvier. S'il accusait Téhéran d'avoir fourni de la technologie balistique aux rebelles, il se gardait d'identifier les responsables ou les intermédiaires ayant permis aux houthistes de se doter de missiles et de confirmer si ce matériel était rentré dans le pays après la mise en place de l'embargo en  2015. Des informations trop peu étayées, a jugé Moscou.
Ce veto russe – le premier sur le Yémen –, s'il constitue un revers diplomatique pour Washington, est surtout le signe d'un renforcement de l'axe Moscou-Téhéran, déjà à l'œuvre en Syrie. " Ces divisions au sein du Conseil de sécurité sont une mauvaise nouvelle si l'on veut aboutir à un accord ", estime un diplomate. Le Yémen connaît la pire crise humanitaire au monde avec 22  millions de Yéménites (sur 28) qui ont besoin d'une assistance. L'ONU vient de nommer son nouvel envoyé spécial, le Britannique Martin Griffith, après trois ans d'efforts infructueux du Mauritanien Ould Cheikh Ahmed.
Le veto russe complique les efforts des Européens, qui veulent maximiser la pression sur Téhéran à l'ONU. L'administration Trump, qui conditionne le maintien des Etats-Unis dans l'accord sur le nucléaire à un durcissement de ton contre Téhéran, pousse les Européens à donner des gages pour tenter de sauver l'accord.
Or, Mme Haley a estimé que ce vote " ne serait pas déterminant pour la décision - de l'administration Trump - sur l'accord nucléaire ", mais qu'il " n'allait pas aider ". Dans un communiqué commun rendu public mardi 27  février, la France, l'Allemagne, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont exprimé " leur inquiétude " et demandé à l'Iran de stopper toutes activités qui contreviendraient ou violeraient le régime de sanctions au Yémen. Mme  Haley a aussi Téhéran " de nouvelles actions des Etats-Unis et de ses alliés qui ne pourront pas se heurter à un veto russe ". En clair, de nouvelles sanctions.
C'est dans ce contexte que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, se rendra à Téhéran, lundi 5  mars. Il devrait faire part à l'Iran de l'inquiétude de la France face aux " ambitions capacitaires de Téhéran " en matière balistique et esquisser le plan des Européens pour sauver l'accord nucléaire.
Marie Bourreau
© Le Monde

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