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vendredi 30 décembre 2016

La lettre de Jean-Luc Mélenchon à François Hollande Président de la République......

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Je suis heureux de la grâce complète accordée à Jacqueline Sauvage. Comme d'autres, à l'appel du comité et d'Eva Darlan j'avais réclamé que le président sorte de la demie mesure d'une grâce "partielle". Il l'a fait. C'est une décision juste, par-delà la loi écrite, par-delà le bien et le mal, en conscience.
Je félicite le comité et Eva Darlan pour leur courageuse et inflexible opiniâtreté. Jlm
Retrouvez ci-dessous ma lettre au Président de la République datant du 24 décembre 2016 :
Jean-Luc Mélenchon
Député européen
Le 24 décembre 2016
Monsieur le président,
Le droit de grâce qui vous a été attribué est un attribut redoutable de votre fonction. Car il ne s’exerce pas d’après le Droit et il vous retire le confort de l’examen juridique des faits auxquels il s’applique. Au demeurant le jugement des tribunaux y suffiraient. Ce droit de grâce est une aptitude qui vous libère des obligations républicaines les plus exigeantes d’après lesquelles si dure que ce soit la loi, force doit rester à la loi. La grâce s’exerce par-delà l’appréciation du licite et de l’illicite. La question posée par la situation présente de Jacqueline Sauvage n’est pas de savoir si elle est coupable ou non, si ce qu’elle a fait est excusable ou non. La grâce tranche d’après la règle intime qui évalue le bien et le mal, par-delà tout ce qui les définit textuellement. Vous avez conclu d’abord à une grâce partielle. Vous avez donc tranché partiellement. Et ce qui reste de l’un et de l’autre côté de cette frontière revient sans cesse à l‘assaut de notre tranquillité comme autant de gêne à supporter l’un ou l’autre côté de la décision. Les faits fonctionnent alors comme des remords permanents. Madame Sauvage mérite-t-elle de demeurer incarcérée ? Madame Sauvage mérite-t-elle que vous ayez donné les moyens de la maintenir en détention lorsqu’elle demande un droit de sortie pour les fêtes de famille en fin d’année ? Vous ne pouvez objecter que c’est décision de juges indépendants. C’est votre décision qui rend possible cette demi-mesure permanente entre la conséquence de la grâce et sa valeur partielle. Tranchez, monsieur le président. Dites de quel côté de votre « grâce partielle » la situation de madame Sauvage doit s’entendre. Car la vie de madame Sauvage n’est pas partiellement envisageable. Elle est tout entière d’un côté ou de l’autre de votre décision.
Les personnes qui viennent vous demander cette grâce complète que le sentiment d’humanité réclame n’aiment guère cette situation qui les fait supplier pour ce qui leur semble aller de soi. À votre tour entendez que vous n’êtes pas appelé à changer d’avis mais à parfaire une décision dont la vie vous apprend qu’elle est inapplicable. On ne pardonne pas à moitié. On ne tourne pas la page partiellement. Sur cette frontière extraordinaire où les institutions vous placent au moment d’exercer ce droit, vous êtes comme un démiurge, si limités que soient vos moyens de l’être vraiment, comme ce serait le cas de tout être humain à votre place. Il ne vous reste qu’à avoir l’audace de votre situation. Tranchez ! Laissez cette femme devant sa conscience. Son âge, ses épreuves subies sont les alliés de la mansuétude qui est attendue de vous. Connaissez-vous le jugement de Salomon ? Les justes y trouvent leur compte. La vérité jaillit de l’art de décider plus sûrement que de la pente à ne rien décider vraiment. Quelqu’un vous a-t-il demandé de renoncer à cette grâce complète ? Personne. D’où tenez-vous qu’elle doive être « partielle ». La grâce n’est pas un jugement d’appel. Elle est la voix qui parle en vous après que tout soit dit.
Monsieur le président, demi-mesure n’est pas mesure. La vie ne se vit pas aussi partiellement que le voudraient des décisions mal méditées. Laissez aller madame Sauvage au-devant de sa liberté et de la voix intérieure qui lui parle.
Avec ma considération pour la décision attendue de vous.
Jean-Luc Mélenchon

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